Il y a des disparitions plus difficiles à digérer que d’autres. On a beau s’y attendre et savoir que la personne concernée est âgée, le choc est là. La nouvelle est même difficile à croire. Et pourtant, il est parti le 12 novembre 2018, il y a quatre ans, à Los Angeles.
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Vous lirez ici et là qu’il avait 95 ans, mais qu’il “restera immortel de par son héritage”. Une formulation cliché que l’on retrouve dans diverses nécrologies. Mais s’il y a bien une fois où l’on peut se la permettre, c’est pour ce cher Stan Lee, de son vrai nom Stanley Martin Lieber.
On a tous une histoire avec le pape des comics, un lien avec son œuvre immense. Pour certains, il est ce gentil vieux monsieur qui s’est amusé à faire quantité de caméos dans ses propres histoires, tels des clins d’œil potaches. Pour moi, comme pour d’autres, c’est avant tout un père spirituel qui a changé nos vies. Et il a commencé à bouleverser la mienne avec Spider-Man.
Spider-Man ou l’illustration du génie de Stan Lee
Je ne me souviens plus de la manière dont j’ai découvert le personnage de Spider-Man. Probablement avant les films de Sam Raimi. Probablement avec le jeu vidéo sorti en 2000, sur lequel j’ai perdu beaucoup d’heures à me battre contre le Scorpion dans des décors ultrapixélisés. Probablement avec la série animée diffusée dans les années 1990 sur TF1. Ou peut-être les comics. Qu’importe, au fond.
Le fait est que Spider-Man a hanté mon enfance, et ce, de diverses manières. Mon premier souvenir de jeu vidéo ? Le Spider-Man qu’on m’avait acheté sur PC, jusqu’à ce que mon enfoiré de frère casse le CD-ROM. Un de mes premiers souvenirs de film d’action ? Le Spider-Man de Sam Raimi. Un de mes premiers souvenirs de série animée, aux côtés des Razmoket ou de Batman : oui, encore et toujours, Spider-Man. Peter Parker, l’éternel lycéen à lunettes changé en super-héros.
J’ai rêvé un nombre incalculable de fois qu’un jour je me ferais piquer par une araignée radioactive. D’avoir ses pouvoirs. De pouvoir me balancer d’immeuble en immeuble d’une manière fluide et cool, en criant comme un demeuré au-dessus des avenues de New York (que je n’avais pourtant encore jamais foulées de ma vie). D’être assez fort pour pouvoir battre n’importe qui. De sauter plus haut que jamais. D’avoir suffisamment de réflexes pour attraper un plateau à la cantine sans laisser chuter ni la pomme, ni le bout de pain, ni la brique de lait, et encore moins le fromage.
Si Spider-Man m’a autant touché, c’est qu’il ne s’agit pas d’un soldat ou d’un multimillionnaire comme tant d’autres super-héros. Je voyais ici un ado normal, vivant une vie presque normale, dans un foyer assez pauvre, et se transformant malgré lui en ce super-héros qui ne s’attaque pas forcément à des méga-méchants cosmiques, mais qui préfére être “your friendly neighborhood”. Un modèle qui brillait sans forcer à l’école, faisait de son mieux pour aider et devenait ainsi le meilleur des réceptacles de pouvoirs – et donc d’une “grande responsabilité”.
Et à travers lui, j’ai perçu des thèmes qui m’ont parlé. La peur de perdre un proche, le dilemme de se venger d’un meurtre, les galères d’adolescent ou de jeune étudiant, les soucis financiers… Au fond, ces problématiques le rendent tellement humain. Si c’est une des marques de fabrique de Lee (on pense notamment à la question de l’exclusion de la société, centrale dans la saga X-Men), aucun de ses récits n’a été aussi proche des lecteurs.
Oui, Spider-Man m’a fait rêver, mais je me suis aussi senti réellement attaché à lui. Un sentiment bien plus fort que pour n’importe quel autre personnage, et ce, pour une raison simple : c’est Spider-Man qui m’a amené à découvrir le monde des comics et des super-héros et, en passant, l’apport monstrueux et inévitable de Stan Lee à la pop culture.
Un véritable auteur et créateur de génie
Car Stan Lee n’a pas seulement créé des héros, il a inventé des univers dans lesquels il est facile de se plonger, que ce soit à travers du papier, des films d’animation ou des blockbusters hollywoodiens. Les nouvelles générations sont peut-être plus liées aux films du MCU, aux personnages d’Iron Man, Thor, Hulk ou encore Black Panther. Les anciennes sont peut-être plus attachées au papier glacé ou aux vieilles séries.
Qu’importe. Qu’importe la manière dont Stan Lee a réussi à nous toucher. L’homme a créé un pan entier de notre enfance à coups de costumes moulants, de punchlines salvatrices et de victoires réjouissantes. Alors, oui, George Lucas et J. K. Rowling lui ont succédé avec brio dans cet exercice des plus difficiles, celui de faire rêver des générations entières, mais Stan reste pour moi le premier à avoir concrétisé cela.
Et qui peut se targuer d’avoir façonné plus de 360 personnages qui ont marqué à tout jamais la culture ? Qui peut se vanter d’avoir pondu une œuvre sur un support d’abord rejeté par tous, le comics, mais qui est depuis devenu l’un des piliers du divertissement populaire ?
Stan Lee a été, est, et sera toujours au cœur de ma définition très personnelle de ce qu’est la pop culture. Si mon histoire d’amour avec ces personnages ne mourra jamais, le papa d’une partie de mon enfance m’a quitté.
Il n’y a pas que ses super-héros qui sont orphelins : nous le sommes tous, depuis quatre ans déjà.