C’était le succès de l’été qu’on n’avait pas forcément vu venir. Mi-juillet, aux États-Unis, juste derrière le nouveau Mission impossible, le haut du box-office n’était ni campé par le cinquième volet d’Indiana Jones ni par le nouvel épisode horrifique de la franchise Insidious, mais bien par Sound of Freedom, un thriller d’action au budget modeste et qui raconte l’horreur des trafics d’enfants par les cartels latino-américains, qui sort aujourd’hui en salle.
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Sauf que derrière ce succès se cachent beaucoup de controverses et de questionnements.
Sound of Freedom, c’est quoi ?
Le film est réalisé et coécrit par le Mexicain Alejandro Gómez Monteverde, avec l’acteur américain Jim Caviezel dans le premier rôle. Le long-métrage de fiction est inspiré de l’histoire (plus ou moins) vraie de Tim Ballard, ancien agent de la Sécurité intérieure des États-Unis, qui a fondé en 2013 la plateforme Operation Underground Railroad pour lutter contre le trafic d’enfants en Colombie.
En puisant dans les rapports de missions que Ballard a retranscrits dans différents ouvrages, Sound of Freedom raconte comment l’activiste a démissionné de son poste d’agent spécial pour se lancer dans une mission visant à sauver les enfants des cartels latino-américains et des réseaux de traite des êtres humains.
Le film, bouclé depuis 2018, devait initialement être racheté par 21st Century Fox, avant d’être écarté du calendrier de sorties lors du rachat de la firme par Disney en 2019. Cinq ans après la fin de sa production, le film a enfin trouvé le chemin des salles obscures sous l’égide de la firme indépendante Angel Studios.
Sorti le 4 juin dernier, le film a eu un box-office grossissant au fil des semaines, se hissant même à la seconde place du box-office américain à un moment, juste derrière le dernier Mission impossible, et a terminé sa course avec 184 millions de dollars rien que pour le territoire américain et 244 millions de dollars à l’international – alors que son budget de production est estimé à seulement 15 millions de dollars, selon le média Screen Rant.
Pourquoi une controverse ?
Pour beaucoup, le film relève de la propagande droitiste, notamment celle du groupuscule QAnon. Pour comprendre comment le groupe complotiste a terminé dans cette histoire, il faut s’intéresser à Tim Ballard et son double fictif Jim Caviezel. Tant l’activiste que l’acteur ont fait l’actualité ces dernières années pour avoir relayé les théories et idéologies du groupe QAnon.
En 2020, dans une vidéo postée sur Twitter, l’ancien agent fédéral accuse ainsi la chaîne de fournitures Wayfair d’être impliquée dans des réseaux de trafic d’enfants. Les récits de Ballard eux-mêmes sont sources de controverse, le média Vice ayant relayé des incohérences et suspecté l’Américain d’exagérer ses récits de sauvetage dès 2020.
Jim Caviezel est devenu célèbre en 2004 grâce à son rôle de Jésus Christ dans La Passion du Christ de Mel Gibson. En 2021, en pleine promotion du film Sound of Freedom, l’acteur défend l’une des théories principales du groupe QAnon, à savoir la purge du sang des enfants par les trafiquants pour en extraire une substance considérée comme une cure de jouvence, l’adrénochrome. Il avance même en avoir été témoin. Dans sa version originelle, la théorie fantaisiste de QAnon défend que plusieurs vedettes de Hollywood et des personnalités du Parti démocrate exercent cette pratique.
Concernant le vrai Tim Ballard, ce dernier s’est retrouvé au milieu d’une polémique en juin dernier car, dans une enquête de Vice entourant le film et sa production, il a été révélé que plusieurs femmes l’accusaient d’abus et d’harcèlements sexuels – elles ont raconté au média qu’il prétextait devoir se faire une couverture pour ses enquêtes en ayant une fausse femme et les incitait à les faire dormir dans son lit ou à se laver avec pour filouter les trafiquants. Des accusations niées par ce dernier, les accusant de “mauvais pédophiles” essayant de salir son “bon nom”.
Les liens entre le film et l’extrême droite ont également été dénoncés suite au soutien reçu par le film, principalement de la part d’organes divers reliés à la droite, voire l’extrême droite catholique américaine. Les chiffres impressionnants de Sound of Freedom s’expliquent en partie par le communautarisme de certaines structures qui s’appuient sur le système de “Pay It Forward” appliqué par Angel Studios, comme le rapporte le média IndieWire :
“Vous pouvez acheter un billet pour Sound of Freedom, en payer un autre, et quelqu’un d’autre peut demander à l’obtenir s’il n’en a pas les moyens financiers. Un groupe de personnes achetant des billets en gros lots, par exemple pour une entreprise ou une Église, peuvent même échanger gratuitement une partie de leurs billets. Le distributeur affirme que sur les 14,2 millions de dollars qu’il a récoltés, 2,6 millions proviennent de personnes qui ont acheté en lot via ces ventes de billets.”
Le soutien de la droite se matérialise de façon plus concrète encore avec l’annonce d’une projection officielle organisée par l’ancien président américain Donald Trump dans son club de golf de Bedminster, en présence de l’équipe du film. Si le film en lui-même ne touche directement à aucune théorie de droite, et encore moins de QAnon, les liens entre Sound of Freedom et l’extrême droite semblent évidents.
Une trend TikTok teintée de paranoïa
Face à ces affinités avec les groupes de droite, d’extrême droite et même de QAnon, de nombreux·ses critiques et spectateur·rice·s dénoncent le succès du film. Sauf qu’en réponse à ces menaces et ces accusations, dans la volonté de défendre Sound of Freedom, plusieurs utilisateur·rice·s de TikTok ont fait surgir une trend visant à prouver que les chaînes de cinéma sabotent volontairement les projections du film avec la volonté que le moins de monde possible ne puisse le voir, notamment dans les salles de la célèbre chaîne AMC.
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Cependant, tant le PDG des cinémas AMC que le cofondateur d’Angel Studios se sont depuis positionnés pour démentir les accusations et les faux scénarios pointés du doigt dans les différentes vidéos circulant sur les réseaux sociaux, saluant même la collaboration entre les deux firmes, qui aurait activement contribué au succès de Sound of Freedom.
Adam Aron, PDG de la chaîne AMC Theatres, a partagé :
“Plus d’un million de personnes ont regardé Sound of Freedom dans les cinémas AMC. Plus que dans n’importe quelle autre chaîne de cinémas de la planète. Pourtant, les gens prétendent faussement le contraire. C’est tellement bizarre.”
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Et en France ?
En France aussi, certains twittos ont vu la paranoïa américaine leur monter à la tête, pointant du doigt l’absence du film dans les salles françaises comme signe d’un énième complot à l’encontre de la vérité absolue dont Sound of Freedom serait visiblement le prophète.
Sauf que, comme le rappelle très justement ce tweet de Simon Robert, qui travaille au marketing de la société de distribution Zinc, “tout n’est pas complot”, et l’absence d’un film américain en France, aussi couronné de succès soit-il de l’autre côté de l’Atlantique, s’explique par différents facteurs loin d’un quelconque complot occultant.
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La preuve par l’achat en acquisition du film par Saje, distributeur spécialisé dans les films chrétiens, dont on vous parlait plus amplement lors de la sortie de Vaincre ou Mourir, qui ne se cache pas d’avoir des opinions politiques clairement très (très) à droite.
Si vous avez encore un doute, lisez ce thread écrit par un journaliste présent lors de l’avant-première française, emplie de discours complotistes à gogo.
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Article écrit le 19 juillet, mis à jour le 15 novembre.