The Soft Moon : “J’aime le fantasme de tuer un être humain”

The Soft Moon : “J’aime le fantasme de tuer un être humain”

Take me far away / To escape myself / ‘Cause I was born to suffer / It kills my mind / It kills me inside / Happens all the time

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La voiture est supposée me représenter – avec une certaine distance et un peu d’imagination hein. Comme si je m’échappais, tu vois. En fait la plupart du temps j’ai vraiment l’impression d’être mon pire ennemi. Je combats chaque jour avec moi-même, parce que je ne me fais pas confiance. J’ai peur de devenir taré, à cause de ce qui hante mon esprit, de mes sentiments… C’est pour ça que j’essaye de dépasser les limites de mon corps.

Ce n’est pas tant un scoop, que tu sois un artiste si torturé. Tu exprimes quelque chose de très sombre et Deeper est, évidemment, un album sombre. Explique-nous où tu puises tout ça.
C’est précisément ce que je cherche à savoir. C’est aussi pourquoi j’enregistre des disques et en les réécoutant, je collecte des informations. Je sais qu’à la surface j’ai l’air d’un type normal, mais pour je ne sais quelle raison, quand je crée, la musique qui sort de moi est vraiment sombre… J’ai fait une obsession de savoir pourquoi. Peut-être qu’un jour j’atteindrai ce but ultime…
… et donc tu arrêteras la musique ? 
Disons qu’au moins, je mettrai un terme au projet The Soft Moon. J’espère, vraiment, qu’il y aura une fin à tout ça. Les fans n’aimeront pas ça. Mais si j’arrive au bout de ce projet, eh bien j’aurai gagné.
Tes disques sont difficiles à classer. On entend du rock, de la coldwave, mais aussi des fragments de musique électronique, expérimentale, et surtout, ça fait vachement danser. Qu’est-ce que tu dirais, toi ?
Pour moi c’est de la musique psychologique, émotionnelle et biologique. Je suis curieux de ce que je suis, et de ce que les autres sont. Ma musique questionne tout ça, à travers mes émotions. Mais après, en termes de genres musicaux, c’est difficile à dire… C’est peut-être pour ça que les gens ont du mal à définir exactement ce qu’est The Soft Moon. En effet, ça touche beaucoup de genres différents.
C’est super intéressant pour moi de lire ce que les journalistes et les gens sur Internet écrivent, parce que j’apprends à mieux interpréter ma musique. Je ne suis pas certain de savoir pourquoi tout ça existe, ou pourquoi ma musique sonne de la sorte.
C’est un peu paradoxal, non ? Tu exprimes tes pires sentiments pendant que les gens dansent comme des cinglés devant toi sur scène. Je t’ai vu au Paris Psych Fest 2014, c’était impressionnant. Tout le monde dansait. C’était bouillant, là-dedans, tu te souviens ?
Ouais, bien sûr que je me souviens [The Soft Moon en était la tête d’affiche, ndlr]. Les gens dansaient, slammaient… Je crois que j’aime bien l’équilibre de ces deux choses, justement. Exprimer sa noirceur tout en la contrastant avec l’optimisme du live. Ça crée comme une sorte de conflit.
Et toi, danser, tu aimes ça ?
Oui, parfois. J’habite Berlin, alors je te fais pas un dessin : il y a des clubs techno à tous les coins de rue. J’aime bien danser. J’aime le fait que la musique soit invisible, mais qu’elle ait l’aptitude de faire bouger les corps. C’est fascinant, non ?
Oui. D’ailleurs sur scène vous êtes trois, mais The Soft Moon reste un projet solo, c’est ça ?
C’est un projet solo, mais en même temps il y a deux choses : le processus d’écriture est tout aussi important que l’aspect live. Donc l’écriture, c’est moi, ma propre vision, ma façon de fouiller mes entrailles et de lâcher ce que j’y trouve. Mais le live, c’est la libération complète. Je vais d’abord vers l’intérieur, puis ensuite vers l’extérieur.
Entre mes 12 et 15 ans, j’ai monté mon premier groupe. En tout cas, c’est à 12 ans que j’ai écrit ma première chanson. Peu après, j’ai convaincu un ami d’acheter une basse pour m’accompagner. Et depuis, je n’ai pas cessé de chercher mon son avec d’autres musiciens.

“Si tu es dans le punk rock, tu dois être punk rock. Si tu dis à tes potes que tu écoutes Prince, tes amis du milieu vont juste se moquer de toi. Alors j’ai dû planquer pas mal de choses”

“J’ai commencé à mettre du chorus sur la basse à 18 ans, maintenant j’en mets partout. Même sur la batterie. Ça donne un effet de fluide, de chair. L’impression que le son est malade”

Bon, je sais que cette question a toujours l’air un peu con mais tout de même : que penses-tu des références que les gens associent toujours à ton nom – Joy Division en particulier ?
Ouais, on me parle toujours de Joy Division. C’est comme ça. J’imagine qu’il y a une part d’image. C’est drôle parce que c’est après avoir sorti mon premier album, comparaison oblige, que j’ai fait plus attention à ce groupe. Je voulais entendre la connexion. Parce que je n’ai jamais pensé à Joy Division quand j’ai commencé The Soft Moon. Plus tard, j’ai compris à quel univers musical on me rattachait, ces groupes auxquels je n’étais pas familier, que les journalistes rapprochaient de mon son… La musique obscure. Avant, je n’avais pas réalisé le lien. Maintenant je l’ai, j’ai compris l’esprit qu’on partage.
Pour moi, tu sonnes plus comme un mélange entre les débuts de The Cure, notamment pour l’effet “chorus” omniprésent sur la basse, et de l’indus à la Ministry ou Nine Inch Nails…
Oui, pourquoi pas. Ça me parle. Je suis toujours prêt à aider les gens à interpréter ma musique. J’apprends de moi-même. Hey, ma musique sort de cette manière, j’ai envie de savoir pourquoi ! Concernant le chorus, c’est vraiment inconscient. J’ai commencé à mettre du chorus sur la basse à 18 ans, maintenant j’en mets partout. Même sur la batterie. Ça donne un effet de fluide, de chair. L’impression que le son est malade, parce que moi-même je me sens toujours malade. L’effet “phaser” fait ça très bien aussi. Je suis à fond dans ces trucages sonores qui donnent un effet de nausée.
Bon. Donc, tu n’écoutes plus de musique. Pourtant, on dit qu’elle adoucit les mœurs. Qu’est-ce que tu fais pour te calmer ?
Je regarde des films. J’en regarde beaucoup plus que je n’écoute de musique.
Ça te dirait d’écrire de la musique pour le cinéma ?
Ouais, carrément. C’est un de mes objectifs d’ouvrir cette nouvelle porte. J’ai déjà réalisé de tout petits projets avec des amis, j’ai parlé avec deux ou trois réalisateurs qui voulaient travailler avec moi, mais j’attends plus ou moins que quelque chose se produise, oui. Je ne sais toujours pas avec certitude si c’est vraiment quelque chose que j’aimerais vraiment faire. C’est plus du domaine du rêve pour l’instant, même si je ne saurais toujours pas tant que ça n’arrive pas.

“Ce serait génial de personnifier un serial killer à travers la musique”

Imaginons, dans ce cas : quel serait le film ou la série idéale pour que tu en écrives la musique ?
J’aimerais vraiment que ce soit un slasher. Un film d’horreur pur, ou plutôt un film d’horreur psychologique avec un serial killer, je pourrais vraiment m’identifier au personnage. Je crois que ce serait vraiment amusant de me transporter dans cet état d’esprit parce que je ne suis pas un tueur moi-même. Ce serait génial de personnifier un serial killer à travers la musique. J’adore les choses sombres, les trucs malades [il part d’un grand rire, sans que je sache si je suis tout à fait à l’aise, ndlr]. Je ne suis pas à fond dans les films d’horreur, mais je les aime pour certaines raisons. J’en regarde une fois ou deux par semaine.
Qu’est-ce que tu préfères dans ces films ?
J’aime le fantasme de tuer un être humain. C’est vraiment quelque chose qui m’intrigue, quelque chose que j’espère ne jamais faire. Mais c’est très intrigant pour moi, cet état d’esprit. Ce besoin de tuer pour n’importe quelle raison.
Revenons à la musique, et plus précisément au format. Tu portes une importance au format physique ?
Avant, oui. Je collectionnais les CDs. J’étais complètement obsédé et addict à ma collection. Je suis revenu aux États-Unis rendre visite à ma famille récemment et j’ai dû déménager des affaires d’un garage. J’étais avec un ami et là, j’ai retrouvé ma collection de CDs. Je lui ai donnée. Des années et des années de CDs. Des centaines. Des boîtes et des boîtes et des boîtes de CDs. De tout type de musique. Mais je n’ai eu aucun regret à lui donner.
Ceci dit, je ne suis pas à fond dans le format digital, j’ai même recommencé une collection de vinyles. Il se passe quelque chose, quand tu tiens un disque entre tes mains. C’est plus organique. Je comprends tout à fait ce retour au vinyle. Parce que le son est différent, et parce que c’est l’une des premières formes de musique qui soient sorties.

“Quoi qu’il arrive, je suis complètement ouvert à la génération du téléchargement”

Qu’est-ce que ça te fait que les gens téléchargent tes disques ? Tu l’as déjà fait toi-même ?
Oui, j’ai déjà téléchargé, mais c’était de la musique vraiment rare. Je cherchais de la musique africaine à ce moment-là. Je l’ai téléchargée parce que ce sont des enregistrements quasi impossibles à acheter quelque part. Mais je n’aurais jamais téléchargé quelque chose de moderne, parce que si j’avais cherché à l’acheter, j’aurais pu les faire.
Après j’ai discuté de ces gens qui téléchargent The Soft Moon auprès de mon management et de mon label. J’ai la chance d’avoir des fans assez loyaux qui téléchargent mais achètent ensuite à la table de merch quand je passe dans leur ville en concert. Mais quoi qu’il arrive, je suis complètement ouvert à la génération du téléchargement. La seule chose qui me manque, c’est qu’avant tu écoutais un disque du début à la fin, parce qu’avec cette nouvelle façon de consommer, parfois c’est juste pour écouter une chanson… Tout l’accès qu’on a grâce à Internet, c’est trop d’informations…
Pourquoi est-ce si important d’écouter un disque de A à Z ?
Écrire un disque, c’est réfléchir à un tout. J’ai l’impression que tu rates quelque chose, si tu ne prends qu’une ou deux chansons. Que tu perds le fil de l’histoire.
Deeper est sorti le 31 mars chez Captured Tracks. Suivez The Soft Moon sur Facebook ou fracassez-vous le crâne sur son site Internet directement. C’est un ordre.