Depuis quinze ans, on reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais on a aussi à cœur de spotter les talents émergents dont les médias ne parlent pas encore.
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En 2024, après une première édition des Talents of tomorrow, on repart en quête de la relève. La rédaction de Konbini vous propose une série de portraits sur les étoiles de demain, qui vont exploser cette année. Des personnalités jeunes et francophones qu’on vous invite à suivre et soutenir dès maintenant.
© worldwidezem/Konbini
Portrait. Tout le monde se souvient de Hannah Montana et de sa double vie : la journée, elle est une jeune adolescente comme les autres et le soir, une pop star qui enflamme les planchers. Silvano Coltro est un peu notre Hannah Montana à nous, en taille XL et avec beaucoup plus de charisme — sorry, Miley. Vous l’avez peut-être aperçu aux côtés des autres beaux gosses du Pit Crew de la seconde saison de Drag Race France, ou sur les podiums de la Fashion Week de cette année, mais, en semaine, c’est dans un cabinet d’avocats que le jeune mannequin belge passe ses journées de boulot.
C’est un quotidien atypique, qui témoigne de la difficulté de faire du mannequinat un métier à temps plein, encore plus lorsqu’on défend et présente un corps qui s’éloigne des diktats immuables du monde de la mode. Si le mannequinat semble commencer à lui ouvrir des portes, ce choix de carrière est tout sauf une évidence pour Silvano, qui se souvient de ses jeunes années et son rapport complexe à son reflet.
“Enfant, je me souviens avoir toujours eu horreur de m’habiller. Déjà à cette époque, mes amis portaient les vêtements tendance du moment et moi, je ne parvenais jamais à les trouver à ma taille.” Engagé depuis plusieurs années sur ses réseaux sociaux, et notamment grâce à sa page Instagram qui compte plus de 12 000 abonné·e·s, Silvano n’a jamais hésité à confronter les grands standards et les griffes les plus emblématiques du secteur, avant de devenir lui-même l’un des rouages de l’industrie de la mode — avec l’objectif de chambouler la machine.
“Le mot ‘gros’ n’est pas une insulte”
Pour Silvano, tout commence dans le cadre d’une collaboration avec une marque française de sous-vêtements masculins. Historiquement, la fameuse marque n’avait travaillé qu’avec des corps musclés et, si l’intégration de Silvano partait d’une bonne intention, le mannequin en herbe se confronte pour la première fois à l’obstacle majeur du milieu. “Être mannequin plus-size, c’est un sacré challenge. Surtout dans une industrie qui ne veut pas de toi, qui ne sait pas comment travailler avec toi.”
Depuis, Silvano Coltro considère sa carrière dans le mannequinat comme un engagement de tous les jours, loin du rêve éveillé édulcoré. “Adolescent, j’ai commencé à rêver d’intégrer ce monde. Aujourd’hui, je ne carbure plus à la passion. Ce qui m’anime, c’est l’envie de bousculer le manque de représentation des corps, de créer de nouveaux modèles pour les gens comme moi, d’ouvrir les portes pour les jeunes qui ont souffert de leurs corps. Le frein principal, c’est le manque de volonté de la part des marques qui refusent de sortir de leurs zones de confort pour proposer des tailles en dehors de ce qu’ils ont toujours fait et d’apprendre à travailler sur d’autre type de corps.”
Parallèlement à ses apparitions dans les lookbooks des plus grandes marques, à l’instar de Marine Serre (c’est le premier homme plus-size de la maison), Silvano Coltro met son image et son exposition au profit de son combat. Son activisme l’a même mené à conduire en février 2023 un reportage pour Vogue France sur la place des mannequins plus-size à travers le monde. En juin 2023, il se fait remarquer en tant que membre du Pit Crew de Drag Race France et signe plusieurs défilés et showrooms lors de la Fashion Week de Paris, notamment pour la marque Doublet et Ouest Paris. “Cette année, j’espère pouvoir encore créer d’autres moments dont je suis fier.”
Lorsqu’on lui demande s’il est important pour lui de spécifier “plus-size” à côté du mot “mannequin”, Silvano est formel : “Oui, c’est politique.” Les mots, justement, et leurs symboles, comptent beaucoup pour lui, qui n’a pas peur du mot “gros”. “Le mot ‘gros’ n’est pas une insulte. Il faut arriver à se réapproprier le terme de façon positive, surtout dans le milieu de la mode”, défend Silvano.
Dans une industrie qui promeut la maigreur et le filiforme, il n’est pas facile de valoriser les corps différents : “Ça m’est déjà arrivé plusieurs fois que j’arrive sur un shooting et que les équipes ne comprennent pas directement que je suis le mannequin”. Lorsqu’on lui demande s’il a un message à faire passer aux créateur·rice·s de mode, Silvano s’offre une petite pique bien placée pour un certain créateur allemand bien connu pour sa grossophobie décomplexée.
“Avoir une personne grosse sur vos lookbooks ne tuera personne. Du moins, ne tuera plus personne : Karl est déjà mort”
“Pourquoi la mode est si obsédée par les muscles ?”, se demande Silvano. Nous aussi. Les icônes masculines du milieu sont, pour la majorité, des apollons au sens archaïque du terme : élancés, grands, minces et musclés. Malgré l’émergence d’une certaine fascination pour le dad body, la société reste tristement homogène en termes d’idéaux corporels masculins. Silvano évolue d’ailleurs dans le milieu avec lui-même comme seule inspiration : “Je n’ai jamais trouvé d’icône grosse masculine à laquelle m’identifier dans le monde de la mode, ou dans l’espace médiatique en général”.
Car le diktat de la minceur ne s’arrête pas aux podiums, nous rappelle Silvano : “Dans la société, les corps gros ne sont pas visibles. Quand ils le sont, ce n’est pas de façon valorisante, car le corps gros est associé à l’échec et la défaite, tandis que le corps mince et svelte est associé à la réussite.”
Et si cette croyance est profondément ancrée dans nos sociétés, le monde de la mode pourrait potentiellement servir de levier à un mouvement plus large. C’est d’ailleurs ce que Silvano se souhaite pour 2024 : “des éditos, des campagnes publicitaires, des défilés pendant les Fashion Weeks”. Dans la continuité de son combat, le mannequin espère beaucoup d’autres projets et d’occasions de permettre à des gens de s’identifier, avec l’espoir qu’ils se disent, eux aussi, “je suis beau comme je suis”.
Les recos de Silvano Coltro
- Un film : Étreintes brisées (2009) de Pedro Almodóvar.
- Une série : Ugly Betty de Silvio Horta. “On est un peu pareils, elle et moi.”
- Un jeu vidéo : Valorant.
- Un livre : Down the Drain de Julia Fox.
- Une marque : Lacoste. “Bookez-moi, s’il vous plaît.”
- Un disque : Safari Disco Club de Yelle.
Vous pouvez suivre Silvano Coltro sur Instagram.