Depuis 16 ans, le GLAAD (la plus grande organisation de défense des médias LGBTQ+ au monde) établit un rapport annuel détaillé de la représentation télévisuelle des LGBTQ+ aux États-Unis. Pour la première fois en cinq ans, les chiffres de son étude “Where We Are on TV” accusent une baisse pour la saison 2020-2021*.
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L’étude a en effet révélé que 9,1 % des personnages réguliers des séries de broadcast (ABC, NBC, CBS, etc.) diffusées aux heures de grande écoute cette saison aux États-Unis sont identifiés comme étant LGBTQ+, contre 10,2 % en 2019 (c’était un record). En d’autres termes, sur 773 personnages réguliers présents dans les séries de broadcast, seuls 70 sont LGBTQ+. Ajoutez à ce chiffre celui du nombre de personnages queers récurrents (qui effectuent plusieurs apparitions dans une série sans faire partie de la distribution principale) – 31 cette année, contre 30 l’année dernière – et vous obtenez 101 personnages LGBTQ+ proposés en 2020 sur les chaînes de télé gratuites américaines.
Les séries des chaînes câblées (FX, HBO, Showtime, etc.) accusent la plus grande baisse, avec 81 personnages LGBTQ+ réguliers (contre 121 la saison dernière) et 37 récurrents (contre 94 en 2019-2020). Les plateformes suivent la même tendance : Amazon, Hulu et Netflix proposent 95 protagonistes queers réguliers (contre 109 la saison dernière) et 46 récurrents (une légère hausse, on était à 44 en 2019-2020).
Plus précisément, le nombre de protagonistes trans a baissé tous canaux de diffusion confondus, passant de 29 à 38 l’année dernière. On note, en revanche, que les personnages bisexuels ont légèrement augmenté, représentant 28 % (contre 26 % précédemment) de la représentation LGBTQ+. Quant aux protagonistes asexuel·le·s, il n’y en avait qu’un en 2019-2020 dans la série animée BoJack Horseman et le GLAAD annonce qu’il y en aura un en 2021, sans pouvoir dévoiler l’info plus en détail étant sous embargo. Les diffuseurs qui se distinguent par un plus grand nombre de personnages LGBT sont The CW côté broadcast, FX pour les chaînes câblées et Netflix pour les plateformes.
<em>La série ado “Sex Education”, sur Netflix, brille notamment par son inclusivité.</em>
Une des causes principales de cette baisse générale est la pandémie de Covid-19, qui a vu plusieurs séries inclusives se retrouver en hiatus (comme Killing Eve, Euphoria, Gentleman Jack ou The L Word: Generation Q) ou pire, annulées prématurément (RIP GLOW ou Stumptown). Il y a tout de même de quoi se réjouir côté diversité : le rapport observe que, pour la première fois, plus de la moitié des personnages LGBTQ+ présents dans les séries du câble en prime time sont racisés* (c’est déjà le cas sur les séries de broadcast). Seules les plateformes comptent encore 51 % de personnages queers blancs.
Le coup de gueule de Shonda Rhimes
En revanche, une autre tendance inquiétante se dessine dans ce rapport : la représentation LGBTQ+ dans les séries repose en majeure partie sur les épaules de quatre showrunners : Shonda Rhimes, Ryan Murphy, Lena Waithe et Greg Berlanti. Ces producteur·rice·s de pouvoir ont assuré cette année 17 % de la représentation LGBTQ+, avec 62 des 360 personnages queers de la télévision (à travers le broadcast, le câble et le streaming) apparaissant dans leurs 16 séries collectives. Cela signifie qu’environ 5 % de toutes les séries représentent 17 % des personnages LGBTQ+.
Sur Twitter, Shonda Rhimes a pris la parole, appelant les showrunners hétérosexuels à prendre leurs responsabilités en matière de représentation LGBTQ+.
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“Vous savez ce qui m’agace ? Je suis la seule personne hétérosexuelle de cette liste. Ce n’est pas normal. On a le même problème avec n’importe quelle diversité. Les personnes blanches ne font pas leur travail quand il s’agit de représenter les personnes racisées.
Les scénaristes hétéros ne font pas leur job quand il s’agit de représenter les personnes queers. Pourquoi ? (PS : je ne sous-entends pas que je suis spéciale – la majorité du travail a été effectuée par Krista Vernoff [actuelle showrunneuse de ‘Grey’s Anatomy’ et collaboratrice de longue date du Shondaland, ndlr]).”
La majorité des postes de showrunners étant occupés par des personnes hétérosexuelles, la remarque de Shonda Rhimes est effectivement des plus pertinentes. Si ils et elles ont peur de mal représenter un personnage queer, on ne peut que leur conseiller d’embaucher des scénaristes concerné·e·s par la question, qui proposeront alors des portraits de personnages LGBTQ+ justes et convaincants.
Les séries de super-héros supervisées par Greg Berlanti ont largement participé à faire de The CW la chaîne de broadcast la plus inclusive des États-Unis.
Megan Townsend, directrice de la recherche et de l’analyse en matière de divertissement au GLAAD, a ajouté :
“L’inclusion des LGBTQ dans l’industrie étant toujours menée par un nombre concentré de créatifs et plusieurs séries inclusives s’achevant dans l’étude de cette année, les chaînes et les services de streaming doivent prendre note de la valeur de ce public spécialisé.
Il doit être prioritaire d’introduire des personnages LGBTQ nuancés et diversifiés en 2021 et au-delà, en veillant à ce que les diminutions de cette année ne deviennent pas des progrès inversés, alors que le secteur continue à évoluer et à s’adapter aux défis de cette époque unique.”
D’autres chiffres concernant l’inclusivité au global ont été apportés par le GLAAD : les séries de broadcast ont ainsi proposé 46 % de personnages féminins, tandis que la population américaine se compose de 51 % de femmes. L’écart le plus criant de représentativité reste celui des personnages en situation de handicap : ils ne représentent que 3,5 % des personnages dans les séries, quand leur nombre estimé aux États-Unis est de 26 %.
*La période étudiée se situe entre le 1er juin 2020 et le 31 mai 2021, le GLAAD ayant accès aux futures programmations des diffuseurs pour les mois prochains.
*Ayant fait l’expérience du racisme.