En 2009, NBC se surpasse en terme de sitcom en diffusant les inoubliables The Office et 30 Rock, alors encensées par la critique. Forte de ce succès, la chaîne lance la même année Parks and Recreation (mais aussi Community). Moins explicitement subversive que ses prédécesseuses, la série va cependant atteindre son potentiel comique et satirique, s’affinant au fil des années comme un bon fromage et se frayant un chemin dans le cercle fermé des séries cultes.
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Un The Office politique
Les séries traitant de politique sont légion. Mais au final, peu se sont intéressées à ce monde en relevant le pari d’être drôles et de nous faire du bien, surtout en partant du service des parcs et loisirs d’une ville perdue au fin fond de l’Amérique. Ce qui, sur le papier, ne vend clairement pas de rêve. Parks and Recreation peut se targuer de l’avoir fait et ce sur sept saisons, pas forcément égales, mais irremplaçables.
Mais pour comprendre la genèse de la série, il faut remonter à une sitcom en particulier, la corrosive The Office de Ricky Gervais. Lancé en Grande-Bretagne en 2001, le show bouscule alors les codes du genre en racontant le quotidien des employés de bureau d’une usine de fabrication de papier. Pas de quoi faire rêver les habitués du petit écran qui voient s’enchaîner des productions de plus en plus impressionnantes. Et pourtant, c’est un succès.
En plus de miser sur des personnages ordinaires, voir des antihéros, la série innove par sa façon de filmer. À l’heure des premières téléréalités (Big Brothers…), elle reprend ses codes en misant sur le mockumentaire et les confessions face caméra. Cela fonctionne si bien que The Office a le droit à son remake américain diffusé sur NBC avec Steve Carell dans le rôle de Michael Scott, le boss pathétique.
En 2009, Greg Daniels et Michael Schur, qui ont tous les deux travaillé sur la version américaine de The Office, reprennent la formule gagnante en lançant Parks and Recreation sur la même chaîne. Cette fois, ce sont les employés du département des parcs et loisirs de Pawnee, ville fictive de l’État de l’Indiana, qui sont au cœur de l’intrigue. Connue pour sa participation au Saturday Night Live, Amy Poehler incarne Leslie Knope, directrice adjointe du département qui deviendra un personnage iconique. La sitcom n’est pas un succès immédiat. Il faut attendre qu’elle se dégage de l’ombre imposante de The Office pour la voir décoller à partir de la seconde saison.
Ce qui fait la force de la série, c’est la puissance comique de ses personnages certes caricaturaux mais traversés d’émotions complexes et contradictoires. Si à la fin de la saison 1, Leslie est naïve et semble peu apte à gérer une équipe, elle devient par la suite une directrice énergique et généreuse qui illumine les autres personnages au fur et à mesure de son développement. De Ron Swanson, le bureaucrate cynique paradoxalement libertarien, à Tom Haverford, l’employé lourd et séducteur en passant par April Ludgate la jeune stagiaire inquiétante, tous deviennent indispensables et attendrissants, malgré leur quantité de défauts.
S’en dégage un casting de folie qui ne manquera pas de faire son chemin sur le petit ou le grand écran, à la suite de la série. Si Amy Poehler est déjà une star de la comédie, Aziz Ansari a ensuite connu le succès avec sa propre série, Master Of None, Aubrey Plaza a quant à elle été vue au cinéma dans pas mal de comédies, tout comme Chris Pratt, qui a percé au point d’assurer les premiers rôles dans des blockbusters tels que Les Gardiens de la Galaxie ou Jurassic World.
Le ressort comique de la série ne repose pas que sur ses personnages loufoques. Sa grande intelligence repose aussi sur la façon dont les auteurs ont incorporé les questions de société en usant de la satire. Qu’il s’agisse de moquer le monde des start-up en installant une compagnie nommée Gryzzl à Pawnee, l’Amérique puritaine en mariant deux pingouins homosexuels, ou de suggérer la brutalité du monde politique lors de débats surréalistes, Parks and Rec a touché dans le mille à de nombreuses reprises. Si bien que même les vrais politiques se sont pris au jeu. De Michelle Obama à John McCain, en passant par le vice-Président Joseph R. Biden Jr., tous sont venus rendre visite à Leslie Knope.
La scène culte : “Galentine’s Day” (S2E16)
Cette scène du Galantine’s Day, dans laquelle Leslie réunit son entourage féminin avant la Saint-Valentin afin de célébrer la solidarité entre femmes, représente bien l’essence du show (elle se répétera d’ailleurs deux fois dans la série). Là où The Office prônait un certain nihilisme, Parks and Recreation déborde d’un enthousiasme sans limite, incarné à lui seul par Leslie Knope.
Comme Leslie qui souhaite le bonheur de ses collègues, la série traite ses personnages avec bienveillance tout en se moquant gentiment de leurs travers. En effet, s’ils affrontent chacun des situations difficiles, ils arrivent aussi à les surpasser d’une façon ou d’une autre grâce à leur connexion, qu’elle soit amicale ou amoureuse, ainsi qu’à leur foi en un projet commun. Cela n’en fait pas pour autant des êtres parfaits. Le personnage de Jerry, souvent moqué sans raison, en est la preuve vivante et concentre toutes leurs failles. Néanmoins, cela en fait un show feel good qu’il fait bon regarder, même des années après.
La série, tout comme Amy Poehler dans des projets plus personnels, encourage une certaine bienveillance à l’égard de soi et des autres. Pour le comprendre, il suffit de regarder l’épisode Treat Yo’Self, dans lequel Donna et Tom s’accordent un jour off afin de prendre soin d’eux. Dans cette démarche, la sitcom prend un malin plaisir à déjouer certains codes. Ici, les personnages féminins sont ambitieux, indépendants mais surtout, solidaires. Ils n’entrent en aucun cas en compétition les uns avec les autres. Pour autant, ce n’est pas non plus le monde des bisounours qui nous est décrit, puisque la série n’oublie pas de montrer le sexisme dont ils sont souvent victimes.
Enfin, que serait Parks and Rec sans son héroïne, Leslie Knope, à la fois inébranlable et pleine d’insécurité. À mesure qu’elle gagne en puissance et en confiance, les obstacles qu’elle rencontre se font de plus en plus grands. Ainsi, la directrice adjointe se voit confrontée aux talk-shows à charge, aux tentatives d’humiliation, à la corruption politique, aux chantages en tous genres… Mais peu importe la façon dont les choses évoluent, Leslie conserve sa noblesse d’esprit. Si bien que le personnage est devenu une véritable inspiration pour les fans qui ont adopté “Be the Leslie Knope of whatever you do” (“Soit Leslie Knope en toutes circonstances”) comme un véritable mantra.
Les héritières
© Fox
Difficile de trouver des héritières à Parks and Recreation, sachant que la série est déjà la descendante d’une formule télévisuelle à succès. Cependant, certains shows s’inscrivent dans sa continuité comme l’excellent Brooklyn Nine Nine. Comme cette dernière, il s’agit d’une sitcom feel good qui base son intrigue sur l’amitié au travail. Ici, pas de mairie mais un commissariat, moins de satire mais plus de comédie pure.
Niveau optimisme sans faille, grandes ambitions et antihéroïnes, on pense à l’excellente Unbreakable Kimmy Schmidt, écrite par Tina Fey, la meilleure amie d’Amy Poehler au Saturday Night live. Comme Leslie Knope avant elle, Kimmy est tout aussi enthousiaste et impossible à décourager. C’est aussi le cas avec des personnages de la série Glow, un groupe de catcheuses galériennes qui tentent d’obtenir un show à la télé, dans le Los Angeles des années 1980.
Enfin, comme Parks and Rec a pu le faire en dépeignant les contradictions des habitant·e·s d’une ville moyenne comme Pawnee, Portlandia mise sur des sketchs absurdes et à contre-courant. La série se moque de certains côtés de Portland, notamment de son image de ville libérale, alternative et hipster, pour un résultat innovant et très perché. Au final, rien ne remplacera Pawnee dans nos cœurs. Encore moins, Li’l Sebastian.