Depuis sa création, en 1889, La Nuit étoilée de Vincent van Gogh a concentré nombre de théories sur ce que pouvaient bien représenter ses ciels tourbillonnants. Sachant que l’œuvre a été créée pendant l’hospitalisation psychiatrique de son auteur, on a beaucoup commenté la façon dont les coups de pinceaux de Van Gogh donnaient corps aux tortures de son esprit. Même le musée d’Orsay, qui expose une version antérieure – visiblement plus calme – du tableau, décrit l’œuvre comme exprimant “toute la violence de la psychologie troublée” du peintre. “Les arbres prennent la forme de flammes alors que le ciel et les étoiles tourbillonnent dans une vision cosmique.”
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Il existe pourtant des explications moins poétiques et plus – littéralement – physiques à sa représentation étoilée. En 2017, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan contait aux micros de France Culture “son admiration” pour La Nuit étoilée, notamment la compréhension intuitive des astres dont avait fait preuve Vincent van Gogh : “Chaque fois que je regarde ce tableau, je suis étonné par sa force. Van Gogh sent l’impermanence des choses. Il n’a aucune formation scientifique mais il capte intuitivement le mouvement des astres”.
Vincent van Gogh, La nuit étoilée, 1888. (© Musée d’Orsay)
Plus récemment, une équipe de scientifiques est parvenue à mettre fin au débat, qui “faisait rage” depuis une vingtaine d’années, sur le fait “savoir si le schéma des flux du chef-d’œuvre adhérait à la théorie de la turbulence de Kolmogorov”. Oui, c’est un débat qui faisait rage. Peut-être pas dans votre cercle proche mais écoutez, c’est comme ça, c’est pour ça qu’on est là. Pour que vous soyez au courant des débats qui font rage à propos des théories de la turbulence de Kolmogorov.
Chaos du cosmos, chaos de l’être
Plutôt qu’observer seulement une partie de la peinture comme cela a pu se faire dans des études antérieures, Yinxiang Ma, Wanting Cheng, Shidi Huang, François G Schmitt, Xin Lin et Yongxiang Huang ont décidé d’examiner “l’intégralité de la partie atmosphérique” de La Nuit étoilée et ses quatorze tourbillons, précise François G. Schmitt, toujours chez France Culture.
Leur analyse numérique, à lire dans Physics of Fluids, a permis de débusquer les “turbulences cachées” du tableau et de prouver que “Van Gogh avait un œil exercé et [qu’il avait] bien représenté les propriétés de la turbulence”. Les scientifiques ont décortiqué les “tourbillons dans les tourbillons” invisibles à l’œil nu et, surprise, surprise, “la présence de turbulences cachées” qui collent aux équations de la mécanique des fluides déterminées par le mathématicien russe du XXe siècle Kolmogorov. Depuis sa chambre d’hôpital, Vincent van Gogh semble être entré en communion avec le cosmos, jusqu’à ressentir le chaos des turbulences célestes. De là à dire que ce chaos reflétait celui qui agitait sa tête, il n’y a qu’un pas et un peu de romantisation torturée.
L’étude complète est à lire dans Physics of Fluids.