“Ces gens se sentent orphelins aujourd’hui”
A l’entrée il y a David le caissier. Costume bien mis et moustache taillée, il était maître de la console qui fait face à la file d’attente dix ans durant. Un peu résigné, il semble surtout regretter la “relation privilégiée” qu’il avait avec les clients :
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L’aspect cinéma de quartier, c’est très important. Les clients sont plutôt âgés, ce sont parfois des veuves ou des veufs… Ces gens se sentent orphelins aujourd’hui. Ils faisaient confiance à la programmation, ils revenaient parce qu’ils savaient ce qu’ils y trouveraient, presque un peu comme un commerce de proximité, un épicier de quartier. Malgré l’aspect basique de mon métier, je me suis rendu compte que j’avais un rôle à jouer.
“C’est un bâtiment très atypique”
“Certains films peuvent vivre grâce à ces salles là”
Ce n’est pas Madeleine qui contredira. Habituée des lieux alternatifs de Paris, elle est venue parce que c’est toujours triste d’en voir un fermer ses portes. Soigneusement, elle photographie elle aussi le jardin luxuriant qui jouxte le cinéma.
C’est un lieu qui a vraiment une identité, l’accueil était bon, les gens sont plus respectueux… Et certains films ne peuvent vivre que grâce à ces salles là, notamment pour des aspects politiques.
Retour dans le hall. Jeanne-Marie vient du 13e arrondissement pour venir y voir ses films, et ce depuis les années 70. Elle a de la peine pour la clôture. Mais il suffit de parler de la salle japonaise, joyau du lieu, pour qu’elle aille un petit peu mieux. Philippe intervient pour raconter sa première fois à la Pagode, dans cette salle mythique. Le plus bel écrin pour le voir, non ? Et d’énumérer ces cinémas légendaires, le Mac Mahon, le Kino Panorama ou encore le Champo. Le film d’art et d’essai, ça ne se regarde pas n’importe où ! En tout cas pas dans les multiplexes avec leur “sono horrible […] C’est comme un supermarché. C’est anonyme”.
Ils se remémorent en riant les années où on pouvait fumer dans la salle de cinéma, taclent un petit coup “les DVDs et Internet”, puis s’interrompent pour regarder un chat noir qui se glisse à travers le hall.
“Oh bah vous voyez, c’est un signe”, conclut Philippe en souriant.