À 21 ans, Yasmina Hilal n’a pas peur de bousculer les codes et limites de la photographie.
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© Yasmina Hilal
Entre le Liban et les États-Unis, Yasmina Hilal crée des films et des œuvres picturales expérimentales mêlant différents media artistiques tels que la photographie, le dessin ou le collage. Étant donné la grande maturité qui émane de ses images, l’annonce de son âge, 21 ans, est assez surprenante.
La jeune artiste est bien décidée à faire rayonner la culture de son pays d’origine, le Liban, à travers le monde. Elle espère créer des images qui œuvrent pour la justice sociale et participent à la redéfinition des codes du genre, comme le notait déjà le site Mille. Nous avons eu la chance de lui poser quelques questions afin d’entrer dans son univers fait d’expérimentations non conventionnelles et d’odes aux femmes, qu’elles soient modèles anonymes ou superstars de la chanson libanaise, telle que la grande Fairuz.
Cheese | Bonjour Yasmina, pourrais-tu nous raconter comment tu t’es mise à la photo ?
Yasmina Hilal | À 13 ans, ma mère m’a offert mon premier appareil photo. Elle m’a appris les bases et dès lors, je ne pouvais plus m’en passer. Je m’exerçais à la photo sur tout et n’importe quoi, juste pour me faire la main. L’amour qu’avait ma mère pour la photo m’a d’autant plus poussée à m’y mettre. Cela a créé un terrain d’entente entre nous, et nous a énormément rapprochées. Je me suis lancée de façon professionnelle à l’université, lorsque j’ai découvert la photographie argentique. Cela représentait un tout nouveau monde pour moi, et c’est comme ça que j’ai doucement commencé à trouver ma voie.
Tu as grandi au Liban et tu as étudié aux États-Unis. Ta culture moyen-orientale est très présente dans ton travail. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur la façon dont tu mêles les cultures et façonnes ton identité à travers tes œuvres ?
Je suis de retour au Liban pour le moment, j’attends un peu de voir pour la suite. Je suis allée à l’université à Boston puis j’ai déménagé à Los Angeles pour terminer mon dernier semestre. Je ne sais pas vraiment quel endroit je considère être mon chez-moi ; mais je me suis rendu compte que mon travail était toujours ne serait-ce qu’un peu lié à mon pays natal. Il me paraît très important de représenter ma culture où que je sois. Selon moi, porter un bout de soi où qu’on aille nous rend spéciaux. Montrer mes racines dans mes photos m’aide à définir mon identité.
© Yasmina Hilal
Tu photographies principalement des femmes, c’est important pour toi le female gaze [“le point de vue féminin”, ndlr] ?
Le female gaze est d’une importance cruciale pour moi, d’autant plus que je viens du Moyen-Orient, où il y a tant d’inégalités hommes/femmes. Il y a ce stéréotype selon lequel les femmes devraient toujours apparaître à leur avantage et agir d’une certaine façon en public. C’est un stigmate que j’essaie d’effacer dans mes images.
Tu fais aussi de la photo de mode, n’est-ce pas ?
Oui, quand j’en ai l’occasion, notamment parce que j’adore travailler en équipe avec des stylistes et des maquilleurs.
Tu ne te limites pas à la pratique photographique mais tu mêles différents procédés artistiques dans tes œuvres, pourquoi ?
Un jour, on m’a dit de ne jamais mettre tous mes œufs dans le même panier. J’ai pris cette expression au pied de la lettre et j’ai commencé à m’exercer à plusieurs media créatifs. J’aime me considérer comme une entité hybride constituée de moi et de mon travail. Je n’arrive pas à me contenter d’une seule forme créative. C’est vraiment mélanger les domaines que je préfère. Je suis davantage intéressée par le processus que par le produit fini. Je ne me vois pas m’épanouir dans un seul domaine et c’est ça qui me stimule : expérimenter avec des formes différentes est vraiment la meilleure chose de mon métier.
Pourrais-tu me raconter la genèse de ta série Houriyat al Bahr ?
Houriyat Al Bahr est une exploration du mouvement entre la nature et les hommes. J’ai toujours été fascinée par la mer et je voulais créer quelque chose qui sorte de l’ordinaire. J’ai rencontré quelqu’un se faisant appeler “Ein Leil” et on s’est bien entendu instantanément. On a donc décidé d’aller sur une plage publique et de prendre des photos avec un tissu bleu azur immergé dans l’eau. Je ne savais pas à quoi allaient ressembler les photos parce qu’on shootait à l’argentique. Une fois développées, les images m’ont surprise. J’avais utilisé la pellicule pour photographier la nature puis je l’avais réutilisée pour photographier mon amie dans l’eau. La magie de la pellicule est un étonnement constant.
“Houriyat Al Bahr”. (© Yasmina Hilal)
Tu travailles avec une grosse équipe ?
Pour la plupart de mes séances photo perso, il n’y a que moi et mon modèle, parce que je veux qu’il ou elle soit le plus à l’aise possible. Parfois, je fais appel à un ou une styliste.
Tu aimes jouer avec les retouches de tes images ?
Oui, c’est vraiment à ce moment-là que je m’amuse le plus. Je tente le maximum de choses de la façon la moins conformiste possible. J’ai parfois l’impression que la photographie que j’ai prise ne se suffit pas à elle-même. La plupart de mes retouches sont faites à la main, parce que je préfère travailler avec des objets sensibles plutôt qu’à l’aide du numérique. Je shoote principalement à l’argentique donc il y a toujours une part de retouche manuelle au moment du tirage. J’ajoute toujours un ou deux éléments qui peuvent drastiquement changer l’image ou alors la modifier de façon très subtile.
Tu es une grande fan de la chanteuse libanaise Fairuz ? Elle revient régulièrement dans tes images.
En effet. Une large partie de mon travail est inspirée par sa musique. Mon père m’a fait découvrir sa musique en 2006, pendant la guerre entre le Liban et Israël. Après ça, je suis tombée complètement amoureuse de ses chansons, de son style et de sa beauté. À partir de là, j’ai commencé à intégrer des éléments de son univers et de ses paroles dans mon travail.
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Vous pouvez retrouver le travail de Yasmina Hilal sur son site.