Le hip-hop coréen, sous-genre musical qui exporte la culture rap des Américains en Asie, commence à séduire les Européens. Nous avons rencontré Dok2 et The Quiett, deux pointures du genre, de passage à Paris en février dernier.
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Il est 19 heures pile. Le concert ne commence que dans une heure, et pourtant, une horde d’adolescentes piétine déjà devant les portes de la Bellevilloise. Une jeune fille laisser tombe sa couverture de survie quand le videur autorise quelques personnes à rentrer dans la cour du club parisien. Elles sont là depuis des heures, certaines viennent de Lyon, plusieurs arborent des casquettes à visière plate ornées du blase du label des deux stars du soir.
Ils s’appellent Dok2 et The Quiett, ils sont sud-coréens et se sont déjà massivement imposés dans le milieu du rap dans leur pays. Depuis un peu plus d’un an maintenant, le hip-hop coréen s’immisce tranquillement dans la culture occidentale. Plus précisément depuis la sortie du clip “It G Ma” de Keith Ape, le 1er janvier 2015. Ce titre a eu l’effet d’une bombe sur Internet : 20 millions de vues à ce jour et une prolifération de vidéos en réaction à cet ovni du rap venu d’un pays d’Asie que l’on connaît mal. “Sa chanson a très bien marché en Europe et aux États-Unis”, commente The Quiett. Je pense qu’‘It G Ma’ est le premier titre qui a démocratisé notre style de rap et qui l’a rendu célèbre.”
Mercredi 17 février, la Bellevilloise affiche complet. Dok2 et The Quiett en ont conscience et, pendant les balances, on ne peut nier qu’il y a du niveau. Ces deux rappeurs de 25 et 31 ans (mais qui en paraissent à peine 20) n’ont rien à envier à leurs homologues américains. Ils leur ressemblent d’ailleurs beaucoup : dans leur style, leur flow et leur son. Ils l’avouent eux-mêmes avec une grande franchise : “On est à 100 % inspirés par les Américains. C’est définitivement ceux qui influencent le plus notre musique aujourd’hui.”
Les codes et les symboles du hip-hop américain des années 2000 et 2010
À l’écoute de morceaux comme “2 Chainz & Rollies” ou “양동근 Give It to Me”, l’influence du rap US est telle qu’on parvient à peine à différencier les lyrics en anglais et en coréen. “On a grandi en écoutant beaucoup de hip-hop des années 1990,” explique Dok2. Ils citent Jay-Z, Nas, le Wu-Tang Clan mais aussi Chris Brown. “Ces derniers temps, on tire beaucoup notre inspiration de Rick Ross.” The Quiett précise : “On écoute aussi du r’n’b.” Exemples ? “Jhené Aiko, Musiq Soulchild… On aime beaucoup trop d’artistes.”
Dans leurs clips, ils empruntent tous les codes et les symboles du hip-hop américain des années 2000 et 2010. Et à l’image de Dr. Dre et Suge Knight, qui avaient fondé le label Death Row Records dans les années 1990, Dok2 et The Quiett n’ont pas attendu qu’on vienne les chercher sur scène pour se produire : The Quiett a d’abord créé Soul Company et aujourd’hui ils sont à la tête du label 1llionaire, fondé en 2011. “On voulait être indépendants“, confie Dok2. On choisit notre musique et on en fait la promotion nous-mêmes.”
Comme une famille, les deux rappeurs et amis veulent agrandir leur cercle et l’agrémenter de nouveaux talents : “À cause du système, les gens s’intéressent trop souvent à un seul artiste, regrette The Quiett. Cela devient compliqué de faire sa musique.” Aujourd’hui, ils comptent parmi les producteurs les plus importants et les plus respectés de leur pays.
Le hip-hop plus fort que la K Pop ?
D’un point de vue occidental, on rattache facilement la Corée du Sud à la K-pop : ce style de musique ultracodifié est considéré comme une entreprise, au même titre que les boys band d’aujourd’hui ou les girls band des années 2000. L’arrivée du hip-hop coréen dans le paysage musical a surpris tout le monde. Loin de l’image lisse et ultraformatée de la pop coréenne, le rap sud-coréen a quelque chose à défendre, dans son pays, comme l’explique Dok2 :
“Au début, les gens détestait notre musique en Corée du Sud. Nous sommes très francs, nous n’avons aucun filtre. On parle mal, on traîne, on frime, on raconte nos vies. Certains peuvent se sentir offensés par nos paroles.”
De là à dire que le hip-hop sud-coréen deviendra aussi populaire que la K-pop, il n’y a qu’un pas. Selon les intéressés, le genre n’est pas près de passer de mode :
“Le rap sud-coréen est parti pour rester. Nous sommes là ! Nous allons au Canada, en Europe, au Japon. Ça marche très bien là-bas, d’ailleurs. Notre style prend de plus en plus d’importance. Regardez, ce soir c’est complet.”
Merci à l’équipe de Studio 3Corée pour les images de la soirée du 17 février à la Bellevilloise.