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Si depuis quelques années, le rap se popularise voire se “variétise”, le genre fait toujours preuve d’une force émotionnelle à toute épreuve. Porté aujourd’hui par les jeunes générations, il dispose encore à l’heure actuelle d’une énergie fiévreuse qui parvient à nous marquer profondément.
Le 16 juin dernier, les Xtrm Boyz – de passage à Paris – se sont produits sur la scène du 20e arrondissement pour offrir à leur public le spectacle de l’année, la catharsis absolue. Ça a peut-être duré deux heures (sans compter la première partie assurée par Gracy Hopkins). Deux heures d’une rare intensité durant lesquelles les trois hommes ont enchaîné morceaux en solo ou featurings, se backant à tour de rôle, en communiquant leur transe et leur énergie à un public déchaîné, jusqu’à transformer la petite salle de La Maroquinerie en un véritable four qui prenait parfois les traits de l’enfer tant les trois rappeurs semblaient possédés.
Ces diables qui ont enflammé la salle ne sont autres que : Di-Meh, Makala et Slimka, trois jeunes rappeurs suisses, ayant entre 22 et 24 ans, qui mènent chacun des carrières solo ascendantes grâce à des projets solides, des collaborations internationales et une réputation de bêtes de scène. Ils ne forment cependant pas un trio de studio. Ce qui les lie, c’est un collectif qu’ils composent avec plusieurs artistes (rappeurs, vidéastes, designers… ) au sein duquel ils incarnent sur scène les Xtrm Boyz. Ce collectif, c’est la SuperWakClique, avec qui on a échangé avant leur concert.
SuperWakClique : mode d’emploi
Makala : “J’appelais un pote. Je lui ai parlé de l’idée de SuperWak, je pensais à tout un délire, un état d’esprit, à comment je vivais dans ma ville. J’étais assez prêt pour changer quelque chose. Je me suis dit qu’avec ce crew et cette manière de penser, on pourrait se développer. Avec mon pote, c’est tout de suite parti. Lui il chante, Slimka rappe depuis un petit moment et on avait la même vision comme avec Di-Meh. C’était logique. Tout s’est greffé naturellement. C’est la passion qui nous a réunis, l’envie de dire la vérité. Qu’on soit le plus vrai possible avec nous-même dans nos lives, nos musiques, notre manière d’être.”
La Suisse
Pour faire partie de la SuperWakClique, il n’y a pas forcément de critères géographiques ou territoriaux. Cependant, le noyau du mouvement, incarné par les Xtrm Boyz, s’est formé en Suisse. À Genève plus précisément. Les trois rappeurs se sont d’abord rencontrés dans leurs quartiers respectifs avant toute forme d’initiative musicale collective.
Depuis, ils incarnent – bien que produisant des sons différents – un mouvement de rap national qui existait avant eux mais auquel ils ont donné une impulsion nouvelle grâce à leur son moderne, leur fureur scénique et leurs connexions avec les rappeurs européens (Deen Burbigo, Caballero, Nekfeu), devenant les ambassadeurs d’un rap suisse à l’étranger.
Cette étiquette de “rap suisse”, qui tient surtout à une énergie incroyable, ils ne la subissent pas. Ils en sont même fiers. À Paris, quand Di-Meh porte un maillot du PSG, c’est un drapeau suisse qu’il regarde s’étendre au loin dans la salle, porté fièrement par ses camarades.
Makala : “Je pense qu’on est fiers de représenter la Suisse. Je suis vraiment content que ce soit nous”.
Di-Meh : “Je suis très très très fier. Plus les semaines passent, plus le mouv’ grossit en fait, c’est ça qui est cool. Plus les gens se rendent compte et réalisent – même nos parents. On est super fiers parce que ça ne se passait pas aussi bien avant. Il y a une porte qui s’est ouverte, on est fiers de ça aussi, d’amener la Suisse le plus loin possible.”
La clique
La scène
“Di-Meh : Quand on est sur scène, il y a une sorte de connexion qui fait que même si on a les yeux fermés, on peut ressentir la vibe comme l’autre. L’affinité qu’on a sur scène, c’est vraiment lourd. C’est d’autant plus cool que c’est pas des trucs qu’on travaille souvent, c’est du ressenti à 200 %. Makala : c’est vraiment une évolution, on comprend des trucs. Et Pink Flamingo, il fait des apparitions furtives entre nous trois.”
Une philosophie
SuperWak, c’est aussi une philosophie à laquelle ils croient “dur comme fer”, au point que Slimka ait tatoué le nom de sa clique sur son torse comme une preuve de dévotion ultime. Si on devait la résumer, elle tiendrait à cette injonction : être soi-même dans tout ce que cela implique. Ainsi “Wak” en anglais, c’est l’équivalent de “bizarre”, “affreux”, “paumé”, des adjectifs pas très mélioratifs, cependant tout l’esprit réside dans l’idée d’assumer. Et puis surtout, il y a “super” qu’il ne faut pas oublier. Ils l’expliquent mieux que nous :
Makala : “N’oubliez pas ‘super’, c’est très important. Car c’est le mélange des deux qui crée une force incroyable. Je tiens à le dire, c’est ça qui est important. Ce sont ces deux énergies qui se mélangent en fait. Ce qui peut paraître “wak” est super. “Super”, c’est positif, on se tire vers le haut. C’est ce mélange qui est important et qu’il faut s’assumer. Tu peux aussi être “wak” mais faut juste assumer, faut pas s’en cacher, apprendre à accepter le regard des gens. S’accepter soi-même, ses défauts, ses faiblesses, ses échecs pour transformer ces énergies en super énergie.”
Di-Meh : “Le skate m’a grave aidé par rapport à mon rap. La vision que j’ai du skate, c’est la même que celle que j’ai du rap. Je vois des rapprochements entre les deux. Par exemple, quand j’essaye un tricks, cela peut me prendre plusieurs essais comme quand j’écris un texte en plusieurs essais. Parfois, tu le fais one shot le tricks, comme des fois tu plaques ton texte one shot. Même cet esprit de voyager pour faire des connexions avec la musique. C’est le skate qui m’a donné cette vision.”
Une esthétique
Une idée d’identité forte qui s’applique aussi à leurs visuels. Tout d’abord leur style vestimentaire, force est de constater que la mode, qu’ils inventent ou réinventent, volontairement ou malgré eux, tient une place importante dans l’image qu’ils véhiculent :
“Di-Meh : C’est grave important visuellement.”
Slimka :” Mais quand on s’habille, on ne se dit pas qu’on va se différencier. On veut juste un autre look. Parfois, il faut oser. Tu ne te mens pas, tu sais que c’est ça que tu kiffes. Tu ne vas pas porter ça car les gens le font. On n’est pas dans les bails de moutons.”