Les œuvres d’art mènent souvent des vies turbulentes. Volées, parfois plusieurs fois, retrouvées et déplacées, on doute également parfois de leur authenticité ou de leur auteur·rice. Depuis sa création vers les années 1630, le tableau Head of a Bearded Man connaît des remous de paternité.
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En 1951, la toile est léguée en tant que “panneau de Rembrandt” au musée Ashmolean – plus ancien musée universitaire du monde. Trente ans plus tard, le Rembrandt Research Project (groupe de recherche décisionnaire quant aux attributions du nom Rembrandt), affirme que ce tableau n’est pas de la main du maître néerlandais :
“Ils l’ont vu en vrai et ont décidé que ce n’était pas un Rembrandt. Ils ont dit que c’était sûrement le travail d’un imitateur peignant dans le style de Rembrandt, possiblement avant le XVIIe siècle, donc peut-être même pas du vivant de Rembrandt”, se remémore un conservateur de l’Ashmolean.
Suivant ces affirmations, le musée Ashmolean a inscrit dans son catalogue que l’œuvre était un tableau réalisé “dans le style” de Rembrandt et a fini par le reléguer en réserve. L’éminent spécialiste du peintre Ernst van de Wetering l’a exclu de son inventaire complet de l’œuvre de Rembrandt, réalisé en 2017, rapporte The Art Newspaper.
“Head of a Bearded Man”, Rembrandt, vers 1630. (© Musée Ashmolean)
Une enquête menée grâce à l’étude du bois
Un examen récent du tableau tendrait cependant à contredire cette affirmation. Selon le dendrochronologue Peter Klein (spécialisé dans la datation de pièces de bois), le tableau a été peint sur un panneau de bois taillé dans un chêne de la région baltique. De ce même chêne auraient été tirés deux autres panneaux sur lesquels ont été peints Andromède enchaînée (créé vers 1630 également et certifié de la main de Rembrandt), ainsi qu’un Portrait de la mère de Rembrandt, réalisé au même moment par un collaborateur du peintre, Jan Lievens.
Le spécialiste ajoute que l’arbre en question aurait été abattu entre 1618 et 1628, pendant l’existence de Rembrandt, né en 1606 et décédé en 1669. Utilisé pour l’Andromède enchaînée et le Portrait de la mère de Rembrandt, il semble logique que le troisième tableau issu du même arbre ait été réalisé au même moment. Ces informations semblent confirmer que Head of a Bearded Man vient bien de l’atelier du célèbre peintre. On ne sait cependant toujours pas avec certitude si Rembrandt en est le seul auteur ou s’il y a collaboré de plus ou moins loin.
Le Guardian rapporte que l’œuvre est aujourd’hui “défigurée à cause d’un vernis décoloré et de surplus de peinture ajoutés entre le XIXe et le début du XXe siècle”. Le tableau est actuellement exposé à l’Ashmolean, mais sera de nouveau scruté et restauré dès la fin de l’exposition, le 1er novembre prochain. Jevon Thistlewood, un des conservateurs du musée, s’est annoncé très enthousiaste et impatient de découvrir ce que les équipes pourraient bien découvrir.
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