Voilà pourquoi on devrait voir plus souvent Rashida Jones au cinéma

Voilà pourquoi on devrait voir plus souvent Rashida Jones au cinéma

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(© WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.)

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Par Manon Marcillat

Publié le , modifié le

Hommage à une actrice bien trop sous-estimée.

La discrète Rashida Jones partage avec Bill Murray l’affiche de On The Rocks, disponible aujourd’hui sur Apple TV. Devant la caméra de Sofia Coppola, qui lui offre ainsi son premier rôle majeur au cinéma, elle interprète Laura, une mère de famille qui doute de la fidélité de son mari.

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Son père charismatique, séducteur et play-boy sur le retour y voit l’occasion de se racheter une conduite et va embarquer sa fille dans un jeu de piste new-yorkais pour tenter de coincer ce mari suspecté d’adultère. L’occasion pour les deux de renouer des liens distendus et de digresser sur le choc des générations ou les relations amoureuses en sirotant leurs martinis “on the rocks“.

Et c’est peu dire que la réalisatrice et l’actrice en connaissent un rayon sur les pères qui en imposent. Si on ne présente plus le patriarche Coppola, Rashida Jones est quant à elle la fille du légendaire trompettiste Quincy Jones (et de l’actrice Peggy Lipton, décédée peu de temps avant le tournage de On The Rocks).

Mais celle qui fut également la belle-sœur de Tupac Shakur ne se destinait pas à une carrière d’artiste ; elle a suivi des études en philosophie et en théologie à Harvard dans le but de devenir avocate. Pourtant, malgré cet imposant pedigree, Rashida Jones est la quintessence du cool et un savant mélange de talent, d’humour et de capital sympathie taillés pour la comédie.

Multiple, elle est également l’une des actrices les plus sous-estimées d’Hollywood, malgré la pertinence de ses choix artistiques. On est donc ravis de la voir enfin tenir le haut de l’affiche d’un film (bien qu’assez dispensable) de la très réputée Sofia Coppola et donner la réplique au légendaire Bill Murray.

Un poids lourd des séries

Si on trouve la talentueuse Rashida Jones trop rare à notre goût, c’est parce qu’elle réussit ce numéro d’équilibriste entre ambition et comédies populaires qui ne s’assoient pas pour autant sur la qualité. On en redemande, mais elle préfère choisir ses projets avec une véritable intelligence, qui va donc de pair avec une nécessaire rareté.

La cadette de la famille Jones s’est d’abord fait connaître sur l’écran cathodique avec des rôles dans ce que l’on fait de mieux en matière de séries comiques outre-Atlantique. Interprète de la belle Karen Filippelli dans l’inoubliable The Office, elle a failli voler la vedette à l’un des couples les plus mythiques du petit écran : Pam et Jim. Avec son humour, sa repartie et sa bienveillance, elle a conquis Jim Halpert et une partie des téléspectateurs, parfois au détriment de Pam.

Si elle n’est malheureusement restée à Scranton que le temps d’une saison, Greg Daniels, le créateur de The Office, fera de nouveau appel à elle pour sa nouvelle comédie de bureau, où elle tiendra un des rôles principaux six saisons durant.

Injustement moins populaire que sa grande sœur, Parks and Recreation reprenait pourtant ce même principe de mockumentaire pour décrire le quotidien des employés du département des parcs et loisirs de la mairie de Pawnee, une petite ville fictive et déprimante de l’Indiana.

Dans cette pépite d’humour absurde, Rashida Jones interprétait la merveilleuse Ann Perkins, meilleure amie de l’inégalable Leslie Knope, la directrice adjointe du département des parcs et loisirs, campée par Amy Poehler. Également amies à la ville, elles entretenaient à l’écran une très belle relation, loin des clichés habituels sur l’amitié entre femmes.

Entourée de pointures de l’humour américain, Amy Poehler donc, mais aussi Aubrey Plaza ou encore Aziz Ansari, Rashida Jones incarna à la perfection ce personnage à la fois bienveillant, loyal et décalé.

Visiblement convaincante dans chacune de ses apparitions télévisées, elle sera rappelée par son ancien patron de Dunder Mifflin, dans The Office. Dans sa première série en tant que créateur, Steve Carell confiera à Rashida Jones le rôle-titre de l’inspectrice dans sa parodie de séries policières, Angie Tribeca.

Une plume acérée

Après s’être fait un nom dans le registre comique, Rashida Jones a également profité de l’anonymat conféré par le travail d’écriture et de production pour être là où on ne l’attendait pas. En 2014, elle a donc produit pour Netflix le documentaire Hot Girls Wanted, une plongée très crue dans l’industrie du porno, décliné en série dans Hot Girls Wanted: Turned On, en 2017.

Visiblement concernée par les dérives des nouvelles technologies, elle s’est ensuite essayée à l’écriture en signant le premier épisode de la saison 3 de Black Mirror : Chute libre (Nosedive, en VO) en 2016, salué par la critique, et dans lequel elle auscultait une société régie par un système de notation et de cote personnelle pas si dystopique.

Nouveau virage à 180 degrés et Rashida Jones se retrouve à l’écriture du quatrième volet de Toy Story pour Pixar, aux côtés de son complice Will McCormack. Et on ne peut lui imputer ce dernier film légèrement décevant, puisqu’elle a finalement claqué la porte des studios qu’elle accusait d’hypocrisie.

“Pixar fait semblant de vouloir promouvoir les réalisatrices et la diversité. Mais sur plus de 20 films, un seul a été réalisé par une femme et elle a été virée [Brenda Chapman pour Rebelle, ndlr]. Ce n’est pas une erreur, c’est arrivé par complaisance et j’ai ressenti le besoin de le dire clairement. Je ne voulais pas cautionner cette hypocrisie”, a-t-elle détaillé dans les colonnes du Guardian

Dans cette même interview, elle admet également que le concurrentiel milieu du cinéma nécessite de parvenir à “faire du bon travail avec des répliques qui ne sont pas toujours bonnes, pour un rôle que tu ne veux pas nécessairement. Il faut du temps avant de pouvoir travailler avec Sofia Coppola, ou écrire un film, ou travailler avec David Fincher [avec qui elle a tourné The Social Network, ndlr]“.

Pour interpréter des rôles féminins consistants, elle a donc décidé de se les créer elle-même sur mesure. C’est ainsi qu’elle a co-écrit le scénario de Celeste and Jesse Forever avec Will McCormack, dans lequel elle tient le rôle principal aux côtés d’Andy Samberg.

Des pépites d’humour qui ont des choses à dire

Aussi sous-coté que son interprète principale et sous des airs de comédies romantiques indé, Celeste and Jesse Forever est un très beau film sur la fin du couple qui pose les bonnes questions. Rashida Jones et Andy Samberg, dont l’alchimie évidente, interprètent un couple fraîchement divorcé en lutte pour conserver la précieuse amitié qui les lie tout en pataugeant dans leurs contradictions.

Comment se comporter avec l’ex en question quand la cause de la rupture n’est ni une faute impardonnable ni même un manque d’amour, mais plutôt des divergences d’aspirations et de mode de vie ? Comment refaire sa vie quand son ex est son/sa meilleur(e) ami(e) ? Comment faire quand quitter implique de perdre son partenaire de vie et son principal repère ? Ce sont ces problématiques justes et bien ancrées dans la vie réelle, celle des séparations, qu’aborde le film.

Sous ses airs de reine du cool, Rashida Jones n’en fait pas moins des choix intelligents et qui ont du sens. Parmi les pépites de sa courte filmographie, il nous faut également citer I Love You, Man, un parfait anti-buddy movie qui renverse les codes de la comédie romantique pour interroger les amitiés masculines.

Paul Rudd est le personnage principal du film et campe le sensible Peter Klaven, un homme aux antipodes d’une virilité toxique et qui rejette tous les stéréotypes dits “masculins” – les soirées poker et le combo foot/bière – leur préférant les soirées arrosées de vin organisées par sa femme Zooey, incarnée par Rashida Jones, qui s’inquiète de cette absence d’amis masculins.

Par amour pour elle, Peter va se mettre en quête d’un buddy. Mais pensant que l’amitié virile est le seul modèle d’amitié masculine valable, il va se prendre les pieds dans le tapis, entre maladresses et malentendus.

Surtout attendu pour les retrouvailles entre Coppola et sa muse Bill Murray, On The Rocks est loin d’être la plus grande réussite de la réalisatrice. Mais il a le mérite d’offrir une nouvelle tonalité à la palette de la passionnante Rashida Jones qui a décidément bien des choses à dire.