En ces temps où Éric Zemmour redevient l’attraction principale du débat public, le nouvel album de Youssoupha, Polaroid Experience, va faire du bien.
À voir aussi sur Konbini
Si vous n’écoutez que très peu de rap français, le nouvel album de Youssoupha est là pour vous. Pour son cinquième album – le premier depuis trois ans –, le lyriciste français est resté fidèle à ses engagements. Dans son style si caractéristique, il livre un album de douze morceaux, finalement assez homogène.
Malgré son “blaze pour finir chômeur ou en taule”, l’artiste de 39 ans a parcouru du chemin. Désormais, il fait partie des derniers des Mohicans du rap français old school. “Tout est parti en couilles quand rap conscient est devenu une insulte”, chante-t-il sur “Le jour où j’ai arrêté le rap”. Le temps passe et Youssoupha en a d’ailleurs parfaitement conscience. Il assume totalement le décalage entre son rap, celui qu’il aime, et les nouveaux talents de la scène française. “Déjà j’ai quelques classiques, mais ça devient casse-pipe. […] Je peux pas rapper comme Niska ou me saper comme S.Pri Noir”, peut-on entendre dans le morceau “Devenir vieux”.
Si Kinshasa, la ville de son cœur, est toujours autant présente, il n’a pas perdu la verve qui a fait sa réputation. Notamment sur les questions politiques et sociétales, où il multiplie les punchlines au vitriol. Il s’en prend tour à tour au “système” et à toutes les absurdités qui en découlent (“Polaroid experience”, “Avoir de l’argent”, “Mourir ensemble”).
“Trop renoi pour gagner aux Victoires de la musique de merde”
Sur “Alléluia/1989”, celui qui a longtemps fait figure d’intellectuel dans le rap français revient sur la polémique des Victoires de la musique. “Trop renoi pour gagner aux Victoires de la musique de merde, il regarde – loin des tumultes – les rappeurs blancs (“Vald, Orelsan et Nekfeu”, cite-t-il) accéder plus facilement” que d’autres à la notoriété et la reconnaissance médiatique tant convoitées.
Même si on peut regretter des intitulés de titres pas forcément très inspirés, les morceaux plus chantants que sont “Sentiments à l’envers” ou “Par amour” apportent une réelle fluidité à des textes incisifs. Une belle réussite pour ce porte-parole historique du rap français, qui pourrait bien être sa dernière dans le domaine – il finit son opus avec le titre “Le jour où j’ai arrêté le rap”. Mais tant que Youssoupha sera, le rap français peut dormir sur ses deux oreilles. Alléluia.