“Une petite ville de province au début des années 1980. Philippe vit dans l’ombre de son frère, Jérôme, le soleil noir de la bande, borderline et magnifique. Entre la radio pirate installée dans le grenier d’un bar d’amis, le garage du père et la menace du service militaire, les deux frères ignorent qu’ils vivent là les derniers feux d’un monde sur le point de disparaître.”
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Magnifiques Magnétiques. Il aura fallu plus de dix années à Vincent Maël Cardona, diplômé de la Fémis, pour réaliser son premier long-métrage. De boîtes de production qui font faillite en déconvenues, il accouchera finalement d’un film tourbillonnant, remarqué à Cannes en juillet dernier.
Initialement, c’est Pierre Niney et Niels Schneider qui avaient été retenus pour incarner ces deux frères que tout oppose. Dix ans plus tard, c’est l’intense Joseph Olivennes et le délicat Thimotée Robart, deux inconnus, qui interprètent cette fratrie. Et pour le mieux. Car Les Magnétiques est une très belle surprise, autant pour sa réalisation parfaitement maîtrisée, sa nostalgie bienfaitrice que pour les jeunes comédiens que ce long-métrage révèle.
C’est d’abord le sujet du film qui nous a attirés dans la salle de projection cannoise : un regard fantasmé sur les années 1980, les radios libres, le rock et la contre-culture, ce melting pot nostalgique laissait présager de grandes choses. Car la radio, pourtant média de l’intime et de la parole, est un sujet hautement cinégénique. Good Morning, Vietnam, Good Morning England ou même la comédie française Radiostars en sont les témoins. Des speakers passionnés et hauts en couleur qui s’autorisent toutes les extravagances à l’abri des regards dans leur studio et une grande liberté quant à la bande originale : entre les ondes et l’écran, l’alchimie opère souvent. Mais dans Les Magnétiques, Radio Warsaw, animée par Jérôme dans le grenier du café du coin avec Philippe aux manettes, n’est pas le sujet principal du film.
Ce n’est pas non plus l’histoire d’amour entre Philippe et Marianne, la petite amie du grand frère interprétée par Marie Colomb, qui va tomber sous le charme du discret cadet et venir compléter cet atypique triangle amoureux. Pourtant, leur passion timide offre de très beaux moments suspendus au film, qui permettent également au réalisateur de nous prouver l’étendue de son inventivité technique.
(© Paname Distribution)
Génie du son, maladroit avec les mots, c’est donc par ondes interposées que Philippe osera déclarer son amour à Marianne dans une scène impressionnante de maîtrise et de virtuosité, qui constitue le véritable apogée du film. Incapable de prononcer un mot au micro de la radio londonienne qui l’a embauché, le jeune homme préférera donner vie aux magnétophones, vinyles, cassettes audio et bandes magnétiques pour composer, dans un ballet de sons impressionnant et un bricolage sonore réjouissant, un morceau en direct pour sa bien-aimée.
Un peu plus tôt, leur première rencontre donnera elle aussi lieu à l’une des plus jolies scènes du film. Après avoir surpris, gêné, la jeune femme en train de se rhabiller dans le reflet d’une poignée de porte, Philippe prendra son courage à deux mains pour lui demander d’enregistrer sa voix pour le jingle de leur future émission. Si cette scène aurait pu être un simple aparté technique, touchée par la grâce, elle devient, au moyen de la voix, un moment plein de sensualité.
(© Paname Distribution)
Le véritable sujet au cœur des Magnétiques, c’est la relation fraternelle ambiguë mais passionnée entre ces deux frères très différents, deux extrêmes sur le spectre de la masculinité. Il y a Philippe, le mâle alpha, torturé et bercé d’illusions révolutionnaires et de rock’n’roll. Mais le vrai héros, celui qui va s’en sortir, c’est son cadet, ce jeune homme délicat et maladroit, qui parle trop vite, n’articule pas assez, s’excuse d’être là et ne rayonne que derrière sa console. Entre admiration et emprise, cette fraternité torturée aboutira finalement à l’émancipation familiale et géographique de notre timide héros.
Cette reconstitution d’une France des années 1980, le grain sale teinté de brun et de jaune, diffusera sa nostalgie à tous, même ceux qui n’ont pas connu l’époque Mitterrand. L’humour se niche dans de petits détails, dans une corvée de vaisselle ou dans les petites phrases à peine audibles de Philippe. “Moi, j’étais pour Giscard”, confessera-t-il à Marie ce soir du 10 mai 1981. On ne sait toujours pas si c’est du lard ou du cochon. Mais on sait que le film, lui, est un véritable bonbon de tendresse et de mélancolie.
(© Paname Distribution)