Élue féministe de l’année 2015 par la Ms. Foundation for Women, considérée comme l’une des ados les plus influentes des États-Unis, nouvelle figure de la cause noire et de la communauté LGTBQ… À 18 ans seulement, Amandla Stenberg cumule les rôles, incarnant le combat de toute une génération. Un combat nécessaire et protéiforme, que l’Afro-Américaine souhaite aujourd’hui porter sur le grand écran.
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En 2012, la vague Hunger Games s’abat sur le monde, et avec elle se révèle de nouveaux visages. Parmi eux, celui de la talentueuse Jennifer Lawrence, devenue l’une des actrices les plus bankable de la planète Hollywood, mais aussi celui, plus discret, d’Amandla Stenberg (qui y incarne Rue, la plus jeune de tous les districts à participer aux jeux, et que Katniss Everdeen, attendrie, prend sous son aile).
Avec le recul, ce rôle et le message qu’il colporte n’était sans doute pas anodin. Comme Rue, Amandla Stenberg possède, en dépit de son jeune âge, quelque chose de profondément téméraire, qui touche et impressionne ses aîné(e)s. Son prénom, hérité d’un père danois et d’une mère afro-américaine, signifie d’ailleurs “puissance” en zoulou. Une puissance douce, inaltérable et inspirante, qui l’encourage chaque jour à crier au monde son message de tolérance, de liberté et d’acceptation de soi.
“Ne vous appropriez pas mes tresses”
À seulement 14 ans, cette native de Californie devient activiste aux côtés de l’association No Kid Hungry, pour laquelle elle écrit plusieurs tribunes. Trois ans plus tard, elle dévoile “Don’t Cash Crop My Cornrows” (“Ne vous appropriez pas mes tresses”), un projet pensé pour son cours d’histoire, qui traite de l’importance des cheveux chez la femme noire (annonçant avant l’heure le “Don’t Touch My Hair” de Solange). Cette vidéo, sortie à l’aube du mouvement Black Lives Matter (et qui cumule actuellement plus de 2 millions de vues sur YouTube), est rapidement repérée par le magazine Teen Vogue, avec lequel l’adolescente finit par créer un court programme vidéo sur ce même sujet : #BlackGirlMagic. Une initiative remarquée, qui conte en filigrane l’expérience personnelle d’Amandla :
“Lorsque nous grandissons, nous les filles noires, on nous répète à longueur de journées que nous devrions avoir honte de nos cheveux”, affirmait-elle lors d’un discours tenu dans le cadre de SuperSoul.TV, un programme créé par Oprah Winfrey. “On nous dit que nous devrions avoir honte de nos corps. Que nous devrions avoir honte de nos voix.
Vers mes 16 ans, j’ai compris qu’il fallait que je combatte cette haine de moi. Et pour la combattre, j’ai commencé à écrire. J’ai écrit, écrit, j’ai tenu un journal intime, j’ai écrit encore… Et en écrivant, j’ai fini par trouver ma voix. En écrivant, j’ai fini par trouver mon identité, et j’ai finalement appris à m’aimer.”
C’est également par le biais de Teen Vogue, qui lui a dédié un numéro début 2016 (dans lequel elle a été interviewée par Solange Knowles), qu’Amandla Stenberg révèle sa bisexualité. Dans une courte vidéo diffusée via le compte Snapchat du magazine, l’actrice expliquait :
“C’est très, très difficile de rester silencieuse, et c’est profondément blessant de combattre sa propre identité, de se mettre dans un moule dans lequel on ne devrait pas être”, confessait-elle face caméra. “En tant que jeune femme noire et bisexuelle [elle expliquera quelques mois plus tard, dans les colonnes du Elle anglais qu’elle préfère désormais utiliser le terme ‘pansexuelle’, ndlr], j’ai traversé ce genre de phases douloureuses, embarrassantes, inconfortables…
Et puis, grâce à des femmes comme Solange Knowles, Ava DuVernay [la réalisatrice du film Selma, ndlr], Willow Smith et plein d’autres filles noires, j’ai réalisé qu’il n’y avait absolument rien à changer en moi. Nous ne pouvons pas être étouffées. Nous sommes faites pour exprimer notre joie, notre amour, nos tristesses. Nous sommes faites pour être fortes et audacieuses […].”
Le changement via les réseaux sociaux
Pour mieux se faire entendre, Amandla Stenberg, en bonne enfant de la génération millennials, propage son message d’amour universel à travers les réseaux sociaux. Chaque jour sur Instagram, où elle draine aujourd’hui une communauté d’un million de personnes, elle incite à l’acceptation de soi en partageant des photos de son visage au naturel, dépourvu de maquillage, les cheveux tantôt rasés, tantôt lâchés, tantôt retenus en microbuns.
Engagée, la jeune femme n’hésite pas à délivrer ouvertement son opinion sur les thèmes qui lui sont chers tels que l’appropriation culturelle, l’affirmation de l’identité noire, la liberté sexuelle, mais aussi sur la situation politique de son pays. En 2015, elle prenait d’assaut Twitter pour tacler l’appropriation culturelle et s’interroger : “Do female black lives matter too?” Au lendemain de la dernière élection présidentielle américaine, qui a porté Donald Trump à la tête de la première puissance mondiale, l’Afro-Américaine s’est fendue d’un post poignant pour exprimer sa tristesse, et encourager ses pairs à extérioriser leurs émotions :
“Je suis putain de furieuse, et je ne m’attends pas à ce que vous soyez courageux ou optimistes”, écrivait-elle. “J’espère que ma page est pour vous un espace dans lequel vous vous sentez libres de parler, d’être en colère. Je ne suis pas en train de nier le danger concret et physique que semble annoncer le futur. Ce que je suis en train de vous dire, c’est que votre identité et votre combat sont valides […].”
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Encourager la diversité dans le septième art
Cette prise de parole publique, précoce et activiste, qu’elle minimise parfois (“Je n’ai jamais mené de révolutions, assurait-elle à SuperSoul.TV, j’ai juste tweeté et laissé quelques commentaires sur Instagram !”) lui a valu d’être acclamée par de nombreuses communautés. Considérée comme l’une des adolescentes les plus influentes des États-Unis, elle a été élue féministe de l’année 2015 par la Ms. Foundation for Women, une organisation à but non-lucratif qui vise à faire entendre la voix des femmes à travers les États-Unis. Début 2016, on la découvrait dans l’album visuel de Beyoncé, Lemonade, aux côtés d’autres artistes issues du métissage dont les sœurs Ibeyi, ainsi que Chloe x Halle.
Forte de ces nombreux encouragements, Amandla Stenberg s’apprête aujourd’hui à conjuguer ses deux passions : le cinéma et l’activisme, dans le but de porter la diversité culturelle sur grand écran. Au printemps dernier, elle dévoilait son tout premier court-métrage : Blue Girls Burn Fast – un titre qui semble faire écho au Moonlight de Barry Jenkins, dans lequel un personnage explique que les Noirs sont “bleus sous le clair de lune”. Ce film de 20 minutes, “très personnel” selon sa jeune réalisatrice, relate l’histoire d’Andy, une ado de 18 ans dont la vie va être bouleversée la nuit où sa voisine fait irruption dans sa chambre.
“Je crois que le cinéma est le médium qui permet le plus de façonner nos cultures, surtout aux États-Unis, analysait-elle pour Dazed en 2016. Les gens que nous voyons dans les films sont aussi ceux que nous voyons dans la vraie vie, dans la société ; et c’est pour ça qu’il faut qu’il y ait une représentation plus variée des gens au cinéma. […] J’ai le sentiment que la diversité n’y est pas assez représentée, et c’est ce que je veux changer.”
À présent, l’actrice, tout juste majeure, s’apprête à apparaître dans Where Hands Touch d’Amma Asante et Everything, Everything de Stella Meghie, deux longs-métrages qui narrent, chacun à leur façon, une histoire d’amour impossible entre un jeune homme blanc et une jeune femme noire. “J’ai clairement franchi une étape en faisant des films comme Where Hands Touch. J’ai le sentiment que c’est mon travail d’être une sorte d’espion, d’infiltrer les médias les plus mainstream et de constater les changements que je peux faire naître en créant cette représentation”, confiait-elle plus récemment à Dazed, avant d’expliquer :
“Oui, Everything, Everything raconte une romance d’adolescents ; mais ce film est surtout l’un des premiers à conter l’histoire d’un couple interracial. […] Il y a une forme de puissance dans le fait de prendre part à des projets comme celui-là.”
Une puissance douce, inaltérable et inspirante, qui semble décidément inhérente à l’identité d’Amandla Stenberg.