Si vous êtes comme nous et que vous suivez de près la saison des prix outre-Atlantique, vous êtes forcément au courant de l’affaire Anatomie d’une chute, injustement mis de côté par le CNC pour représenter la France aux Oscars, pourtant auréolé d’une très juste Palme d’Or et distribué par Néon aux États-Unis, habitué à faire monter la sauce pour les films étrangers (c’est lui qui diffusait Parasite, parmi tant d’autres).
À voir aussi sur Konbini
Mais les mauvaises langues sont, au passage, assez injustes avec La Passion de Dodin Bouffant, le choix final du CNC, car le film est grandiose et a lui aussi ses chances, d’autant plus qu’il a très bonne presse à l’international — pas autant que le film de Triet, évidemment, mais tout de même. Le film a ses chances, mais il faut également être réaliste : en face, se trouvent des films qui peuvent faire de l’ombre à la France.
Petit tour d’horizon des 14 autres films présents dans la shortlist, qui sont à même de nous mettre dans l’embarras (ou pas, d’ailleurs).
20 Days In Mariupol, de Mstyslav Chernow — Ukraine
Le reporter de guerre ukrainien documente le quotidien et le travail des divers journalistes bloqués dans le siège de Marioupol et leur difficulté à rapporter les faits. C’est un premier docu présenté à Sundance, toujours d’actualité, et qui a donc ses chances pour une statuette — en tout cas, pour être dans les 5 finalistes au moins.
Amerikatsi, de Michael A Goorjian — Arménie
C’est une des petites surprises de cette sélection. Si on était déçus qu’il ne soit pas dans la shortlist des évidences comme le superbe nouveau film de Nuri Bilge Ceylan, Les Herbes sèches, Les Paysans de DK et Hugh Welchman, ou Les Délinquants de Rodrigo Moreno, voir ce film arménien sur un homme qui se fascine par un couple qu’il voyait de sa prison était inattendu. Il y a peu de chances de la voir dépasser ce stade, mais c’est déjà ça de pris.
Godland, de Hlynur Palmason — Islande
C’est un magnifique film sorti fin 2022 chez nous après un passage remarqué par Un certain regard à Cannes qui raconte la mission quasi impossible d’un prêtre danois de la fin du XIXe siècle envoyé au fin fond de l’Islande pour construire une église, adoré par la critique et à raison. C’est un concurrent sérieux, peut-être pas celui qui a le plus de chance d’avoir la statuette, mais sérieux.
La Mère de tous les mensonges, d’Asmae El Moudir — Maroc
Documentaire sur les émeutes de 1981 à Casablanca passé par la case Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, le nouveau film d’Asmae El Moudir a peu de chances de passer la dernière sélection, malgré un prix Étoile d’Or remis lors du dernier Festival de Marrakech (dont le jury était constitué de votants aux Oscars solides, type Jessica Chastain ou Joel Edgerton), pour cause de concurrence trop difficile, tout simplement. On espère se tromper.
La Salle des profs, d’llker Çatak — Allemagne
Passé par la Berlinale et ayant récupéré cinq Lolas (équivalent allemand des César) et ayant battu À l’Ouest, rien de nouveau en Meilleur film, ce film raconte l’histoire d’une prof tourmentée suite à une affaire de vol par un de ses élèves. C’est un bon candidat, mais s’il ne doit en rester que 5, la place coûte cher.
Le Cercles des neiges, de J.A. Bayona — Espagne
Film Netflix, donc accessible. On va être honnête deux minutes, la plupart des votants ne regardent pas l’intégralité des films et c’est bien là le problème. Cinéaste hollywoodien, donc connu. Sujet très fort, donc très oscarisable et déjà nommé aux Golden Globes. C’est un des favoris, très clairement.
La Zone d’intérêt, de Jonathan Glazer — Angleterre
C’est celui qui a le plus de chance de repartir avec une statuette.
Les Feuilles mortes, d’Aki Kaurismäki — Finlande
L’Amérique découvre Kaurismäki après un passage par la compète Cannoise et est sous le charme — en même temps, qui ne l’est pas ? Les Feuilles mortes a une presse assez remarquable, est aidé par un Prix du Jury et est dans les cinq nommés des Golden Globes. Autant dire qu’on ne voit pas celui-ci y échapper — au moins à la nomination.
Les Filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania — Tunisie
Ben Hania était déjà dans la course aux Oscars en 2021 pour son très bon L’Homme qui a vendu sa peau (délivrant au passage la première nomination pour un film tunisien) et elle pourrait très bien reproduire l’exploit avec son docu-drama autour du récit de la famille d’Olfa Hamrouni, dont deux des filles partiront combattre aux côtés de Daech en Libye. Le film est très fort et très apprécié outre-Atlantique. C’est un candidat très sérieux.
Moi, Capitaine, de Matteo Garrone — Italie
Le drame qui raconte le parcours de deux jeunes cousins sénégalais qui décident de migrer en Europe est reparti avec un Lion d’Argent et un prix Marcello Mastroianni pour la performance de Seydou Sarr. C’est la première fois que Garrone est dans la shortlist (ce qui est fou quand on y pense, puisque cela veut dire que Gomorra et Dogman ont été évincés dès le premier tour). Le film est auréolé de ces prix et étant déjà nommé au Golden Globe pour le prix équivalent, ça semble bien parti pour l’Italie cette année.
Perfect Days, de Wim Wenders — Japon
Wim Wenders au Japon, c’est un très joli drame, de très belles toilettes nippones, un prix d’interprétation cannois pour Koji Yakusho, une B.O. rock et un candidat très sérieux pour l’Oscar du Meilleur film étranger.
Tótem, de Lila Avilés — Mexique
Ce drame familial est passé par Berlin (où il est reparti avec un prix), Telluride, San Sebastian et le BFI London Film Festival fait bien parlé de lui. Ça ne lui permettra peut-être pas de finir dans les cinq finalistes, mais quand même.
The Monk and the Gun, de Pawo Choyning Dorji — Bhoutan
Narrant comme le Bhoutan a géré son passage à la démocratie moderne en 2006 à travers une fausse élection (oui, oui), c’est la deuxième fois en trois ans que le pays situé dans l’Himalaya fait sa place aux Oscars. Ce serait beau qu’il aille plus loin. Ce ne serait pas simple, mais ce serait beau.
The Promised Land, de Nikolaj Arcel — Danemark
Passé par la Mostra de Venise, le nouveau drame historique du réalisateur de Royal Affair qui embarque Mads Mikkelsen dans une lutte face à un baron pour pouvoir exploiter sa terre au Jutland au milieu du XVIIIe siècle a un beau potentiel. On n’est pas sûrs qu’il dépasse le stade final, mais il ne faut pas le prendre de haut.