Face à une œuvre d’art, on peut ressentir une émotion extrême, se sentir défaillir face à la violence qui jaillit, possédé·e par les couleurs, les formes, les histoires transmises. On peut aussi ne rien éprouver, se demander pourquoi notre cœur ne bat pas face à une toile et combien de temps on doit encore passer face à ce tableau avant de passer au suivant. Mais, à défaut de savoir ce qui se trame dans notre cœur, peut-on savoir ce qu’il se trame, concrètement, dans notre cerveau quand on se retrouve face à une œuvre d’art ?
À voir aussi sur Konbini
Une équipe de scientifiques a eu l’idée d’enregistrer l’activité cérébrale de différentes personnes et d’analyser leurs résultats face à différentes œuvres. Une journaliste de la BBC s’est prêtée au jeu, testant le casque en question au Victoria & Albert Museum. Les quatre capteurs électroencéphalographiques placés sur son front ont “enregistré l’activité éléctromagnétique de son cerveau”, traduisant cette dernière en une visualisation 3D en temps réel. Son activité cérébrale est retranscrite sous forme d’oscillations. Ces dernières permettent de rendre compte des “nœuds” que se fait le cerveau lorsqu’il tente de comprendre ce qu’il a en face de lui, notamment lorsqu’il s’agit d’œuvres abstraites.
Les scientifiques peuvent ainsi voir le moment où la journaliste, face à une œuvre d’Edgar Degas, “identifie des femmes qui dansent”. Les oscillations sont différentes entre le moment où elle essaie “de donner du sens à ce qu’elle voit” et lorsque son cerveau discerne des formes ou des objets qu’elle connaît (ici, “trois danseuses” donc). Face à une œuvre bien plus figurative, où il n’y a rien que la journaliste ne connaît pas ou “trouve bizarre” (“Vous regardiez et c’était clair”, décrit un des chercheur·se·s), les oscillations se délient de leurs entrelacements.
Des ressentis uniques
“Cela vise à prouver que l’art n’est pas une expérience passive”, souligne la journaliste. L’affirmation est approuvée par Jenny Waldman, directrice d’Art Fund, une organisation caritative britannique privée qui lève des fonds pour enrichir les collections des musées : “Ce qu’on voulait prouver, c’est que, quand on va dans une galerie ou un musée et qu’on voit des choses qu’on reconnaît, qui nous challengent, qui nous inspirent ou qui nous rendent heureux, cela a un effet dans notre cerveau.”
Les plus grands écarts de variations ne dépendent pas des œuvres mais des personnes, soulignent les chercheur·se·s : “Il y a de grandes différences dans la façon dont chaque personne réagit à une œuvre d’art, surtout chez les personnes neurodivergentes. Les personnes atteintes de TDAH réagissent très différemment à l’art par exemple. Elles passent plus de temps à réévaluer ce qu’elles regardent.”
La journaliste, qui se définit comme “pas forcément ultra-passionnée par l’art”, confie à l’issue de l’expérience avoir été agréablement surprise par ce qu’elle “semblait ressentir”. Une jolie preuve qu’on n’a pas besoin d’avoir fait cinq ans d’histoire de l’art pour se sentir légitime dans un musée et qu’il n’existe pas un monopole du bon goût. Les résultats de ces études, poursuit la BBC, pourraient même finir par “prouver que l’art est bon pour la santé”. Pour être tout à fait honnêtes, on n’en doutait pas vraiment.