Nous sommes au début de l’été 2016. Damso est alors un espoir prometteur en provenance de Bruxelles, notamment depuis un couplet de très haut niveau sur le morceau “Pinocchio” de Booba en compagnie de Gato, extrait de l’excellent album Nero Nemesis. Cela tombe bien, le rappeur belge est signé dans l’écurie 92i – le beef avec B2O interviendra bien plus tard – et tous les voyants sont au vert. Surdoué, Damso se révèle fascinant et attire tous les regards sur lui. Mais, pour son premier album studio après des années de galère, Damso va dépasser toutes les attentes et offrir l’un des disques de rap francophone les plus aboutis de la décennie.
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Après l’année 2015 qui a permis un grand renouvellement des têtes d’affiche du rap game, Batterie faible sort le 8 juillet 2016. Un disque sur lequel Damso expose toutes ses qualités, tant dans l’écriture que les mélodies et le kickage. Sa capacité à aborder une multitude de thèmes, assez crûment mais beaucoup plus finement qu’on ne pouvait le penser, est déjà brillamment mise en valeur. Il y narre son parcours de vie rugueux, son rapport pour le moins compliqué avec la gent féminine ou encore ses tourments qui semblent déjà sans limite, tout en jouant sur différents registres musicaux.
C’est sûrement là le point fort de ce disque. Damso apparaît sur Batterie faible comme un rappeur tout terrain, capable de dévorer n’importe quelle prod’, et démontre toute sa dimension artistique en laissant derrière lui nombre d’éléments caricaturaux, évitant ainsi l’écueil du stéréotype. L’album s’inscrit dans son époque. Il fait partie de cette rare catégorie de projets, assez complexes, qui peuvent autant s’écouter d’une traite sans skipper le moindre morceau que s’apprécier en isolant seulement quelques pistes. Dans les deux cas, il répond parfaitement à la demande des utilisateurs des plateformes de streaming et, logiquement, les chiffres grimpent rapidement.
Si certains morceaux ont été composés par Damso en personne, d’autres sont produits par des pointures telles que Myth Syzer, Dolfa, Ponko ou encore Twinsmatic, pour ne citer qu’eux. Le projet est, lui, entièrement mixé et enregistré par Krisy, aussi connu sous le nom De La Fuentes pour sa casquette d’ingénieur du son – l’un des hommes clés du succès du rap belge de ces dernières années.
Pour la partie rappée, il n’a besoin de personne et se paie le luxe de faire un disque dépourvu de véritable featuring (excepté un titre bonus). Un pari assez risqué d’un point de vue commercial – et surtout à contre-courant des tendances – qui a le mérite d’offrir une cohérence rare tout au long de l’écoute et une dimension plus intimiste et personnelle au disque. Surtout, l’artiste belge dégage une impression de maîtrise totale assez fantastique. Deux ans plus tôt, il publiait sa première mixtape Salle d’attente. Depuis, il a eu le temps de se préparer au mieux et tous les aspects artistiques semblent parfaitement exploités.
“BruxellesVie” devient un hymne et permet d’installer définitivement Bruxelles et ses rappeurs parmi les villes majeures du rap francophone après des années d’errance. Dans son sillage, c’est toute une génération d’artistes d’outre-Quiévrain qui va éclore et conquérir progressivement le public français. La France découvre au fil des semaines la sensation Damso, et ne va plus s’en lasser. Le 22 juin dernier, Batterie faible a été certifié double disque de platine, soit l’équivalent de 200 000 ventes.
Désormais amputé de quelques titres comme le somptueux “Amnésie” et les deux morceaux bonus que sont “Jean Reno” et “Iscariote”, Batterie faible reste l’un des disques les plus marquants de ces dernières années, tout comme son successeur Ispéité paru un an plus tard. Il est d’autant plus important que c’est celui qui a véritablement lancé la carrière de Damso et fait de lui la tête d’affiche indéboulonnable qu’il est aujourd’hui. L’un des artistes les plus doués de sa génération, dont le prochain projet QALF se fait attendre. Avec ses instrumentales audacieuses, l’album laisse entrevoir l’attrait évident de Damso pour la mélodie et le chant, ainsi que les thèmes introspectifs. Comme quoi, malgré sa noirceur, le Vie est beau.