Quand le couple d’artistes Marina Abramović et Ulay mettait en scène sa rupture en traversant la Grande Muraille de Chine

Quand le couple d’artistes Marina Abramović et Ulay mettait en scène sa rupture en traversant la Grande Muraille de Chine

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© Marina Abramović et Ulay

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

C’est une performance bouleversante et dramatique que le duo et couple a donné à voir au monde, sur 2 000 kilomètres de la Muraille.

Il n’y a pas de rupture amoureuse plus belle que celle de Marina Abramović avec Ulay. En 1988, treize ans après avoir partagé leur vie, leur souffle, leurs corps et leur art pour la première fois, les deux décident d’offrir au monde une ultime performance. C’est ainsi que The Lovers, The Great Wall Walk est née, après huit longues années à négocier avec le gouvernement chinois. Initialement, cette performance devait symboliser les retrouvailles et l’union forte des deux partenaires. Mais ces négociations de près d’une décennie et la difficile résistance de leur amour face au temps ont changé le récit : le couple n’allait plus raconter une histoire d’union mais de rupture amoureuse et artistique, puisque le couple s’était séparé entre-temps.

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“Très vite, nous étions devenus ce couple d’artistes sur lequel tout le monde projetait cette image parfaite. En réalité, il n’était pas heureux dans ce duo. Et plus les performances étaient bonnes, plus notre relation empirait. À la fin, son intérêt était différent du mien, il voulait expérimenter la vie, boire plus, prendre des drogues. Puis il est devenu infidèle, et ça a été très difficile pour moi”, a révélé Marina Abramović dans le documentaire The Artist is Present.

“Nous étions monogames, jusqu’à ce que l’étroitesse de cette idéologie commence à se dérober et à se désintégrer. Puis, elle a eu une aventure sexuelle avec quelqu’un d’autre que moi, au même moment que moi, sauf qu’elle l’a eue avec un ami à nous, et moi, je n’avais pas fait ça”, a ajouté Ulay. Ainsi, depuis deux extrémités de la Grande Muraille de Chine, sur 4 000 kilomètres allant du port de Shanghai à Jiayuguan, les ex-partenaires se sont rejoints en son cœur, à Shenmu, pour un dernier adieu, une étreinte. Le duo a jeté son dévolu sur la Grande Muraille car elle est visible depuis l’espace et cela permettait à leur geste de résonner plus haut que la Terre. Sur leur chemin, ils ont croisé, en 90 jours, des enfants joueurs, des dunes et des massifs à perte de vue.

Une œuvre à vif

“À la fin [de cette performance], il m’a dit que [notre traductrice de mandarin] était enceinte de lui. Il m’a demandé ce qu’il devait faire, je lui ai dit que moi je partais et que lui pouvait faire ce qu’il voulait. Donc, ils se sont mariés. Après la rupture avec Ulay, j’ai vécu le moment le plus dramatique de ma vie. Je me souviens avoir écrit dans mon journal intime que j’avais 40 ans, que j’étais grosse et pas désirable. J’avais perdu l’homme que j’aimais et mon travail car nous travaillions ensemble. C’était un vide, il n’y avait plus rien. Et je me suis dit qu’il me fallait un nouveau commencement, sinon j’allais m’enfoncer et sombrer dans la dépression”, a déclaré Abramović. “Ça s’est terminé comme ça a commencé. Ça a commencé comme d’un coup, et ça s’est terminé d’un coup. C’est tout”, a surenchéri Ulay.

Au moment des retrouvailles, Abramović tenait un drapeau rouge et Ulay, un drapeau blanc, symboles probables de l’amour et de la paix censés les réunir. Après leur embrassade, leurs mains serrées, leurs drapeaux flottant au vent et quelques larmes versées par Marina Abramović, leurs deux corps s’éloignèrent l’un de l’autre et se firent dos. “Nous nous sommes séparés pour diverses raisons, laissant une énorme distance entre nous. Tout ce que nous pouvions faire, c’était marcher l’un vers l’autre”, confia à l’époque Marina Abramović. Ce fut la fin.

En 2009, soit 21 années après leurs adieux, les deux se retrouveront lors de la performance The Artist is Present, que Marina Abramović réalise au MoMA, s’asseyant pendant trois mois, huit heures par jour sans se lever ni boire ni manger, sur une chaise face à une table en bois et regardant chaque visiteur·se qui lui faisait face. Quand l’artiste serbe découvrit le visage de son ancien partenaire de vie et d’art, elle fondit en larmes et joignit ses mains aux siennes. C’est exactement comme ça qu’on devrait quitter puis retrouver celles et ceux qu’on a aimé·e·s.