“INAF INAF.” Est-ce que ces mots vous disent déjà quelque chose ? Si oui, vous passez certainement trop de temps sur TikTok et personne ne va vous blâmer pour ça ici. Néanmoins, si on creuse un peu sur ce qui génère des millions d’interactions sur le réseau, on tombe sur des choses moralement très limite.
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Dans cet audio qui figure au top des tendances actuellement, on entend une femme supplier un homme d’arrêter (on ne sait pas quoi) en mélangeant français et anglais. On entend donc “Enough, enough ! Ça suffit monsieur, ça suffit”. S’il n’y a rien à redire sur l’anglais de cette dame, son petit accent qui semble exotique à l’oreille des Français fera qu’on remplacera ces quelques mots par “INAF INAF” qui deviendra donc une nouvelle réf. De nombreux utilisateurs ont ainsi créé des vidéos “POV” pour illustrer un moment de vie qui les exaspère. On peut lire par exemple “quand au repas de famille on te demande si tu as enfin trouvé du travail”, “quand ton banquier t’appelle pour te rappeler que t’es à découvert”, entre autres milliers de vidéos, vous avez compris l’idée.
Alors quel est le problème ?
On n’est pas les derniers à se fendre la poire et, dans cette économie, toutes les occasions de rire ne sont pas à négliger, mais entendre sans contexte une femme qui supplie un homme de s’arrêter, désolée, c’est un peu crispant. Alors si on va à la recherche de l’origine de cet audio pour découvrir sa provenance, on tombe sur une vidéo montrant une femme marchant dans la rue, un pied nu, une claquette glissée dans la ceinture de son pantalon, vraisemblablement désorientée et en détresse. L’interaction qui lui vaut de réclamer la paix de cette manière vient d’un homme, celui qui filme, qui s’approche d’elle pour lui demander son chemin. Dans les premières secondes on ne sait pas trop où la vidéo mène et l’intérêt de filmer ce moment mais on comprend ensuite qu’il s’agit d’un prank. Cet homme va donc lui demander, plusieurs fois, le chemin vers un hôpital et à chaque fois que cette dame lui répondra, il reformulera exactement la même phrase en prétextant être atteint de la maladie d’Alzheimer. La femme qui a d’abord répondu poliment comprend que quelque chose ne tourne pas rond et préfère s’éloigner de cet homme, qui va la suivre et continuer à la filmer. C’est là qu’elle lui demandera de s’arrêter, à bout de nerfs. Cette dame, filmée un soir à son insu, semble être désorientée. Sa tenue et son attitude semblent faire état d’une détresse mentale, qu’elle soit temporaire ou résultant d’une maladie, en tout cas, elle ne semble pas en pleine possession de ses moyens. Raison de plus qui appuie que, définitivement, ce n’était pas l’idée de l’année. Moins fun tout d’un coup ?
Laissons les pranks en 2024
Le créateur de cette vidéo s’est exprimé ces derniers jours, non pas pour revenir sur la teneur de la vidéo ou exprimer quelconque regret mais pour préciser qu’il en était bien l’auteur originel et qu’elle datait non pas de ces dernières semaines mais d’il y a plus de deux ans, mais qu’il était heureux qu’elle ait enfin “pop”, d’autres internautes y voyant même une ode à la persévérance, “comme quoi, vous voyez, il ne faut jamais supprimer ses vidéos même si elles ne percent pas, ça peut arriver plus tard”.
Très peu d’internautes ont soulevé la problématique derrière cette vidéo et le peu s’étant exprimé sur la question ont été qualifiés de rabat-joies. A-t-on pensé à cette femme ? Où est-elle aujourd’hui ? Est-elle au courant que des millions de gens se marrent sur un moment de vie subi et imposé par un homme dont elle ne sait rien et qui aurait pu être une menace pour son intégrité ? Rappel : les gens dehors ne sont pas du matériel à prank. Il serait peut-être temps, à l’aube d’une nouvelle année, de laisser ça derrière nous.
Les femmes subissent un nombre incalculable de désagréments dans l’espace public, du harcèlement de rue à l’agression, alors une interaction, la plus loufoque soit-elle et caméra à la main qui plus est, est une forme de harcèlement à part entière qui s’ajoute à la liste. Elles sont déjà forcées d’être sur le qui-vive en permanence pour éviter d’attirer l’attention d’une personne malveillante, si les femmes doivent ajouter à ça les prankeurs fous avides de vues et de likes, leur quotidien en sera juste de plus en plus anxiogène. L’argument de vouloir faire rire ne pèse pas lourd dans la balance puisque dans la majorité des cas, les pranks ne sont pas faits pour faire rire les gens, ils sont faits pour faire des vues, en humiliant, effrayant, mettant les prankés dans des situations inconfortables et les rires se feront toujours à leur détriment. Soyons meilleurs.