Il y a des jours où les circonstances font que l’on se doit de parler d’un sujet précis. Là est tout le rôle du journaliste de traiter l’actualité et d’anticiper les potentielles questions de ses lectrices et lecteurs. Avec la sortie toute récente de l’excellentissime documentaire DJ Mehdi : Made in France sur arte.tv et l’apparition musicale de Rim’K devant l’arc de triomphe pour célébrer la fin des JO, vous êtes en droit de vous demander : “Mais pourquoi ‘Tonton du bled’, ce morceau qu’on entend partout en ce moment et depuis si longtemps, n’est pas là où je veux l’écouter, c’est-à-dire sur les plateformes de streaming ?”. Alors on vous donne quelques pistes de réponses.
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L’ovni du bled
Revenons d’abord rapidement sur l’histoire folle de ce titre et sur ses répercussions. Morceau iconique, il est l’un des plus grands hits de Rim’K et DJ Mehdi. “Tonton du bled” est issu de l’album Les Princes De La Ville. Un classique indiscutable du groupe 113 (Rim’K, Mokobé et AP). Cet album sort en 1999 et remporte deux Victoires de la musique : celle du Meilleur album rap et celui de l’album révélation. Si on ne devait garder qu’un seul titre de ce disque, ce serait sûrement “Tonton du bled”, pour son succès, mais pas seulement.
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Ce morceau est un véritable hymne, témoin d’une époque et marqueur important d’une jeunesse immigrée ayant grandi entre la France et son pays d’origine, en l’occurrence ici, l’Algérie. Le “bled”, souvent rejoint pendant les vacances, un puits de culture et de souvenirs, que Rim’K raconte avec précision :
“J’suis sur la plage à Boulémat avec mon zinc et son derbouka
Dans la main un verre de Selecto imitation Coca
Une couche de Zit-Zitoun sur le corps et sur les bras
Avec mon poste sur un fond de Zahouania“
En plus de tout cela, le morceau est un véritable hommage aux sonorités du Maghreb, DJ Mehdi ouvre de nouvelles possibilités avec ces sonorités encore rarement entendues (si ce n’est jamais) dans le rap français de l’époque, preuve que lui aussi peut avoir son identité propre. Au travers du documentaire DJ Mehdi : Made in France, on découvre une bonne partie de l’histoire de ce titre, comme sa création après que Rim’K a ramené chez DJ Mehdi un tas de disques traditionnels algériens appartenant à sa famille afin d’y trouver LE sample parfait et c’est là que ça coince premièrement.
Mais alors, c’est quoi le blème ?
La mélodie autour de laquelle est construit le morceau est piochée dans un CD. Il s’agit du titre de raï “Harguetni eddamaa” de l’artiste algérien Ahmed Wahby. DJ Mehdi refaçonne tout, crée une véritable production qui donnera lieu à “Tonton du bled”. Le titre devient alors l’immense succès que vous connaissez et ce n’est que plusieurs années plus tard qu’Ahmed Wahby viendra réclamer sa part, invoquant le droit d’auteur. Car oui, un sample non clearé, c’est un risque de poursuite par l’artiste ou ses ayants droit.
Depuis le temps, il semble que cette affaire soit rentrée dans l’ordre à coups de gros chèques. Et pourtant, “Tonton du bled”, tout comme l’album Les Princes De La Ville, n’est toujours pas uploadé sur les plateformes. Comment l’expliquer ? Pour Mouv’, Raphaël Da Cruz expliquait dans un article qu’il s’agirait d’une “impasse contractuelle”, reprenant les propos de Karim Thiam dans l’Abcdr du Son qui expliquait un casse-tête bien relou après que la licence de l’album s’est arrêtée en 2009 avec Sony. Il était alors impossible de la prolonger du fait de la faillite de deux structures : Double H et Alariana. “Il a donc été retiré des plateformes. Et même si une jurisprudence indique que les masters reviennent alors de droit aux artistes, il reste toute une série d’intervenants avec lesquels contracter. Comme personne ne prend l’initiative, ça fait dix ans que l’album n’est pas disponible”, a expliqué Karim Thiam.
Plusieurs promesses ont depuis été faites concernant la prochaine mise en ligne de cet album sur les plateformes mais, pour le moment, rien. C’est ainsi que Raphaël Da Cruz a nommé Les Princes De La Ville, “le fantôme d’un souverain au règne glorieux”. Concernant “Tonton du bled”, même si le morceau n’est plus censé exister légalement, il continue de vivre avec une force rare dans la tête du public et des artistes. Nul doute qu’avec toutes ces récentes actualités autour de DJ Mehdi et du morceau, les choses devraient s’accélérer afin de voir au plus vite ce morceau et son album disponibles sur les plateformes de streaming.
