“Pourquoi suis-je triste ?” : la photographe Dana Stirling explore avec force les abysses de la dépression

“Pourquoi suis-je triste ?” : la photographe Dana Stirling explore avec force les abysses de la dépression

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© Dana Stirling

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

La photographie "traduit le tumulte de mes troubles intérieurs en poésie visuelle." Dans cet ouvrage, Dana Stirling met des images sur des maux qu’elle ne parvient à formuler.

“Très vite, j’ai eu la sensation de trimbaler cette tête de cadavre partout avec moi, au bout d’une ficelle, comme une sorte de ballon noir, sans nez, puant le vinaigre.” Cette citation est de Sylvia Plath et provient de son récit La Cloche de détresse, publié sous pseudonyme un mois avant sa mort en 1963. On ne peut s’empêcher de voir une référence à ce ballon “noir, sans nez, puant le vinaigre” quand nous parcourons les photographies de Dana Stirling et tombons sur un ballon flottant et sale, au sourire cassé. Dans son ouvrage Why Am I Sad, publié aux éditions Kehrer Verlag, l’artiste explore les abysses de la dépression, les tourments de l’esprit et les angoisses du siècle, sur fond de paysages esseulés états-uniens.

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“Petite, je passais la plupart de mon temps dans ma chambre, où ma solitude envahissait la pièce entière et au-delà de ses murs. Ma famille n’a pas réussi à m’apporter du réconfort ; au lieu de cela, elle est devenue une source de stress, d’anxiété et de tristesse. Souvent tu dans ma famille, le combat de ma mère contre la dépression a jeté une ombre qu’il m’a fallu des années à comprendre complètement”, raconte la photographe new-yorkaise. La photographie s’est vite imposée comme le médium qui lui permettait de projeter des images, les siennes, sur des idées qu’elle ne parvenait pas à exprimer et de “traduire le tumulte de [ses] troubles intérieurs en poésie visuelle” : à quel point les troubles alimentaires et la dépression de sa mère l’ont profondément affectée, elle et ses relations interpersonnelles.

Hold On, Queens, NY, 2020. (© Dana Stirling)

Dana Stirling offre au monde cette auscultation sous forme de jeux de mots visuels pour que “les 280 millions de personnes à travers le monde” puissent y retrouver des symboles et ne plus se sentir seules. “Pourquoi suis-je triste ? Eh bien, peut-être que c’est dans mon sang, un héritage génétique dont j’ai hérité. Ou peut-être que c’est tissé dans la tapisserie complexe de ma famille. Ironiquement, cela pourrait être le seul lien que je partage avec ma mère : une connexion teintée de tristesse”, écrit Dana Stirling dans son livre.

Ce projet personnel fait se refléter ses propres émotions dans des tableaux photographiques vivants : une biche ayant trouvé la mort sur un bord de route ; un papillon capturé par les ailes ; une vieille cabane en bois dégueulant de fleurs fanées, un panneau disant : “Si tu ne sais pas”… “Les objets ont cessé d’être de simples artefacts ; ils sont devenus les symboles de mes non-dits, un langage que je pouvais parler couramment lorsque les mots me manquaient.” Car, parfois, l’image d’un ballon dégonflé, pourrissant de l’intérieur, coincé entre les branches d’un arbre frêle et automnal, suffit à nous parler plus que des mots nus et anesthésiés.

Memorabilia, Seligman, AZ, 2023. (© Dana Stirling)

Upside Down Smile, Ringtown, PA, 2021. (© Dana Stirling)

Couverture de “Why Am I Sad”, de Dana Stirling, publié aux éditions Kehrer Verlag.

Why Am I Sad, de Dana Stirling, est publié aux éditions Kehrer Verlag.