La saison du Capricorne touche à sa fin et c’est le onzième signe du zodiaque qui pointe désormais le bout de son charmant nez insaisissable. En l’honneur du signe du Verseau, notre rubrique “Artstrology” s’intéresse ce mois-ci au peintre Jean-Michel Basquiat.
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Érudit, innovateur et mondain, en seulement 27 années de vie, Jean-Michel Basquiat a légué au monde une œuvre dense et toujours aussi moderne, même plus de trente ans après sa mort. À travers le prisme de ce signe rebelle et idéaliste, appréhendons ensemble les toiles riches et critiques d’un artiste qui n’a jamais eu besoin de rentrer dans des cases pour marquer son époque – et les suivantes.
Jean-Michel Basquiat le 7 novembre 1984 à New York. (© Ron Galella/Getty Images)
Un signe d’air
Bien que représenté par le symbole du “porteur d’eau”, le Verseau est un signe d’air, élément rattaché à l’intellect, à la communication et au monde des idées de manière générale. Fait de paradoxes, ce signe d’air qui “verse l’eau” de la connaissance sur le monde s’estime maillon d’une chaîne tout en chérissant son indépendance et refusant l’autorité.
Les toiles aux couleurs franches, aux traits bruts et à la force picturale de Jean-Michel Basquiat reflètent cet idéal non conformiste et avant-gardiste. Parfois mis en relation avec un idéal d’art brut grâce à la spontanéité et l’énergie apparentes de son geste, l’artiste new-yorkais a offert au monde des œuvres puissantes et instinctives.
Jean-Michel Basquiat, Sans titre (Crâne), 1981. (© The Broad)
Jean-Michel Basquiat a prématurément façonné son esprit au monde de l’art et aux représentations du corps. Très tôt, il suit sa mère, Matilde Basquiat, elle-même passionnée de mode et de dessin, dans divers musées new-yorkais. Il affûte son regard artistique et son esprit critique au Brooklyn Museum, au Museum of Modern Art et au Metropolitan Museum of Art.
À sept ans, alors qu’il est hospitalisé à la suite d’un accident de voiture, il se prend de passion pour le célèbre manuel d’anatomie du docteur Henry Gray. Les dessins scientifiques marqueront durablement le petit garçon surdoué, qui s’en inspirera le long de sa (trop courte) carrière. Tout le long de sa vie, l’artiste nourrira son esprit d’idées et de connaissances qui prendront vie dans ses œuvres.
Jean-Michel Basquiat, Riding With Death, 1988. (Collection privée)
À 15 ans, puis de nouveau à 16 ans, l’adolescent fugue : “Jean-Michel n’aimait pas l’obéissance. Il m’a causé beaucoup de soucis”, affirmera son père, Gérard Basquiat. Ce refus de se conformer aux règles – propre au Verseau – se retrouve dans ses toiles novatrices et peu communes, qui finissent par taper dans l’œil des cercles les plus avant-gardistes de l’époque.
Une vie d’autodidacte, une curiosité insatiable et un dialogue constant entre les arts et les pratiques, de quoi faire frétiller le Verseau de ce monde : “Il a toujours été si intelligent, un esprit absolument incroyable… Il a dessiné et peint toute sa vie à partir de ses 3 ou 4 ans”, rapportait Gérard Basquiat.
Jean-Michel Basquiat, La Hara, 1981. (© Estate de Jean-Michel Basquiat/Artestar)
Un signe représenté par… les mollets, les chevilles et les veines
En 1977, quelques mois avant ses 18 ans, Jean-Michel Basquiat s’essaye au graffiti. Accompagné de son ami Al Díaz, il commence à projeter son talent dans les rues new-yorkaises, du Lower Manhattan aux trains de la ligne D, notamment. En moins d’un an, ses œuvres se font remarquer.
Il acquiert très vite une notoriété locale et intègre des sphères créatives incluant Keith Haring ou Kenny Scharf avant, bien sûr, de devenir proche d’Andy Warhol et sa Factory. En 1983, il est le plus jeune artiste exposé à la biennale Whitney et il pose seul en couverture du New York Times Magazine deux ans plus tard.
Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol à New York le 7 novembre 1984. (© Ron Galella/Getty Images)
Sous son pseudonyme SAMO (pour “Same Old Shit”), Jean-Michel Basquiat a la bougeotte, autant dans sa volonté de recouvrir la ville de ses dessins que dans celle de voguer à travers des cercles d’artistes. Un désir de mobilité tout à fait en phase avec les mollets, chevilles et veines qui représentent le signe du Verseau dans l’anatomie humaine.
Un signe fixe
Tout comme le Taureau, le Lion et le Scorpion, le Verseau est un signe fixe, c’est-à-dire qu’il se trouve au milieu d’une saison et indiquerait un caractère endurant, fiable et entêté. Cette détermination à toute épreuve est lisible dans la carrière de Jean-Michel Basquiat, à propos duquel son père affirmait sans ambages qu’il “voulait être une star”. “Depuis mes 17 ans, je me disais que je serai une star. Je pensais à tous mes héros, Charlie Parker, Jimi Hendrix… J’avais une idée très romantique de la façon dont les gens devenaient célèbres”, rapportait l’artiste lui-même.
© Patrick McMullan/Getty Images
Passionné, le jeune homme passait son temps à créer, tel que le rapportent celles et ceux qui ont partagé sa vie : “Basquiat peignait sur tout ce sur quoi il mettait la main : réfrigérateurs, blouses de laboratoire, cartons et portes”, se remémore Mary-Ann Montforton, ancienne amie de l’artiste.
Ce caractère stable et résolu se retrouve également dans les nombreux thèmes et symboles récurrents des œuvres de Basquiat : on retrouve régulièrement sur ses toiles sa fameuse couronne signature et ses visages aux grands yeux et dents serrées.
Jean-Michel Basquiat, Sans titre, 1982. (© Tony Shafrazi Gallery)
Un signe engagé, tourné vers les autres
Indépendant, le Verseau est cependant loin d’être obnubilé par son nombril, au contraire de son opposé polaire, le Lion. Ce signe a conscience d’être un parmi une multitude. Suivant une morale qui lui est propre, il est guidé par une volonté de collectif qui lui inspire souvent des idées militantes.
Rare (si ce n’est le seul) peintre noir à accéder aux hautes sphères du monde de l’art et du cool new-yorkais, Jean-Michel Basquiat utilise son art pour dénoncer inégalités sociales et raciales. Remplies de symboles et de dichotomies, ses toiles critiquent les rouages de la société états-unienne et son racisme. Avant sa mort, il décrivait son œuvre comme étant composée “à 80 % de colère”.
Au centre de son œuvre, Jean-Michel Basquiat replace des personnages noirs, absents des musées autant sur les toiles que derrière les chevalets, faisant de son œuvre entière un vivier de réflexions, discussions et d’espoir de changement.