Jusqu’au 22 novembre, c’est la constellation du Scorpion qui est traversée par le Soleil. En l’honneur de ce signe tourmenté, profond et intuitif, nous avons décidé de nous (re)pencher sur l’œuvre de l’artiste contemporain Anish Kapoor, parfait reflet de ce petit animal connu pour sa solide carapace, ses pinces et son aiguillon venimeux.
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Un signe d’eau
Tout comme le Poissons et le Cancer, le Scorpion est un signe d’eau marqué par le pouvoir de l’instinct et des impulsions vitales liées à la naissance. L’œuvre d’Anish Kapoor est généreusement imprégnée de ces forces. À l’été 2018, l’artiste britannique présentait dans deux galeries parisiennes “Another (M)other”, une exposition qui voyait dialoguer des sculptures et installations inspirées par la chair et les entrailles.
Amoureux de la matière, Anish Kapoor s’est épanoui, ces dernières années, dans la réalisation d’œuvres gigantesques, souvent débordantes, déferlantes, presque vomissantes. Des amas de matières rouges, plus ou moins foncées, suggèrent l’attraction que ressent l’artiste pour des énergies viscérales, propres à la (pro)création. Qu’importe alors qu’il s’agisse de créations biologiques ou artistiques, tant qu’elles viennent des tripes.
Les signes d’eau sont également connus pour leur propension à naviguer, voire s’embourber, dans leurs émotions, et pour leur force introspective. Comment parler d’Anish Kapoor sans évoquer ses célèbres miroirs, parsemés à travers le monde, du célèbre Bean de Chicago à ses miroirs concaves et convexes visibles dans diverses foires et galeries d’art contemporain internationales ?
Anish Kapoor, “Random Triangle Mirror”, 2018. (© Anish Kapoor/Galleria Continua. Photo : Lise Lanot)
Les installations en acier de l’artiste invitent le public à se mouvoir et s’observer se déformer dans des reflets kaléidoscopiques qui offrent des résultats aléatoires, protéiformes et mouvants. La foule se retrouve partie intégrante des installations, qui deviennent presque des performances.
Une ritualisation de l’œuvre chère à l’artiste contemporain et une belle représentation du besoin du Scorpion à se retrouver seul face à lui-même, de façon souvent grandiloquente ou mélodramatique, pour prendre ses décisions et se ressourcer.
Un signe représenté par… les organes génitaux
Chaque signe du zodiaque est lié à une partie du corps. Pour le Scorpion, il s’agit du système reproducteur, de la vessie et des organes sexuels.
Anish Kapoor, “Mound” (2018) et “Something Like Her” (2018). Vue de l’exposition “Another (M)other”, kamel mennour (6 rue du Pont de Lodi), Paris 6, 2018. (© ADAGP Anish Kapoor 2018 / Photo. Archives kamel mennour, courtesy the artist & kamel mennour, Paris/London)
Cette sensualité et ce magnétisme se retrouvent dans les travaux d’Anish Kapoor de façon plus ou moins implicite, avec ses grandes toiles représentant des formes vulvaires ou ses installations massives aux formes généreuses, oblongues ou phalliques.
Un signe fixe
Le signe du Scorpion est un signe fixe, c’est-à-dire qu’il se trouve au milieu d’une saison. On raconte que les signes fixes indiquent un caractère endurant, fiable et entêté. Cette inclination pour la stabilité se retrouve dans les monochromes d’Anish Kapoor.
Entre les années 1970 et 1980, il réalise de nombreuses sculptures monochromes, recouvertes de pigment pur, précise le Centre national des arts plastiques. De tailles diverses, ces installations transmettent des sentiments de fixité et de contrôle, des mots qui devraient résonner auprès du Scorpion.
Un signe sombre et ambivalent
Le Scorpion est connu pour son côté sombre et torturé. Quoi de mieux, donc, pour le représenter que le travail du propriétaire du Vantablack. En 2016, l’artiste britannique d’origine indienne avait acquis les droits de ce qui était alors considéré comme le “noir le plus noir du monde” et avait tenté d’en recouvrir une pièce entière – sans succès malheureusement, à cause de problèmes techniques.
“Imaginez-vous entrer dans une pièce où vous n’avez littéralement aucune idée des murs – où se trouvent les murs ou s’il y a des murs. Ce n’est plus une pièce sombre vide, mais un espace plein d’obscurité”, s’émerveillait Anish Kapoor auprès du magazine Artforum en 2015.
Anish Kapoor, “Descent into Limbo” (1992) au musée d’Art contemporain de Porto. (© Fundação de Serralves)
En 2018, Anish Kapoor avait invité le public à observer son œuvre Descent into Limbo, un “puits noir de deux mètres de diamètre, aussi profond que votre imagination”, sous la forme d’un cube de ciment au milieu duquel trônait un large trou noir de deux mètres 50 de profondeur. Un touriste italien, âgé d’une soixantaine d’années, avait chuté à l’intérieur de l’œuvre, tombant littéralement dans les tréfonds obscurs dans lesquels l’artiste aime plonger.
“Le Scorpion n’aime pas rester en surface. La vérité, l’inconnu et l’obscurité ne lui font pas peur. Au contraire, il aime les explorer quand d’autres préfèrent s’en détourner”, écrivions-nous justement il y a quelques mois.
Ces incursions sombres et torturées rythment le travail d’Anish Kapoor, malgré certaines réalisations colorées et brillantes. Cette ambivalence imite encore une fois le Scorpion, que l’on parle de l’animal (au dard venimeux, mais crucial dans la biodiversité) ou du signe, considéré comme l’“alchimiste du zodiaque, qui jongle entre destruction et création”.
Trêve de rigolades, Anish Kapoor n’est pas Scorpion mais Poisson. On n’a pas dit que notre méthode était infaillible.
Anish Kapoor devant son œuvre “Sectional Body Preparing for Monadic Singularity”, le 6 juillet 2018 à Porto. (© Horacio Villalobos-Corbis/Getty Images)