Vous êtes-vous déjà plongé·e·s dans les Nymphéas de Claude Monet exposés au musée de l’Orangerie ? Vous êtes-vous déjà perdu·e·s dans ses Nuages, une des huit compositions de la série de gigantesques œuvres où “les variations atmosphériques rosées des cieux” se reflètent “dans les eaux stagnantes de son étang” ? L’étang en question y apparaît sombre et marécageux, éclairé par de cotonneuses masses claires nous offrant un peu d’espoir et de lumière.
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Ces contrastes de couleurs et de lumières sont d’autant plus remarquables qu’on raconte que le peintre évitait autant que possible d’utiliser du noir. En 1905, il détaillait sa palette de couleurs dans une lettre, évitant le noir et énumérant le “blanc d’argent, jaune cadmium, vermillon, garance foncée, bleu de cobalt, vert émeraude. Et c’est tout”. Comme nombre d’impressionnistes, le peintre préférait par exemple jouer avec des associations de bleu, vert et violet pour assombrir ses teintes et créer des ombres et de la profondeur, plutôt que de dégainer le noir.
À noter que le façonnage des ombres est particulièrement fascinant dans l’impressionnisme. Les peintres n’hésitaient pas à charger ombres et reflets de compositions de couleurs supplémentaires, créant un dynamisme et une vitalité à la croisée du réel et de l’onirique. Les œuvres révélaient de nouvelles façons d’imaginer le monde qui nous entoure plutôt que de le représenter le plus fidèlement possible. De plus, sachant que la lumière occupe une place centrale dans les travaux impressionnistes, il semble plutôt logique d’esquiver le noir, couleur associée à l’absence totale de lumière.
Le refus de Monet d’utiliser du noir aurait été si célèbre que son ami Georges Clemenceau retira le drap noir supposé recouvrir le cercueil du peintre. C’est en tout cas ce que rapporte le réalisateur Sacha Guitry dans son documentaire Ceux de chez nous : “Et quand l’homme des pompes funèbres voulut recouvrir le cercueil du voile noir traditionnel, Clemenceau le lui prit des mains : ‘Non’, dit-il. Puis, ayant regardé tout autour de lui, il alla à la fenêtre, arracha l’un des rideaux de toile fleurie et, lui-même, il en couvrit le cercueil du grand peintre en disant à mi-voix : ‘Pas de noir pour Monet, le noir ce n’est pas une couleur.’“