Cette semaine, une artiste nommée Shar a posté sur X/Twitter une œuvre composite mêlant dessin et photographie, et elle était loin d’imaginer qu’elle serait autant scrutée. L’artiste britannique y dépeint une femme noire à la chevelure bleue faisant ses courses dans un rayon dédié aux cheveux. La femme semble être en pleine conversation vidéo avec une de ses amies, car elle met à côté de son visage de nouvelles mèches bleues qu’elle aimerait acheter. La légende dit : “Est-ce que cela correspond [à ma couleur de cheveux] ?”, comme un avis qu’on demanderait à un·e ami·e face à un achat cornélien.
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Pourquoi cette simple représentation d’une femme faisant des emplettes a-t-elle autant fait réagir ? Face à cette image, un bon nombre d’internautes reprochait à l’œuvre d’être “une caricature raciste”, la rapprochant (par amalgame éhonté) des peintures de cet artiste nigérian qui a été accusé quelques jours plus tôt de véhiculer des imageries racistes.
“Les deux [œuvres] sont des caricatures. Même si je comprends le style d’art que tu essayais d’exécuter, ça a foiré à la fin. Les deux sont grossières. Il y a de meilleures manières de dessiner les femmes noires à la peau foncée […] et plus size“, dit un commentaire écrit par une femme noire à la peau foncée. “Ça ressemble à une caricature raciste. On en a marre des représentations de femmes noires à la peau foncée, grosses, et qui viennent du ghetto. C’est à cause de ça que le monde voit les femmes à la peau noire et foncée comme ça. Les femmes noires à la peau foncée méritent de meilleures représentations”, dit un autre commentaire d’une concernée.
L’œuvre de Shar a aussi été comparée aux mèmes racistes qui circulent sur 4chan, rapporte le compte Instagram Darkest.Hue. Certaines voix saluaient cette représentation réaliste du quotidien, appuyant le fait que l’artiste a le droit de représenter sa communauté sans artifices et qu’elle ne se vante pas de représenter toutes les femmes noires, tandis que d’autres voulaient bêtement voir la publication supprimée.
Parce qu’elle est noire, parce qu’elle est grosse : parce que ça dérange
La femme dessinée par Shar n’a rien d’une caricature : parce qu’elle est noire, parce qu’elle est grosse, parce qu’elle est naturelle, et parce qu’elle n’est pas sexualisée, les internautes y ont identifié les traits exagérés qui caractérisent les caricatures. Non, cette œuvre n’est pas une caricature. Elle représente simplement une femme plongée dans son quotidien le plus banal. Elle représente une femme noire, grosse, faisant du shopping.
Selon Darkest.Hue, l’artiste Shar s’est inspirée de son propre quotidien : le magasin dépeint serait un endroit où elle se rendrait souvent pour ses propres achats. La comparer à Olaolu Slawn, qui s’inspire directement et sans justification des caricatures racistes d’antan est un non-sens total. Les femmes noires et grosses sont si peu représentées dans l’histoire de l’art et c’est un fait qui persiste aujourd’hui encore, dans l’art moderne et contemporain.
C’est précisément ce triste constat que ce dessin de Shar, malgré elle, et les réactions qui ont suivi soulèvent. Le monde manque tellement de ce genre de représentations qu’il confond caricature et réalité. Le monde a besoin de ce genre de représentations pour normaliser les corps gros dans l’espace public, normaliser les corps des Noir·e·s non sexualisés.