En 2021, Vogue Paris fut rebaptisé Vogue France. Le groupe Condé Nast a choisi “France” afin de parler à un public national et international, et non plus qu’à un microcosme parisien. C’est dans cette nouvelle direction que Vogue France met en avant, sur ses unes, de plus en plus de mannequins noires, comme pour se racheter une conduite.
À voir aussi sur Konbini
En novembre 2021, la une avec la chanteuse Aya Nakamura, titrée “Divine diva”, cassait l’Internet et les statistiques du magazine. En janvier 2022, le journal fait un bad buzz à cause d’une photo de Julia Fox, actrice blanche non musulmane, portant un foulard, légendée sur Instagram : “Oui au foulard !”.
Dans une société islamophobe, il semblerait que seul le foulard porté par les femmes blanches soit validé. Si le magazine disait “oui” au foulard, il n’avait encore jamais mis en avant des femmes musulmanes voilées ; les internautes ont noté une belle hypocrisie. Cette légende a finalement été retirée par les équipes de Vogue France.
Quelques mois plus tard, en avril 2022, la mannequin soudanaise Akon Changkou posait pour leur couverture, sous l’objectif du photographe Anthony Seklaoui. Chacun de ces microchangements œuvrait pour une meilleure représentation de la société française, sous la coupole d’Eugénie Trochu, responsable du contenu éditorial.
Août 2022. Pour la première fois dans l’histoire de Vogue France, deux mannequins noires, dont une portant un hijab, posent pour la une. Il s’agit de Mona Tougaard et Ugbad Abdi, qui célèbrent ici l’esprit de sororité salvateur dans cette nouvelle génération de top models. Quelques années plus tôt, Halima Aden ouvrait déjà la voie dans le British Vogue.
“La fierté d’être soi est le fil rouge du numéro d’août. […] Mona et Ugbad sont les visages d’une nouvelle génération de mannequins libres et engagées. Amies des podiums, elles cassent le cliché des rivalités entre super models“, écrit Eugénie Trochu dans un post Instagram.
Ayant appris depuis le tollé “Simone Biles par Annie Leibovitz” dans Vogue US, la rédaction de l’édition française a passé l’appareil photo au photographe américano-dominicain Luis Alberto Rodriguez, que nous avions interviewé en 2017. Sur un fond sobre, ce dernier a fait poser les deux amies tête contre tête, enlacées.
“C’est très important, d’être fière de ses racines. Je regarde mes jeunes sœurs, et les filles du monde entier, qui me disent à quel point elles se sentent exister lorsqu’elles voient une femme qui leur ressemble faire ce qui la rend heureuse. La représentation contribue tellement à ce que les gens se sentent vus et entendus !”, déclare Ugbad Abdi dans les pages du magazine.
Les autres articles de ce numéro feront la part belle à l’inclusion, avec un sujet mené par l’auteur trans Tal Madesta (Désirer à tout prix) qui s’entretient avec Sara Vienna, modèle genderfluid ayant passé son enfance dans une communauté mormone norvégienne, qui a lutté pour vivre librement.
Un autre sujet portera sur le chanteur et danseur Kiddy Smile, icône militante LGBTQIA+. “Je représente des personnes marginalisées, qui, dans d’autres pays, sont tuées, lynchées, brûlées pour ce qu’elles sont”, clame-t-il. On pourrait continuer à taxer le journal de diversity washing, mais rappelons-nous que le changement passe par là.