Pendant que les JO 2024 se profilent et que les Parisien·ne·s organisent doucement leur exode rural en prévision des 15 millions de visiteur·se·s attendu·e·s, le Palais de la Porte Dorée – Musée de l’histoire de l’immigration propose de retracer l’histoire des olympiades. “Olympisme, une histoire du monde” invite à regarder en arrière pour mettre en lumière la manière dont les JO continuent, depuis 1896, de refléter les évolutions et crises sociétales que nous traversons de par le monde. Rendez-vous au Palais de la Porte Dorée dès le 26 avril et jusqu’au 8 septembre, pour regarder les Jeux sous un prisme social et historique.
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L’exposition revient en effet sur les enjeux géopolitiques qui ont touché les JO à chaque édition, dont l’instrumentalisation qui en a été faite par le régime nazi en 1936, le boycott des Jeux de Montréal en 1976 par les nations africaines en opposition à l’apartheid en Afrique du Sud, la démonstration de la puissance chinoise aux Jeux de Pékin…
Plus largement, l’histoire et les luttes sociales ont traversé les olympiades en même temps qu’elles traversaient l’espace public et la conscience collective, et les JO, s’ils transpirent la compète, se lisent aussi en miroir des enjeux contemporains : lutte pour la démocratie, pour l’égalité raciale et la parité, pour l’inclusivité, pour une éco-responsabilité… L’édition des Jeux olympiques de Mexico, en 1968, en est l’illustration. Retour sur une image sportive devenue mythique, qui capture un moment-clé de l’histoire du mouvement Black Power.
Tête baissée, poing levé, gant noir
1968. Les États-Unis sont le lieu de tensions liées à la guerre du Vietnam, le racisme envers la communauté noire donne lieu à l’émergence du mouvement Black Power, et Martin Luther King est assassiné le 4 avril de cette même année. Le 16 octobre 1968, aux Jeux olympiques d’été de Mexico, deux coureurs noirs américains se retrouvent sur le podium du 200 mètres : Tommie Smith et John Carlos.
Le premier remporte l’or et établit un nouveau record mondial avec un chrono de 19 secondes 83, tandis que le second remporte le bronze. Sur le podium, lorsque l’hymne états-unien se fait entendre, les deux sprinters baissent la tête et lèvent un poing ganté de noir pour dénoncer la ségrégation raciale (abolie en 1964 grâce aux actions du mouvement des droits civiques). Tommie Smith dépose également ses Puma Suede sur le podium et dévoile ses chaussettes noires pour dénoncer la pauvreté des Noir·e·s-Américain·e·s. C’est là que John Dominis, commissionné par le magazine Life, dégaine son appareil photo.
Jeux olympiques de 1968, Mexico. (© John Dominis/Bettmann/LIFE Magazine CollectionGetty Images)
Pour afficher son soutien, l’Australien Peter Norman, détenteur de la médaille d’argent, porte un badge de l’Olympic Project for Human Rights, une organisation – dont font partie Tommie Smith et John Carlos – qui lutte contre le racisme dans le sport et qui, en 1968, propose un boycott des Jeux par les athlètes noir·e·s. Les trois coureurs sont hués et tandis que ce poing levé et ganté devient aussitôt un symbole du Black Power, Tommie Smith et John Carlos paient les conséquences de leur prise de position.
Le Comité international olympique, mécontent de voir ces protestations au sein des JO, suspend les deux athlètes et les interdit de Jeux à vie. De son côté, Peter Norman est ostracisé par les autorités sportives. Il ne sera pas sélectionné aux épreuves d’athlétisme des JO 1972 à Munich, malgré sa troisième place. Les autorités australiennes ne l’inviteront pas aux JO de 2000 à Sydney, ce que la délégation états-unienne corrigera.
De parias à héros
“Il a suffi de quelques secondes pour que l’Amérique fasse de moi un paria. Mais il a fallu 35 ans pour qu’elle me transforme en héros”, raconte Tommie Smith dans les lignes du Monde, quelques décennies après ce geste. En 2016 et après de longues années d’ignorance, les deux athlètes sont finalement honorés par Barack Obama à la Maison-Blanche, qui félicite la “grande opportunité” créée par cette protestation silencieuse. Cette reconnaissance tardive arrive dans un contexte particulier puisque les États-Unis sont alors en proie à des protestations après des violences policières commises envers la communauté noire.
En 2018, un journaliste de L’Équipe revient sur l’impact mondial de ce cliché avec son principal protagoniste, Tommie Smith : “Pour moi, c’est différent, cette photo, c’est juste moi ! Cette posture n’était alors pas aussi importante pour moi qu’elle l’est devenue pour les gens. Cette photo est l’une des attitudes qui a le plus fait le tour du monde, mais je ne l’ai pas fait pour cette publicité. Ni pour moi ni pour les droits des Noir·e·s, juste pour les droits de l’Homme. C’était un besoin, et ce podium était la seule fenêtre possible.“
“Olympisme, une histoire du monde – Des premiers Jeux olympiques d’Athènes 1896 aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024” est visible au Palais de la Porte Dorée – Musée de l’histoire de l’immigration, du 26 avril au 8 septembre 2024.
Konbini, partenaire du Palais de la Porte Dorée – Musée de l’histoire de l’immigration.