La relation entre l’image fixe et l’image animée, ainsi que le lien avec le delta camarguais, témoin privilégié de l’urgence écologique seront au cœur cet été de la 54e édition des Rencontres de la photographie d’Arles, un des plus importants festivals photo d’Europe. “Cette année, nous avions vraiment envie de faire un focus particulier” sur la Camargue, cette zone humide du sud-est de la France située entre les bras du Rhône et connue pour ses chevaux blancs et ses nuées de flamants roses, a exposé Aurélie de Lanlay, directrice adjointe du festival.
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Du 3 juillet au 24 septembre, 44 expositions seront déployées dans 24 lieux d’Arles, commune la plus étendue de France métropolitaine, aux portes de la Camargue. L’un d’eux sera d’ailleurs investi pour la première fois par les Rencontres, les cryptoportiques de la ville, ces galeries souterraines qui étaient destinées notamment au stockage des marchandises du temps de la Rome antique.
“C’est un lieu extrêmement poignant parce que cela vient à la fois raconter l’histoire d’Arles dans toute sa dimension romaine et médiévale mais c’est aussi une expérience physique parce qu’on descend dans les entrailles de la terre”, détaille Mme de Lanlay, pour qui l’exposition monographique de Juliette Agnel consacrée à des grottes préhistoriques a trouvé une résonance idéale avec cet espace. Regroupés sous l’intitulé “Géographies du regard”, plusieurs projets s’interrogeront ainsi sur la façon de “restituer un espace, un paysage et [de] le faire vivre auprès du public dans toute sa dimension sensible”, explique-t-elle.
Car il est important d’avoir cette “démarche de tête chercheuse”, de “poseur de questions”, estime Christoph Wiesner, le directeur des Rencontres, pour qui le festival est aussi là “pour être un acteur qui participe aux réflexions” sur le territoire. Dans “Ici près”, les photographes Mathieu Asselin, Tanja Engelberts et Sheng-Wen Lo donneront notamment à voir “les nuisances variées qui menacent l’équilibre écologique d’Arles et de ses environs”, détaille le dossier de presse.
Si le premier s’intéresse à la pollution générée par l’usine de pâte à papier Fibre excellence située à Tarascon, commune voisine d’Arles, la seconde a remonté les eaux du Rhône pour constater le “décalage entre ses sources extrêmement pures en Suisse – dans lesquelles on peut se baigner – et le fleuve plus pollué à son arrivée” en Camargue, retrace Aurélie de Lanlay.
“De films en images”
C’est sur ce même fleuve qu’a vogué la portraitiste marseillaise Yohanne Lamoulère, “à bord d’une barge fabriquée à partir de détritus” et depuis laquelle elle “a photographié les habitants du fleuve”, des personnes généralement à la marge. Souvent stigmatisées également, les communautés de Gitans, de Manouches et de Roms, qui convergent chaque année vers les Saintes-Maries-de-la-Mer, ville de Camargue à l’embouchure du Rhône, lors d’un pèlerinage, seront mises à l’honneur dans un “pèlerinage photographique”, retraçant en images l’histoire de cette grande manifestation religieuse.
Loin du delta du Rhône, au cœur de la forêt amazonienne, d’autres eaux ont accueilli les immenses rouleaux de papier photosensible, pour les révéler, du photographe péruvien Roberto Huarcaya. Ces “très grands photogrammes de 30 mètres de long sur un mètre de large seront suspendus pour restituer la dimension sensible, spirituelle qu’il a pu ressentir et éprouver au sein de la forêt”, expose la directrice adjointe des Rencontres.
Des photos prises par Agnès Varda à Sète, où elle tournera La Pointe Courte quelques années après, aux photos de travail de Wim Wenders sur le tournage de L’Ami américain, la porosité entre photographie et cinéma constitue l’un des autres grands axes, baptisé “De films en images”, de l’édition 2023. Il s’agit de “montrer comment l’image photographique peut amener à l’image animée et qu’en fait, il n’y a pas forcément de césure” entre ces deux champs, commente Christoph Wiesner.