Palestine, Ukraine, passeurs de migrants : les photos gagnantes du prix Bayeux des correspondants de guerre ont été annoncées

Palestine, Ukraine, passeurs de migrants : les photos gagnantes du prix Bayeux des correspondants de guerre ont été annoncées

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© Mahmud Hams/AFP

"Le monde entier regarde Gaza à travers nos objectifs", a déclaré Mahmud Hams en recevant son prix.

Le photographe gazaoui de l’Agence France-Presse (AFP) Mahmud Hams a remporté samedi à Bayeux le premier prix des correspondant·e·s de guerre dans la catégorie Photo, aux côtés d’Andrew Harding (BBC News) dans la catégorie Radio, Mohammed Abu Safia et John Irvine (ITV News) en Télévision et Rami Abou Jamous (Orient XXI) dans la section Presse écrite. Le journaliste palestinien Rami Abou Jamous a obtenu trois trophées, en Presse écrite, Télévision et le prix Ouest-France Jean Marin, une première en 31 éditions du prix Bayeux. Il a été primé en Presse écrite et prix Ouest-France pour Journal de Gaza, un récit de son quotidien de déplacé à Rafah après avoir dû quitter son logement dans la ville de Gaza devant l’avancée de l’armée israélienne.

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M. Abou Jamous gagne le prix Télévision grand format pour Gaza, fuir l’enfer avec BFMTV. Dans une vidéo tournée dans une tente d’un camp de réfugié·e·s de l’enclave qu’il habite et appelle “sa villa”, Rami Abou Jamous a remercié le prix Bayeux d’avoir prouvé qu’on pouvait être “palestinien et journaliste”. Il a dédié son prix à tou·te·s ses confrères·sœurs tué·e·s par l’armée israélienne à Gaza. Mahmud Hams, de l’AFP, a été récompensé pour l’ensemble de sa couverture à Gaza. L’une des photos primées montre une femme qui crie sa peine après une frappe israélienne pendant les recherches de victimes dans les décombres d’un bâtiment à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 octobre 2023.

Rejoint sur scène par une partie de l’équipe de l’AFP à Gaza, désormais installée en dehors de l’enclave, M. Hams a dédié “cette victoire à tou·te·s les journalistes qui couvrent courageusement et honnêtement la guerre à Gaza”, prédominante lors de cette édition du prix Bayeux. “Je suis très heureux aussi de gagner ce prix pour la troisième fois, je veux dire à mes collègues à Gaza que notre message est bien reçu : le monde entier regarde Gaza à travers nos objectifs”, a ajouté le photographe. “Ce prix est un hommage mérité au travail absolument remarquable réalisé par Mahmud dans des circonstances inimaginables”, a salué sur X/Twitter Phil Chetwynd, directeur de l’Information de l’AFP.

“Très fière d’être journaliste”

En catégorie Radio, Andrew Harding s’est imposé avec L’Histoire de Sara, une enquête internationale pour retrouver les passeurs qui avaient mis à l’eau un bateau gonflable dans lequel est morte Sara, une petite Irakienne de 7 ans, en tentant de traverser la Manche avec sa famille pour échapper à un renvoi vers leur pays. “On est obsédés par les migrants en Grande-Bretagne avec le populisme, j’ai essayé de montrer ce qui pousse ces gens à prendre de tels risques”, s’est expliqué M. Harding. “On a retrouvé et confronté le passeur du bateau de Sara mais nous ne sommes pas la police.”

Le Gazaoui Mohammed Abu Safia a remporté avec son collègue d’ITV News John Irvine le prix Télévision, pour le reportage Le Drapeau blanc, sur un Palestinien abattu dans la bande de Gaza alors qu’il marchait dans la rue avec un drapeau blanc pour aller retrouver des membres de sa famille. Le conflit ukrainien a aussi trouvé une place dans le palmarès avec le Prix du public attribué au photographe Kostiantyn Liberov Libkos pour La Guerre en Ukraine. Douleur, désespoir et espoir. France 2 et BFMTV ont également reçu des prix pour des reportages en Ukraine.

La journaliste anglo-états-unienne Clarissa Ward, de la chaîne de télévision CNN, a déclaré ressentir “un réel privilège d’être présidente du jury” en ouverture de la soirée de remise des prix. Seule journaliste à avoir réussi à entrer dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, elle a trouvé “difficile de choisir les gagnant·e·s”, tou·te·s les nominé·e·s l’ont rendue “très fière d’être journaliste”. Le photographe gazaoui Saher Alghorra, pigiste pour Associated Press et Zuma Press, joint par appel visio car résidant toujours à Gaza, a reçu le prix Jeune reporter photo. Un hommage a été rendu au secrétaire général de Reporters sans frontières Christophe Deloire décédé en juin 2024.

Une exposition sur la guerre à Gaza vue par le prisme humanitaire

Une exposition sur la guerre à Gaza s’est tenue durant toute la durée du festival. Elle permettait de saisir le drame qui se joue à Gaza au travers des yeux des humanitaires de Médecins sans frontières (MSF) qui y soignent la population et des rares journalistes encore présent·e·s. “Cette photo d’un soignant à bout, exténué, reflète bien l’état de la population palestinienne et des humanitaires de Gaza”, déclare à l’AFP Clothilde Mraffko, commissaire de l’exposition “We did what we could” (“Nous avons fait ce que nous pouvions”).

Cette journaliste indépendante de 36 ans, qui travaille pour Mediapart ou Le Monde, a expliqué que les humanitaires ont été pendant cette année de conflit à Gaza sa “source unique”. Empêchée comme les autres journalistes d’entrer à Gaza, elle a choisi de continuer à faire son métier grâce aux récits de terrain des soignant·e·s, notamment ceux de MSF et des journalistes gazaoui·e·s qui ont poursuivi leur mission, comme Mohammed Abed, de l’AFP.

Cette exposition permet au public de cheminer parmi ces documents, photos prises par des reporters et des médecins, dessins de bombardements faits par des enfants, témoignages audio, récoltés par la journaliste. “Rapidement après le 7 octobre, les bombardements commencent et le principal challenge devient la connexion à Internet pour échanger avec mes sources”, se souvient Mme Mraffko. “Cette exposition, c’est la destruction de Gaza et l’impact sur sa population, y compris psychologique”, détaille la journaliste.

Parmi les traumatismes de la population gazaouie exposés, les déplacements, le chaos des hôpitaux, la détresse des enfants, les séquelles psychologiques, la faim, la destruction du tissu qui faisait Gaza… “Ce conflit est sur-couvert mais mal couvert” médiatiquement, estime Clothilde Mraffko, qui regrette que l’on ne parle pas assez de “la résilience” des Gazaoui·e·s. “Ils n’ont pas de sentiment de vengeance mais souhaitent mettre fin à l’impunité, ils veulent être du bon côté de l’histoire”, selon elle.

Le photoreporter palestinien de l’AFP Mohammed Abed, dont le travail est au cœur de cette exposition, a voulu “remercier les soignants de MSF au service des gens”. “Rien ne permet de décrire ce qui se passe là-bas, j’espère que cette exposition sera le point de départ à l’arrêt de cette guerre”, a souhaité le journaliste qui a reçu le prix “Regard des jeunes de 15 ans” du prix Bayeux.

La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre 2023 par l’attaque du Hamas qui a entraîné la mort de 1 206 personnes en Israël, en majorité des civil·e·s, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres officiels israéliens et incluant les otages morts ou tués en captivité à Gaza. Au moins 42 126 Palestinien·ne·s ont été tué·e·s, en majorité des civil·e·s, dans l’offensive israélienne à Gaza, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l’ONU. La quasi-totalité des 2,4 millions de Gazaoui·e·s a aussi été déplacée.