Elle fait des séries (Des gens bien ordinaires, toujours disponible sur Canal+), des documentaires (notamment Là où les putains n’existent pas, plusieurs fois récompensé), des podcasts (le dernier en date, Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour, à écouter sur France Culture), et écrit des livres (elle est en pleine promotion de son dernier ouvrage La chair est triste hélas)… bref, Ovidie a toujours un projet sur le feu. On a pu l’arrêter dans sa course folle, le temps d’une conversation autour de la saison 2 de Libres !, la série d’Arte, adaptée de la BD éponyme qu’elle avait écrite avec la dessinatrice Diglee.
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Dans cette version animée, qu’elle a coréalisée avec Josselin Ronse et dont elle a confié les saynètes les plus drôles à sa camarade Sophie-Marie Larrouy, Ovidie s’attaque avec toujours autant de brio et d’humour aux injonctions qui nous pourrissent la vie. De la charge mentale contraceptive, à “l’orgasm gap”, en passant par les diktats, fort changeants, des corps considérés comme beaux, Libres s’impose comme un guide de survie féministe en milieu hostile (le patriarcat). Force est de constater que la recette a du succès.
La saison 1 de la série s’est exportée dans tous les territoires où Arte émet (Italie, Espagne, Allemagne et Pologne) et a rencontré son public : les dix premiers épisodes cumulent, au total, 60 millions de vues. De quoi mettre un bon coup de pression pour la suite ?
Ovidie raconte :
“On a un peu été dépassé·e·s par le succès de cette saison 1. On s’est lancé·e·s dans la deuxième, mais avec cette crainte de faire une saison 2 qui ne soit pas décevante pour les gens, qui les fasse toujours autant marrer, et qui reproduise le même petit miracle que la première en termes de vues. On est super heureux·se·s de ce qu’on a fait.
Ce qui me fait aussi plaisir, c’est de voir que la série a bien marché aussi à l’étranger, là où on n’a fait aucune promo, là où je ne suis absolument pas connue, ni Sophie-Marie Larrouy. Ça m’a vachement étonnée et je me suis dit qu’on tapait juste. Ça veut dire que les sujets qu’on aborde sont universels et concernants.”
Outre cette pression, il y avait d’autres données à prendre en compte. Deux ans — le temps nécessaire pour réaliser les animations, créées dans la capitale française du genre, Angoulême — se sont écoulés entre les deux volets. Durant ce laps de temps, la société a changé.
Si la première saison reposait sur les thématiques de la BD, qu’Ovidie a cocréée avec Diglee en 2018, il a fallu trouver de nouveaux sujets à traiter en 2023. Le plus gros challenge, c’était sans doute que cette société qui bouge sans cesse a aussi mis bien des féministes sur les rotules.
Ovidie, toujours :
“Ce qui a été un peu compliqué, et qui nous a fait peur, c’est que j’étais, comme pas mal de féministes, entre le spleen et le burn out militant, et très attristée de voir les luttes féministes s’entrechoquer, de nous voir nous détruire les unes les autres. Donc je me suis dit : ‘Ça va être dur de faire marrer les gens sur la charge contraceptive, sur le viol conjugal, sur le cyberharcèlement, comment on va faire ?’
On en a beaucoup parlé avec Sophie-Marie qui était un peu dans le même état d’esprit. Elle est arrivée très tardivement dans l’écriture et, petit à petit, on a réussi à retrouver la même énergie que dans la première saison, alors que ce sont des sujets qui sont moins consensuels.”
© Arte.tv
Parmi les sujets qui ont émergé depuis #MeToo, Libres ! s’est attaqué au cyberharcèlement avec l’épisode “Y’aura rien”, au viol conjugal avec “Pas ce soir, chéri…”, ou encore la charge contraceptive dans “T’as pris ta pilule ?” La série, à travers toutes ces thématiques, nous pousse, sans jugement, à nous interroger, à remettre en question le statu quo. L’intégralité des 20 épisodes, disponibles sur Arte, est aussi distillée chaque semaine sur les réseaux sociaux.
Les réactions sur certains de ces sujets ne se sont pas fait attendre, nous raconte l’intéressée :
“Les retours sont déjà très positifs. Là, par exemple, quand l’épisode sur la charge mentale contraceptive a été mis en ligne sur Instagram, ça a été ultra-commenté. Les mecs, surtout, dès que tu leur parles de vasectomie, ça les terrifie. Ça crée du débat sur les réseaux sociaux.
À l’origine, le but de la BD c’était aussi d’être un support à discussions. Lors de signatures en librairies, je me souviens que des femmes me disaient qu’elles l’avaient achetée pour leur fille, ou l’avait fait lire à leur mari. La série reprend ce principe : en 3 minutes 30, on pose un débat, je ne donne jamais de solution toute faite, je ne veux donner de leçon à personne.”
Libres, c’est aussi une affaire de potes, et de talents qui unissent leurs forces autour d’Ovidie. Il y a d’abord sa complice de longue date, Sophie-Marie Larrouy, qui est venue apposer sa touche d’humour, si unique, dans des petites scènes qui agissent comme autant de respirations au milieu de cet argumentaire bien ficelé, comme nous le raconte Ovidie :
“Notre principale crainte, c’était de réussir à faire rire sur des thématiques qui nous font souffrir. Mais finalement, c’est à force de tourner nos galères en dérision qu’on s’en est sorties. Avec SML, c’est un peu notre façon de communiquer quand on est toutes les deux et qu’on parle de nos vies intimes, on rit de nos galères, qui sont parfois tragiques.”
Et puis, il y a la troupe de comédiens et comédiennes qui donnent une voix à tout ce travail : Sophie-Marie Larrouy, bien sûr, mais aussi Shirley Souagnon, Marjorie Le Noan, Éléonore Costes, Lison Daniel, l’animatrice radio Émilie Mazoyer, Jérémy Gillet qu’on a pu voir récemment dans la série Des gens bien ordinaires, Nicolas Berno…
Ovidie, de conclure :
“On a casté certains de nos potes et surtout des gens qui étaient raccord avec les idées qu’on défendait. C’était important que ce ne soit pas juste des comédien·ne·s voix qui viennent faire leur pige. Il fallait qu’ils croient en ce qu’on fait. Et en plus, ils et elles me disent que ça les fait cogiter !”
Les dix nouveaux épisodes de la saison 2 de Libres ! sont disponibles sur Arte.
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