Trois mois de grève et toujours pas d’issue : les salarié·e·s grévistes du Centre Pompidou, qui doit fermer pour cinq ans pour travaux en 2025, étaient toujours sans nouvelles le 16 janvier lors d’un nouveau rendez-vous de négociations avec leur direction, a-t-on appris de sources concordantes. Interrogée par l’AFP sur ce rendez-vous réclamé par les syndicats depuis le 21 décembre ainsi “qu’un vrai calendrier de négociations”, la direction a indiqué n’avoir “rien de nouveau” à communiquer à ce stade.
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“Nous espérons que la nouvelle ministre, qui dit ‘vouloir se battre pour la culture’, saura écouter les personnels et prendra pleinement conscience de la situation de crise que sa prédécesseure a laissée en suspens”, a également déclaré à l’AFP Nathalie Ramos, secrétaire générale du Syndicat national des musées et domaines CGT-culture. Interrogée au grand jury RTL, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a elle aussi appelé Rachida Dati à se saisir d’urgence du dossier Pompidou où elle doit, selon elle, faire “son premier déplacement”, estimant que la nouvelle ministre de la Culture est “attendue au tournant”.
Lundi 15 janvier, dernier jour d’une grande exposition sur Picasso, les salarié·e·s grévistes, soutenu·e·s par leurs homologues d’autres musées et secteurs de la culture (Cluny, Picasso, Orsay, BnF, Arc de Triomphe, INRAP…), ont distribué des tracts afin de sensibiliser le public, selon Mme Ramos. Les personnels de l’établissement, aussi appelé Beaubourg et qui abrite un des plus importants musées d’art moderne et contemporain au monde ainsi qu’une bibliothèque très fréquentée par les étudiant·e·s, craignent pour leur avenir.
Ils demandent des garanties sur le maintien du plafond d’emplois et la non-externalisation de leurs missions pendant la fermeture du lieu, inauguré il y a près d’un demi-siècle et qui doit rester fermé jusqu’en 2030 pour d’importants travaux de désamiantage et de restauration. Ils s’inquiètent aussi de la “dispersion des collections”, notamment vers l’étranger, pendant la fermeture du musée.
Une partie d’entre eux se sont mis en grève depuis le 16 octobre, occasionnant une vingtaine de jours de fermeture du Centre Pompidou, qui est fermé quotidiennement depuis le début des vacances scolaires de Noël, a précisé la direction à l’AFP. Ces fermetures ont “impacté” les fréquentations de l’ensemble des expositions temporaires programmées depuis l’automne, dont la grande exposition “Picasso. Dessiner à l’infini”, proposée depuis le 18 octobre. Les agent·e·s ont revoté massivement la grève lors de la dernière assemblée générale, le 18 janvier. L’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, Unsa, SUD) a reconduit début janvier le préavis de grève jusqu’au 15 février.
Mise à jour du 1er février 2024 : À peine arrivée au ministère de la Culture, Rachida Dati a annoncé lundi unilatéralement “la fin du conflit social” au Centre Pompidou. “Je suis heureuse d’annoncer, ce jour, la signature, entre le Centre Pompidou et les organisations syndicales, SPCP-FO et CFDT-Culture, du protocole d’accord relatif à l’accompagnement des équipes pendant les travaux dont il fera l’objet entre 2025 et 2030 grâce au soutien de l’État”, a écrit la ministre dans un communiqué qu’elle signe, quelques heures avant ses vœux aux acteur·rice·s et à la presse.
“Cet accord apporte des garanties aux agents du Centre Pompidou en prévision de la fermeture du bâtiment principal”, assure Mme Dati dans son texte, sans préciser le contenu de ce protocole d’accord ni de quelles garanties il s’agit. “Dès mon arrivée au ministère de la Culture j’ai souhaité mettre un terme à cette situation d’enlisement. Cent jours de grève, c’est inédit dans l’histoire du Centre Pompidou”, souligne la ministre qui ne s’est pas rendue au Centre Pompidou avant cette annonce pour rencontrer les agent·e·s. Elle a dit se réjouir que “les agents puissent poursuivre leur travail dans la sérénité, avec le soutien de leurs dirigeants, pour que le Centre Pompidou continue à ouvrir ses portes” au public.
Le protocole d’accord, consulté par l’AFP, prévoit notamment que la direction et le ministère sollicitent chaque année le maintien du plafond d’emploi à l’occasion des conférences budgétaires préalables à l’élaboration du projet de loi de finances. Il est actuellement d’environ un millier d’agent·e·s. Il prévoit aussi que la fermeture du bâtiment principal n’occasionne “aucun départ contraint” et que “le périmètre des activités actuellement externalisées par service ne sera pas modifié sauf de façon marginale après avis du Conseil social d’administration”, un point sur lequel la CFDT a assuré à l’AFP qu’elle resterait “vigilante”.
Si elle a signé le protocole, la CFDT a dénoncé la “méthode” utilisée par ministère et direction pour mettre fin au mouvement social, “certaines organisations syndicales (CFDT et FO, NDLR) ayant été conviées à la signature dès vendredi et pas d’autres (CGT, UNSA, SUD)”. “C’est un drôle de procédé pour sortir d’un conflit social qui dure depuis plus de trois mois alors que nous étions tous ensemble”, a regretté auprès de l’AFP Nathalie Ramos (CGT), déplorant avoir été mise “devant le fait accompli” et n’avoir “pas pu discuter des dernières propositions avec le personnel en assemblée générale”. “On constate quand même que cette activation des choses tombe le jour des vœux de la ministre, coïncidence ou pas ?”, s’est-elle interrogée.
Mise à jour du 2 février 2024 : des salarié·e·s “écœuré·e·s” votent la poursuite de la grève. Réuni·e·s jeudi en assemblée générale, les employé·e·s ont voté symboliquement la poursuite de leur grève, a constaté une journaliste de l’AFP. “La signature du protocole d’accord par deux organisations syndicales [CFDT et FO, ndlr] ne signifie pas la levée du préavis de grève qui court jusqu’au 15 février”, a martelé Nathalie Ramos de la CGT. “Si des avancées ont été obtenues, c’est bien grâce à la mobilisation des personnels qui n’ont même pas été consultés, ni informés, avant la signature”, a-t-elle déploré.
Une quarantaine de salarié·e·s se sont rassemblé·e·s dans une salle de cinéma du grand musée d’art moderne autour des trois syndicats non signataires, CGT, SUD et UNSA. Disant avoir été “trahi·e·s”, “bafoué·e·s”, “humilié·e·s”, les salarié·e·s ont voté la tenue d’une nouvelle assemblée générale lundi “pour décider d’une nouvelle stratégie” pour leur mouvement, auquel la ministre de la Culture, Rachida Dati, a assuré avoir mis “fin”. Iels appellent aussi à rejoindre un rassemblement de protestation le même jour à midi sur le grand parvis devant le musée, organisé par leurs collègues de la grande bibliothèque que le centre abrite et qui ont annoncé déposer de leur côté un “nouveau préavis de grève”.