Une étude statistique menée par The Economist révèle que les Noirs sont moins sous-représentés aux Oscars que les artistes issus des communautés latinos et asiatiques.
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“Whitewashing” : voilà le nom que les Américains ont donné à la surreprésentation des Blancs dans les sphères les plus visibles de leur société, qu’il s’agisse de politique, de musique ou, comme ces jours-ci, de cinéma. En 2016, c’est la cérémonie des Oscars qui en prend pour son grade avec une sélection qui lave plus blanc que blanc.
Pour la deuxième année consécutive, aucun Noir, acteur ou actrice, n’est présent dans la liste des nommés. Résultat : le 28 février prochain, s’il n’y aura bien entendu aucune chaise vide au Dolby Theater de Los Angeles pour la 88e cérémonie des Oscars, on pourra chercher longtemps les têtes de Will Smith, Jada Pinkett Smith, Spike Lee et Idris Elba, qui ont tous décidé de boycotter la cérémonie. Partout, des voix s’élèvent pour fustiger la sous-représentation des Noirs dans la sélection officielle des Oscars… Mais le problème est-il réellement celui-ci?
Dans un long papier, paru le 21 janvier, les journalistes de The Economist ont compilé les différentes statistiques à leur disposition entre 2000 et 2015 pour tenter de vérifier dans quelle mesure le whitewashing au XXIe siècle sous-représente effectivement la minorité afro-américaine aux Oscars. Et les résultats présentent le problème sous un jour différent. La conclusion de l’argumentaire chiffré est sans appel : “Les Oscars n’ont pas significativement sous-représenté les acteurs noirs”, écrit The Economist.
Ainsi, quand les Afro-Américains représentent 13,2 % de la population américaine en 2014, selon le Bureau of American Census, les acteurs noirs totalisent 10 % des nominations aux Oscars au XXIe siècle. Si le whitewashing est bien une réalité, il apparaît également que la sous-représentation qu’il induit est loin d’être aussi criante que l’on peut le croire.
Le whitewashing est terrible pour les Latinos et les Asiatiques
Selon l’hebdomadaire britannique, “les déséquilibres concernent toute l’industrie, et pas seulement les votants de l’Académie (des Oscars, ndlr). Et ils affectent toutes les minorités”. Pire, les statistiques font apparaître un whitewashing bien plus brutal pour les minorités hispaniques et asiatiques américaines.
Les Latinos, qui représentent 17, 4% de la population américaine, totalisent 3 % des récompenses aux Oscars, tandis que les Asiatiques, qui comptent eux pour 5,4 % de la population, ont récupéré 1 % des statuettes. Voilà où se trouve principalement le whitewashing et les protestations qu’il implique aujourd’hui : techniquement, ce ne sont pas les Noirs qui sont sous-représentés (malgré les terribles listes 100 % blanches des deux dernières années), ce sont les Blancs qui sont surreprésentés, au mépris des autres minorités.
Comment expliquer, d’un autre côté, le sentiment d’injustice ressenti aujourd’hui par la communauté des acteurs, actrices et réalisateurs afro-américains ?
Selon une étude très exhaustive regroupant 600 “top films” de la période 2007-2013 et reprise par The Economist, les nombre de rôles tenus par des Noirs a été de 14 – là encore, une représentation conforme à leur part réelle dans la population américaine (à titre de comparaison, les Latinos représentent 5 % des rôles et sont donc, eux, très largement sous-représentés). Le problème, c’est que la majorité de ces rôles sont des rôles secondaires.
Selon les calculs de The Economist, seuls 9 % des rôles-titres (ceux qui apparaissent dans les trois premiers noms de la fiche IMDB, précise le journal) sont attribués à des acteurs noirs. Ces 9 % qui se transforment en 10 % de nominations aux Oscars… dans lesquelles on trouve 15 % des lauréats du XXIe siècle.
La lumière viendra des réalisateurs
Si le whitewashing des Oscars vis-à-vis de la minorité afro-américaine est probablement le plus scintillant dans les yeux de l’opinion publique internationale, il est pourtant plus la conséquence la plus visible que le véritable cœur du problème. Comme le rappelle The Economist, les réalisateurs latinos n’existent quasiment pas dans le paysage cinématographique américain alors que cette même minorité représente 25 % des achats de places de cinéma ; de même, les réalisateurs noirs, eux, ont signé 6 % des 600 “top films” de l’étude.
Aux États-Unis, le whitewashing le plus violent s’opère derrière la caméra, et tout le problème est là. Pour faire des films qui représentent fidèlement un pays multicolore, planter des acteurs noirs çà et là en guise de paravent ne suffira pas. Si les protestations sont évidemment nécessaires pour attirer la lumière sur la discrimination culturelle dont font preuve les acteurs noirs, la diversité est encore plus essentielle chez les réalisateurs, seuls capables d’insuffler de manière naturelle au cinéma une nouvelle vision, un peu moins monochrome, de leur société.
Ce sont eux, et leur créativité, qui détiennent la solution. Le jour où l’industrie de production cinématographique confiera ses plus gros projets à une nouvelle génération de réalisateurs noirs, latinos et asiatiques, alors l’influence du whitewashing refluera. Irrémédiablement.