C’était l’une des sorties les plus attendues de cette fin d’année. Quatre ans après La fête est finie, Orelsan vient de dévoiler son quatrième album solo, Civilisation. Fini les gros coups de com’, les CD en quinze exemplaires différents, le documentaire incroyable qui fait parler de lui depuis plus d’un mois. Aujourd’hui, c’est la musique qui parle, et quelle musique.
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Mercredi, Orel avait déjà frappé fort en envoyant le clip phénoménal de “L’Odeur de l’essence”. Ça pouvait nous donner un avant-goût de ce à quoi allait ressembler cet album : un Orelsan déchaîné, voire enragé, qui dresse son froid constat de ce qu’est cette civilisation, des maux dont elle ne parvient pas à se défaire.
Finalement, l’album est certes glaçant par moments, mais pour autant pas si pessimiste que ça… entre sons engagés, ballades, bangers. Et surtout, il est musicalement brillant.
Un artiste débordant d’idées
On ne cessera jamais de le dire, mais des rappeurs comme Orelsan, il n’y en a pas deux. Musicalement, il n’a jamais fait dans la facilité et la paresse. Ça se confirme une nouvelle fois sur cet album. Piloté par des instrus géniales et des nouvelles sonorités dont seulement Skread a le secret, cet album est un fouillis musical qui promet des réécoutes très satisfaisantes.
De la ballade d’une mélancolie légère et douce “La Quête” à une prod et des vocaux d’Orelsan exceptionnels sur “Bébéboa” en passant par un fantastique deuxième round de “Ils sont cools” avec Gringe sur “Casseurs Flowters Infinity”, cet album est un condensé de génie, d’expérimentation, de prises de risques avec des ambiances rétro et des concepts de morceaux bien propres à Orelsan. Au cœur de cette richesse musicale, le niveau de rap et d’écriture d’Orelsan semble atteindre des sommets, et les synthés de Skread n’ont jamais autant électrisé.
Dès l’intro, “Shonen”, Orel nous plonge dans une bulle musicale de laquelle on ne sort que 58 minutes plus tard. Là où l’on pouvait parfois reprocher un manque de cohérence dans l’enchaînement de certains titres sur La fête est finie, la ligne directrice de Civilisation est bien plus assumée et identifiable. Elle lui permet de se livrer sans filtre et d’aborder un large panel de thématiques qui, pour autant, n’entachent jamais la cohérence du disque.
Orelsan, seul avec du monde autour
C’est l’image qui ressort de cet album. Orelsan seul avec du monde autour, observant ce qui ressemble à sa civilisation. Par cette position qu’il prend, le rappeur aborde des thèmes délicats, comme sur “Bébéboa”, dans lequel il incarne un homme qui parle de l’alcoolisme de sa compagne. Il dévoile également un froid et intense témoignage d’une manifestation qui tourne mal sur “Manifeste”. C’est là qu’Orelsan franchit le mur du son pour nous livrer un titre fou et si bien écrit qu’il en devient un film.
Après son alerte concernant le crash de la société sur l’explosif “L’Odeur de l’essence”, c’est en douceur qu’Orel positive sur le fabuleux “Jour meilleur” et sa boucle de guitare absorbante. L’art de ses storytellings, comme sur “Baise le monde”, se marie parfaitement à la pertinence avec laquelle il aborde des sujets délicats sur un ton assez léger.
Autre particularité du disque : la justesse et l’ouverture avec laquelle Orelsan se livre aujourd’hui sur son âge et, enfin, sur sa relation amoureuse. Quatre ans après son premier morceau d’amour sur “Paradis”, c’est avec le titre “Ensemble” qu’il aborde la difficulté d’entretenir une relation avec les contraintes que la vie d’artiste représente.
À 39 ans, Orelsan a, plus que jamais, des choses à dire. Celui qui était perdu d’avance a réussi à résister au chant des sirènes pour mettre fin à la fête et désormais porter un regard sobre sur la civilisation. Notre civilisation. Bluffant dès la première écoute, ce disque saura très certainement durer dans le temps et prendre de plus en plus de sens à mesure des écoutes. Au passage, il a réussi à réaliser son rêve de gosse en faisant un morceau avec The Neptunes. Rien que pour ça, il faut garder cet album près de soi en attendant le crash.