DJ Premier est une véritable institution du hip-hop. Son style de production représente en grande partie l’âge d’or du rap new-yorkais des années 1990. Le producteur est derrière les machines de nombreux morceaux phares d’artistes emblématiques comme Nas, Biggie, Jay-Z, MOP ou Rakim.
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Toutes ses différentes évolutions sonores ont été testées auparavant dans la confection des albums de son groupe, Gang Starr. Elles sont toujours accompagnées d’une voix identifiable entre toutes, celle de son partenaire Guru. Revenons sur l’histoire de ce duo légendaire du rap américain qui évoque énormément de culture, uniquement par son nom.
Un duo iconique formé presque par hasard
Étrangement, DJ Premier n’est pas originaire de New York mais du Texas. Il rencontre Guru, un rappeur de Boston à la voix très grave et enveloppante, en 1989. Guru avait déjà monté son groupe nommé Gang Starr au milieu des années 1980.
Mais après plusieurs maxis sortis sur le label Wild Pitch, le groupe se sépare et Guru découvre DJ Premier via une cassette démo. Il l’invite alors à participer au premier album du groupe, No More Mr. Nice Guy. Premier est alors friand de samples de jazz et la voix si profonde de Guru se mélange parfaitement avec cet univers.
Le duo va d’ailleurs se faire connaître comme pionnier du jazz hip-hop, surtout avec le morceau “Jazz Thing” présent sur la bande originale du film Mo’ Better Blues de Spike Lee, un film qui suit les hauts et les bas d’un trompettiste de… jazz, incarné par Denzel Washington.
Guru et DJ Premier vont ensuite enchaîner les albums classiques. Tout d’abord, Step in the Arena en 1991 avec les tubes “Just to Get a Rep” et “Check the Technique”.
Leur musique déborde alors de mélodies jazz et de rythmiques funk. Guru se présente comme un rappeur assez classique dans ses thèmes mais avec une voix tellement profonde qu’elle marque une véritable signature sonore.
En 1992, ils enfoncent le clou avec le parfait Daily Operation et les brutaux “Take It Personal” et “Flip the Script”. Ils arrivent alors au sommet de leur style de l’époque, entre rap hardcore et piano jazzy sautillant. Gang Starr entre directement au panthéon.
Les batteries lourdes de DJ Premier, alias Primo, et son utilisation précise des samples deviennent symptomatiques d’un style venant de Brooklyn, le quartier turbulent de New York en ce début des années 1990.
Cette identité musicale est aussi marquée par les refrains de tous les morceaux, entièrement composés de scratchs et de phrases reprises d’autres disques. Une vraie patte Gang Starr est née.
La patte Gang Starr
Ces mêmes années, le duo forme une association de rappeurs nommée la Gang Starr Foundation où l’on croise Jeru the Damaja, Group Home, Afu-Ra ou encore Big Shug. Leur musique illustre parfaitement l’ambiance dure et froide des rues de Brooklyn à cette époque.
En 1994, l’album suivant de Gang Starr, Hard to Earn, est un véritable instantané de ce rap hardcore qui va lancer les carrières de Jeru et Group Home avec de très bons albums entièrement produits par DJ Premier qui sortiront juste après.
Le groupe laisse un peu son univers jazz de côté pour rentrer dans la dureté new-yorkaise de 1994, celle du Wu-Tang, de Mobb Deep ou de Boot Camp Clik.
Sur Hard to Earn, le morceau “Mass Appeal” est sûrement le morceau le plus connu de Gang Starr à ce moment avec ses quelques notes minimales éparpillées sur la longueur du titre. Le titre est à la fois doux et puissant, un vrai classique du rap américain.
En 1998 vient alors la pièce maîtresse, Moment of Truth. Cet album est vraiment celui de la consécration avec de nouvelles sonorités pour DJ Premier, une maîtrise totale des rimes et de la voix pour Guru et des invités exceptionnels comme MOP, Scarface ou Inspectah Deck du Wu-Tang Clan.
Le moment de vérité
Le duo tente même un morceau plus léger avec “Royalty” et son refrain de K-Ci & Jojo du groupe Jodeci. Lancé par le tube “You Know My Steez”, Gang Starr représente alors vraiment le rap hardcore originel au moment où les propositions commerciales deviennent de plus en plus importantes.
DJ Premier devient alors une star de la production, demandée par tout le gotha du mouvement : Nas, Rakim, Notorious B.I.G., Jay-Z ou The LOX, tout le monde veut un bout de la légitimité du producteur sur son album.
Il devient synonyme ultime de street single, le morceau pour la rue. Guru se concentre sur ses compilations Jazzmatazz mais il s’agace un peu de la différence de traitement au sein du duo.
Gang Starr revient alors avec un dernier album en 2003, The Ownerz. Minimaliste et revendicatif, ce dernier tour de piste est toujours une preuve vivace des préceptes du rap des années 1990 porté par les équilibristes “Skills” et “Rite Where U Stand”. L’album termine par un “Eulogy” presque devin qui marque la fin d’une ère.
Guru et DJ Premier se brouillent un peu ensuite et n’arriveront jamais à refaire un album ensemble. Guru sort de nombreux albums en solo et DJ Premier continue d’infuser son style inimitable dans le rap mondial.
Une fin compliquée
Guru fait une attaque cardiaque en 2010. Il décède peu de temps après, laissant d’énormes doutes sur sa relation avec DJ Premier et la marque Gang Starr.
Un album posthume nommé One of the Best Yet sort finalement en 2019, soit 16 ans après leur dernier disque ensemble, une dernière page pour bien fermer le livre Gang Starr mais qui laisse encore un petit goût amer.
Car finalement, la carrière de Gang Starr a toujours été difficile à décrypter. Cette traversée héroïque est à l’image de leur titre le plus connu, “Full Clip”, qui n’apparaît sur aucun album mais sur un best of en 1999.
Ce tube intemporel rend hommage à une autre figure oubliée dès sa première seconde : “Big L, rest in peace”. Hommage continu, rigueur de chaque instant et timing raté : peut-être que toute l’histoire de Gang Starr est là.