C’est les 50 ans du hip-hop et on a décidé de vous raconter son évolution et ses moments charnières avec une année, une anecdote.
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Cette fois-ci, il s’agit de 1991, l’histoire du sample qui a changé l’Histoire du rap.
À la fin des années 1980, le Juice Crew est sûrement le groupe le plus important du monde du rap. Orchestré par Marley Marl, il accueille les meilleurs rappeurs du moment comme Kool G Rap, Big Daddy Kane, Masta Ace, Roxanne Shanté et… Biz Markie. Chacun avait son rôle, celui de Biz était l’humour du loser magnifique et la passion de la musique comme sur son tube “Just a Friend”, sorti en 1989.
Deux ans plus tard, Biz Markie veut réitérer l’exploit de “Just a Friend” avec son morceau “Alone Again”, un thème et une boucle de piano très similaires. Et c’est le morceau qui va absolument tout changer dans le business de la musique. On vous explique.
Le sample de trop
À partir du milieu des années 1980, de nouvelles machines se démocratisent dans le milieu de la production musicale : des samplers. Leur but : utiliser des échantillons musicaux enregistrés de véritables disques, pour les réutiliser en boucle. C’est le fondement même de la production rap et de la musique électronique depuis, on appelle ça le sampling. À cette époque, tout est possible, tout le monde sample tout le monde car il n’y a aucun précédent juridique sur le sujet.
Sur “Alone Again”, Biz Markie a samplé et interpolé le tube de Gilbert O’Sullivan du même nom. Problème : le label de Biz avait demandé l’autorisation à Gilbert et il avait dit : NON. Mais le label a décidé de sortir le morceau quand même, en single et sur l’album I Need a Haircut. Et là, tout s’enchaîne. Gilbert O’Sullivan va passer l’affaire en justice et il va obtenir plus encore qu’il ne voulait : une amende de 250 000 dollars pour Biz Markie et son label, et surtout le retrait total de TOUS les disques de Biz Markie sur le marché avec son morceau, donc singles et albums. Pire encore, le juge va lancer l’affaire au pénal, accusant Biz Markie de vol.
Ce premier procès pour sampling non autorisé va faire date. Depuis, chaque label a développé une cellule spéciale pour ce qu’on appelle “clearer” les samples, c’est-à-dire chercher les ayants droit des morceaux utilisés en samples pour leur demander l’autorisation et les payer en amont de la sortie du disque. Une économie entière se crée autour du sampling, tout ça à cause de ce bon vieux Gilbert O’Sullivan. Peu de temps après par exemple, le groupe The Turtles récupère 1,7 million de dollars auprès du groupe De La Soul pour l’utilisation d’un extrait de quelques secondes dans un interlude. Le sample devient une arme dissuasive, son utilisation va changer.
Le dernier rire
De son côté, Biz Markie revient en 1993 avec un album ironique où il pose en juge sur la pochette et dont le nom est un pied de nez à l’industrie : All Samples Cleared! Il pousse même la blague en utilisant un seul morceau samplé sur la moitié de l’album. Malheureusement, le succès n’est plus au rendez-vous, l’ère du Juice Crew est passée, le procès a un peu cassé la carrière de Biz Markie, c’est son dernier rire. Depuis tout ça, les producteurs de rap vont chercher des disques de plus en plus obscurs pour sampler et ainsi ouvrir un champ des possibles de plus en plus large. Le sample est devenu autant une liberté qu’une contrainte.
Mais ça, c’est une autre année, une autre anecdote, une autre histoire, un prochain épisode.