On vous parle de la rappeuse Asinine, celle qui écrit juste… là où il faut

On vous parle de la rappeuse Asinine, celle qui écrit juste… là où il faut

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Asinine dans l’objectif de Léonie Guyot.

Asinine faisait jeudi 20 mars son premier concert parisien. On y était. L'occasion de parler de sa musique, de ses textes et de débriefer ce moment si particulier.

Ses textes, ses refrains, son interprétation, ses visuels… Tout est touchant chez la rappeuse Asinine. Jeudi 20 mars 2025, elle s’apprête à monter sur scène. Si elle ne communique que très peu en dehors de sa musique où elle susurre déjà pléthore d’éléments de sa vie et de ses tourments, toute la salle comprend sans effort que ce moment va être important, pour elle, comme pour eux (nous), le public, qui n’en pouvait plus d’attendre.   

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20h00 à l’Alhambra, Nunca, première partie invité par Asinine, chauffe cette salle habituellement étrangère aux concerts de rap. Le temps nous prouvera que, pour autant, elle conviendra parfaitement aux prods et à la voix de la rappeuse, rendant le concert plus qu’agréable à l’oreille. Dans un décor forestier original et bien géré, Asinine se lance dans un seul en scène maîtrisé. Elle performera des titres comme “Ballades”, morceau phare de son EP XIII qui a vu le jour en 2023, propulsant celle installée à  Marseille depuis trois ans, dans une autre sphère. 

Asinine interprétera des titres comme “Afterlife”, qui semble avoir été conçu pour l’Alhambra, ainsi que plusieurs morceaux issus de son dernier projet, et son plus long à l’heure actuelle, dévoilé le 14 mars, La jetée. Ce 5ème EP est réussi de bout en bout. La rappeuse continue de dérouler une vision du monde complexe et ultra introspective comme sur “100 ans”, titre dédié à sa relation avec sa sœur : 

“J’remercie les parents qu’on soit deux, j’imagine pas l’enfer qu’ça serait c’monde si pour me voir y’avait pas tes yeux et ta voix pour chasser le monstre”.

La rappeuse observe, participe, recule, avant de s’éloigner et de contempler, elle s’attriste, subit la nostalgie, dompte la mélancolie, broie du noir, ressasse, essaye de se souvenir, se souvient, et tout ça, elle l’écrit. Son centre, son tout, reste sans équivoque les textes qui font d’Asinine une artiste à part et à laquelle on peut tout de suite trouver un point d’accroche. Sa faculté à raconter et à imager, à métaphorer : “Soit j’prends les pots cassés, j’me coupe les ailes avec. Soit j’ramasse les morceaux, j’en fais d’la mosaïque”, à personnifier : “La chance elle te sourit et deux secondes après cette pétasse elle m’attrape par la veste”. On en place une pour Briac Severe, acolyte producteur de la rappeuse encore bien présent sur La jetée.

Ce que l’on vient d’énumérer ici, ce n’est pas nouveau dans l’univers d’Asinine, mais ce projet en est une réelle démonstration. On pourrait citer d’autres textes, comme l’entièreté de l’outro “Si le soleil existe” qui rassemble tout ce qui a été dit au-dessus dans un seul titre. Des violons tremblants et une voix tremblante qui vous feront sans aucun doute trembler, ou chialer. 

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La quête musicale et personnelle d’Asinine se poursuit alors avec ce concert qui s’est déroulé sans accroc. Quoique un peu court (une cinquantaine de minutes), l’artiste a su montrer sa faculté à tenir une scène, sans exploser en vol ni trop en donner quitte à perdre en justesse, et à délivrer un show parfait en termes de prestation. “Parfait”, si ce mot ne veut pas dire grand-chose quand on y pense deux minutes (avec le talent d’écriture d’Asinine, ça pourrait sûrement donner une belle punch), le besoin de perfection dans l’art d’Asinine semble omniprésent. Une sévérité artistique avec elle-même qui se ressent dans ses projets, condensés et de plus en plus minimalistes dans les sonorités pour livrer le meilleur de sa musique et de ses phases, mais aussi dans ses clips toujours léchés et maintenant sur scène où même les gestes plus subtils paraissent travaillés et conscientisés.

Tout est toujours exécuté avec précision, ne laissant rien dépasser, ne laissant rien au hasard ou à une bonne étoile, qui, aussi bonne soit-elle, peut trahir ou filer au loin. Cela pourrait sonner comme du contrôle accru et donc un manque de naturel, fondamental (à la base) dans l’art et la musique. Pourtant, avec Asinine, il n’en est rien. Cette nécessité de contrôle laisse plutôt place à une vulnérabilité encore plus grande qu’on dessine à travers ses sorties. Le tout couplé à un professionnalisme hors pair. Mais la rappeuse ne laisse pas de côté les initiatives, les tests musicaux, qu’elle réalise avec une parcimonie poétique, qui pourrait également expliquer la durée du concert, pensé pour ne pas s’étaler et perdre en puissance. Car oui, Asinine le fait pour le meilleur, pour le parfait, tout du moins ce qui s’en approche le plus.