En 2023, pour la première fois, les MTV Video Music Awards ont ouvert une catégorie Meilleure chanson Afrobeats, la même année où les Grammy Awards ont également inauguré une toute nouvelle catégorie de récompense pour la Meilleure performance de musique africaine.
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Une réponse au fait que, depuis quelques années, l’Afrobeats connaît un essor international inédit qui ne laisse personne indifférent. On a tous en tête un titre de Burna Boy, Wizkid, Ayra Starr, Rema, Tems ou encore Davido. Comme tous les genres musicaux qui gagnent en popularité, l’Afrobeats n’a pas échappé à l’esprit d’appropriation de l’industrie musicale occidentale qui, ni une, ni deux, s’est empressée de capitaliser sur ce rayonnement entre collaborations, remix et soudaines reconnaissances dans les cérémonies musicales.
Alors que pendant des décennies, les musiques africaines étaient plutôt cantonnées à des catégories fourre-tout du type “musique du monde”, on peut (ou pas) saluer cette petite avancée vers la reconnaissance de la multiplicité des genres de musique hors Occident par l’Occident. On peut aussi (ou pas) saluer l’opportunité en matière d’audience et de “money money money” que cela représente pour les artistes Afrobeats et son mouvement culturel. Mais on peut également questionner les conditions dans lesquelles s’opère cette percée en Occident.
Il est indéniable que des morceaux Afrobeats comme “Ku Lo Sa” d’Oxlade, “Peru” de Fireboy DML, “Calm Down” de Rema ou encore “Essence” de Wizkid ont tous été des succès internationaux. Pour autant, tous ces titres ont connu un petit coup d’US/UK-washing avec des remix invitant respectivement Camila Cabello, Ed Sheeran, Selena Gomez et Justin Bieber. Des nouvelles versions qui marquent les esprits plutôt pour l’effet waouh du crossover inattendu que pour l’apport qualitatif souvent absent. Ce mardi 12 septembre 2023, Rema a gagné le premier prix de l’histoire de la Meilleure chanson Afrobeats aux VMAs pour son titre “Calm Down”, une récompense qu’il n’a pas gagnée avec la chanson originale mais avec le remix en featuring avec Selena Gomez.
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Plusieurs questions se posent alors : ces remix sont-ils vraiment intéressants musicalement ou est-ce simplement du business ? Est-ce que les artistes Afrobeats peuvent connaître une percée en Occident sans ces collaborations avec des artistes majoritairement blancs issus de la pop culture occidentale ?
La chanteuse américano-ghanéenne Amaarae qui a choisi de remixer son hit “SAD GIRLZ LUV MONEY” avec l’artiste colombiano-americaine Kali Uchis a répondu à ces questions pour The Guardian en exprimant que : “Avoir une célébrité clé blanche en featuring aide certainement à briser la glace sur ces marchés [occidentaux]. Une fois ce problème surmonté, il est alors plus facile d’entrer en contact avec ces marchés par vous-même”.
Le chanteur nigérian Davido a, quant à lui, exprimé ceci : “Nous avons eu des morceaux qui n’avaient pas besoin d’artistes américains ou britanniques pour réussir, mais oui, cela donne plus de visibilité. Un remix de Justin Bieber sera évidemment plus gros qu’un remix ordinaire. La même chose vaut pour un remix d’Ed Sheeran. Mais décider quelle direction prendre avec un single est souvent un choix entre s’emparer de marchés intérieurs lucratifs et se donner un coup de pouce supplémentaire à l’étranger”.
Le problème, c’est que ces collaborations basées sur le remix ont souvent pour seul mot d’ordre les chiffres. Lorsqu’ils sont interrogés, le champ lexical des artistes tourne souvent autour du business. On parle de marchés, d’audience et de profit. On en oublierait presque la musique et cet oubli fait qu’aujourd’hui, on se retrouve avec une Selena Gomez qui entre dans l’histoire de l’Afrobeats en gagnant la récompense historique de première Meilleure chanson Afrobeats de l’Histoire aux VMAs. Hum, ÉNORME récompense pour une artiste qui n’est absolument pas issue de la scène afrobeats et qui a sauté dans le wagon au tout dernier moment, non ? Après un siècle d’existence, n’aurait-il pas été plus satisfaisant et juste de voir le genre recevoir ses fleurs sans une sorte de parrainage blanc ?
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Si on sort de ce modèle stratégique et opportun de “remix à clics”, on s’aperçoit tout de même qu’une collaboration musicale qualitative (et rentable) entre ces différentes scènes et ces différents genres musicaux est possible. On pense notamment au fin crossover entre Tems et Beyoncé sur le titre “MOVE” présent sur l’album Renaissance ou entre Tiwa Savage et Brandy sur le titre “Somebody’s Son”.
Ces milles et une chansons remixées sont souvent le symptôme d’une course à l’ultra-viralité car, en réalité, la majorité des morceaux sont déjà viraux et se suffisent à eux-mêmes et c’est dommage car ça se ressent et c’est souvent la critique qui est faite par les premiers auditeurs d’Afrobeats.
Et puis, l’Afrobeats a-t-il encore besoin de cette surperformance aujourd’hui ? Toujours pour The Guardian, Davido a déclaré : “Je ne pense pas que nous avons besoin de trop en faire désormais. Nous devons rester fidèles au jeu et simplement adopter notre culture. Le cycle va dans l’autre sens : le monde vient désormais en Afrique”.