Mercredi 22 mai, au début de cette soirée Solidarité Palestine organisée au Zénith de Paris, la cagnotte créée à destination de l’ONG Medical Aid for Palestinians (MAP) comptabilisait plus de 30 000 euros. Après 3 heures de show, les concerts d’une quinzaine d’artistes et les prises de paroles de personnalités et anonymes palestinien·ne·s ou proches de la Palestine, la cagnotte, toujours en ligne, affichait 100 000 euros. “C’est grâce à vous. Chaque don compte”, remercie TIF en annonçant “cette bonne nouvelle” au public qui s’est déplacé – nombreux, les places sont parties en dix heures.
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Le rappeur et son label, Houma Sweet Houma, sont à l’origine de cette soirée placée sous le signe de la solidarité et du collectif, en témoigne le nom de l’événement “Not About Us”. En un mois et demi, la petite équipe a réussi à fédérer une quinzaine d’artistes venus soutenir le projet et donner de leur voix pour soutenir l’initiative. Mais l’idée n’était pas seulement de rassembler des sous pour l’organisation médicale grâce aux talents de Saint Levant, Flenn, Alpha Wann, Nemir, ElGrandeToto, Soolking, Wejdene, PLK, Khali, Deen Burbigo, Rim’K ou Zamdane. Il semblait nécessaire, face à un discours de plus en plus muselé autour de la question de la solidarité palestinienne et un sentiment d’impuissance devant les inactions gouvernementales, de créer un lieu de sensibilisation où des voix diverses et concernées avaient la place de s’exprimer.
© Elisa Parron
C’est pourquoi le hall du Zénith accueillait, ce mercredi 22 mai, les stands d’une dizaine d’associations œuvrant pour la paix, Festival Ciné-Palestine, Urgence Palestine, Union juive pour la paix, Enfan de Palestine, Warda 47, La Palestine nous rassemble, Youth for Climate, FIPsouk by Le Philistin, l’Association France Palestine Solidarité. À l’intersection des domaines des arts, du patrimoine de la politique et de l’environnement, elles y faisaient rayonner l’identité et la culture palestinienne tout en soulignant à quel point les luttes se rejoignent et imprègnent nos quotidiens.
Mais le plus important concernait la mise en valeur de personnes concernées, des “acteur·rice·s palestinien·ne·s impliqué·e·s”, habituellement mis à l’écart des médias et discussions les concernant (en février 2024, Arrêt sur Images calculait que sur “29 heures de JT” analysées “seul le 20 heures de France 2 [avait] consacré quelques minutes au sort des civil·e·s à Gaza”. Se sont ainsi succédé sur scène Imane Maarifi, infirmière et humanitaire partie à Khan Younès avec l’ONG MedPal, ou encore Yasmine, étudiante franco-palestinienne venue lire une lettre adressée à un cousin décédé à Gaza et partager des paroles venant d’une de ses cousines :
“Nous ne voulons pas d’aide alimentaire, nous ne sommes pas des animaux, qu’ils nous aident à arrêter la guerre ou plutôt à arrêter le génocide quotidien car maintenant nous ne ressentons aucun droit humain, aucun droit à vivre en paix, pas d’éducation, pas de paix, aucun soin, pas de jeux, pas de sommeil normal, juste rien. […] Un animal qui vit dans n’importe quel autre pays a plus de droits que [nous].”
Attentive aux risques d’indignation sélective, l’équipe avait pris le temps, en amont et sur place, d’expliciter ses choix (celui de reverser l’argent récolté à MAP, par exemple, “en raison de son action locale persistante malgré l’isolement de Gaza, de son indépendance religieuse et politique, ainsi que de sa gestion transparente et rigoureuse des interventions”) et de rappeler que l’initiative était “dépourvue de toute affiliation partisane, religieuse ou étatique” :
“Nous défendons le respect des droits fondamentaux et de la dignité de toutes les populations civiles, premières victimes des crimes contre l’humanité. Nous souhaitons rassembler toutes les bonnes volontés autour de valeurs humanistes communes, dans un esprit de compassion et de soutien envers celles et ceux qui souffrent, à Gaza, en Palestine et partout dans le monde.
Nous souhaitons souligner que toutes les vies comptent. Nous nous indignons devant le traitement des civils palestiniens, souvent déshumanisés ou occultés, et nous défendons la libération de tous les otages, immédiate et sans conditions. Dans un contexte troublé et polarisé, propice aux invectives et à la caricature, nous affirmons avec force notre engagement contre toutes les formes de racisme et de discrimination, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie.”
© Elisa Parron
Un événement historique
Cela faisait plusieurs années que les projets collectifs se faisaient rares, malgré des initiatives organisées en la mémoire de Nahel, contre les violences policières et pendant les manifestations. Cette soirée marque un tournant par son ampleur et son esprit fédérateur, réunissant old gen et new gen, les styles et les sensibilités. C’est une façon également de rappeler l’importance du “pour nous, par nous” – ici, en l’occurrence, “pour eux, par nous” – et de prouver que la nouvelle génération est engagée et proactive, tel que le soulignait Rim’K, alpagué dans les coulisses, à notre micro :
“Souvent on parle de la nouvelle génération en disant que le rap d’aujourd’hui est plus léger dans les textes, que c’est peut-être un peu moins engagé, etc. Mais ils s’engagent concrètement et réellement. Aujourd’hui, ils vont chercher des fonds pour une ONG. Je suis fier de ça, je suis fier d’y participer et je suis fier de cette nouvelle génération.”
“L’organisation d’un concert peut sembler en décalage avec la violence et la gravité des événements”, prévenait Houma Sweet Houma sur le site de l’événement. Face au silence assourdissant, il était cependant indispensable d’ouvrir un espace de parole et de résistance, nécessaire autant du côté des artistes que du public.
© Elisa Parron
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