On est allées au bal du siècle du château de Versailles, on a valsé toute la nuit et on a pris des cours d’étiquette

On est allées au bal du siècle du château de Versailles, on a valsé toute la nuit et on a pris des cours d’étiquette

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© Capucine de Chocqueuse ; © Donnia Ghezlane-Lala/Konbini

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Un cartomancien nous a offert une pièce d’or, on a valsé toute la soirée, et on a trouvé un billet de 20 euros dans le château du roi.

Le 11 décembre dernier, le château de Versailles organisait un bal public hivernal, le bal du siècle. Le thème ? “D’Offenbach à Mistinguett”, du second Empire aux Années folles, donc. Le dress code était obligatoire : “Robes de bal ou tenues prestige” étaient attendues. N’ayant pas de “robes de bal”, ni les moyens de louer un costume d’époque, nous avons tenté d’interpréter l’expression “tenues prestige” à notre sauce, selon le mantra de notre journaliste mode : “Quand tu n’as rien de luxueux à te mettre pour un événement prestigieux, habille-toi tout en noir”. Vêtues de simples robes noires, nous avons embarqué à bord de ma Kia sans plomb 95, et roulé jusqu’au noble château, qui nous attendait avec toutes ses lumières.

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Coupe de bienvenue

À notre arrivée, nous ne comprenons pas bien “qui sont ces gens” vêtus de costumes de cinéma ultra-réalistes. On paraît assez pâles avec nos outfits improvisés, à côté, un peu trop Festival de Cannes. Entourées de gens riches, on décide immédiatement de devenir “les cauchemars du château de Versailles”, ces paysannes qui ont eu accès à la cour grâce à un des valets du roi. On nous accueille avec du champagne dans le Salon d’Hercule, on reconnaît certains lieux de tournage du décrié Jeanne du Barry et on nous donne des badges “Artistes” pour se faufiler dans toutes les salles. Pour la première fois, nous avions Versailles pour nous, dans le plus grand des privilèges, le même qui était privatisé pour les invité·e·s de Macron, lors du dîner organisé en l’honneur du roi Charles III. Et on était à deux doigts de glisser à droite toute.

Javotte et Anastasie. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini)

Ballet dans la galerie des Glaces

Plusieurs activités étaient proposées lors de cet événement. La première était un ballet dans la célèbre galerie des Glaces, et on en a profité pour photographier des répliques de Javotte et Anastasie. On était peu convaincues par cette première attraction et on a décidé de passer à la suite.

Photocall

Je dis à ma collègue de poser sur une chaise luxueuse, surmontée d’une lumière bien blanche, qui servait de photocall. L’attaché de presse passe par-là avec sa sublime cape, et propose de nous prendre en photo : ambiance Succession. La photo est floue mais c’est ça, être riches. Le coût de la vie devient flou.

Tout est devenu flou. (© Konbini)

Tarot divinatoire

Direction la salle suivante, où nous rencontrons Arnaud Leray, qui propose un tirage de tarot. Ma collègue est un peu hésitante donc je me lance. Dès que je m’assois, le cartomancien me dit que j’ai une énergie spécifique, et qu’il va choisir le jeu de cartes à ma place, que je dois formuler une question dans ma tête, à poser aux cartes. Dans mon esprit, je lui demande : “Quand est-ce que je vais devenir riche, et acheter mon futur appartement ?”

Ça a le mérite d’être clair. Je tire le Diable, le Chariot et le Bateleur. Pour le premier, il est question de changement. Pour le deuxième, il est question de choix, de directions opposées, de se recentrer. Pour le dernier, il est question de ne pas trop s’éparpiller. C’est cohérent avec ma situation et à aucun moment, je n’ai donné d’informations au tarologue et formulé ma question en dehors de mon esprit. Il se trouve qu’à la fin, il a trouvé bon de me donner “une pièce d’or” pour faire mon choix à pile ou face. Une pièce d’or me semblait être une très belle conclusion à mon interrogation : j’allais devenir riche… dès maintenant.

La petite pièce d’or. (© Lise Lanot/Konbini)

Diffusion de ragots

Dans un couloir du château (comprendre : l’équivalent de trois appartements parisiens), un salon de ragots était installé. Du mobilier royal accueillait des femmes costumées à éventails pour papoter. On n’avait vraiment aucun gossip à partager avec ces gens très riches, alors on est passées à la suite.

Cours de valse dans la galerie des Batailles

La suite, c’est le bal en continu orchestré par Arnaud De Gioanni. C’est à ce moment-là qu’on se met dans notre rôle auto-assigné dès notre arrivée : nous devenons “les cauchemars, les terreurs de Versailles”. Dans ce lieu, des “tempêtes”, “gigues américaines”, “fantaisies”, “Pol Jones”, “danses animalières”, du fox-trot, du tango, du charleston, des valses de Vienne se dansaient. Nous prenons part à chacune d’entre elles en nous insérant un peu maladroitement au groupe : il faut savoir que dans la salle de bal, les couples formés sont binaires, et répondent à l’injonction “un homme face à une femme”. C’est un peu la Manif pour tous.

Comme nous étions devenues un peu rebelles, nous formons le premier couple lesbien à danser une valse de Vienne. Ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que les partenaires se partagent et que, alors que je m’étais mise à la place de l’homme, j’allais danser ensuite avec une autre femme que ma collègue. Une autre femme qui n’avait pas du tout signé pour ce progressisme. Il se trouve que toutes les femmes de l’assemblée sont bienveillantes et me considèrent digne de tournoyer avec elles, même si je ne maîtrise pas les bases. L’une d’entre elles rit à gorge déployée quand je l’attrape au vol – ces danses sont très rapides et on n’était clairement pas prêtes à faire autant de cardio.

Ça valse. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini)

Certains hommes s’agacent de me voir parmi eux, car je casse leur harmonie, et de manière assez objective, je suis un très mauvais cavalier. Nous devions, pour certaines danses, former des groupes de quatre, et tout le monde nous évitait. Nous étions exposées, identifiées, comme “le couple lesbien insolent” de la cour du roi. Tant pis, on a ramassé un billet de 20 balles trouvé par terre avant de quitter la foule. Les riches gardent leurs poches pleines pendant la valse : sachez-le.

Buffet des riches

On ne savait pas trop si on avait accès à ce buffet, dédié aux personnes qui ont payé le billet le plus cher – les tickets allaient de 200 à 500 euros. On se pointe avec nos badges “Artistes”, avec beaucoup d’assurance. Et ça passe. On se retrouve au beau milieu de la salle présentant le triptyque de tableaux de Napoléon, dont Le Sacre de Napoléon et le couronnement de Joséphine à Notre-Dame de Paris et La Bataille d’Aboukir. Les boissons sont gratuites et les mets aussi. C’est dans cette salle que nous vivons un moment digne de The Square : quand de nouveaux mets sont posés sur la table, les aristocrates se jettent dessus et ne partagent pas. Je vois une dame prendre six gâteaux sous mes yeux, et m’en laisser deux. La répartition des richesses, c’est non.

Le Sacre de Lise Lanot. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini)

On rencontre un adorable couple venu de Californie pour l’occasion, avec qui nous partageons nos différents gâteaux, pour s’offrir un buffet solidaire de saveurs variées. On fait connaissance, et on comprend qu’ils font partie des gens bien et généreux. L’une est Biélorusse, et l’autre est États-Unien. On gardera contact sur Instagram après cette soirée, car je me devais de leur envoyer cet article après sa publication. Et on passera le reste de notre soirée avec ces deux-là.

Jeux de cartes

Place à la bataille corse, ce jeu de hasard et de rapidité. Nous voilà face à Clémentine Poul et William Chenel, deux acteur·rice·s aviné·e·s et exubérant·e·s, en compagnie du couple californien rencontré au buffet. Autour de la table de jeu, une majorité écrasante de Sagittaires mène la partie, de loin. Un valet me sauve la mise à chaque fois, mais je me retrouve très vite avec une main très fine. Nos compagnons californiens finissent en finale, pendant que nous les regardons enchaîner les victoires face au duc du divertissement, qui a passé sa soirée à affronter des joueur·se·s, et qui commence à fatiguer.

Bataille corse. Quand il y a un as, il faut poser quatre cartes. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini)

Leçon de maintien

Dix minutes avant que le clou du spectacle ne commence, on teste la leçon de maintien, guidée par Thierry Péteau et Florent Robin. Ma collègue se découvre un talent dans l’étiquette, je suis impressionnée de la voir exceller dans la révérence au roi ; elle saisit et décompose les différents pas de la révérence, marche droit, apprend cette chorégraphie avec une facilité déconcertante. On nous apprend qu’il ne fallait jamais tourner le dos à la royauté en quittant une pièce, mais plutôt partir à reculons ; que plus on met du temps à remonter de sa révérence, plus on accentue notre marque de respect. Des tips qui nous serviront pour plus tard, probablement.

Feu d’artifice dans la galerie des Glaces

Le clou du spectacle. Assister à un feu d’artifice dans la galerie des Glaces, c’est quelque chose. Autour des fenêtres qui donnent vers ce lumineux et explosif panorama, les invité·e·s se mettent à danser, à s’exclamer, à former une chaîne qui court et longe l’espace de gauche à droite. C’était franchement magique. Et ça fait du bien de se sentir riches.

Feu d’artifice dans la Galerie des Glaces. (© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini)

Du 16 décembre au 7 janvier 2024, vous pourrez découvrir Le Parcours du Roi, au château de Versailles, plongés dans l’époque baroque. Le prochain bal public sera masqué et aura lieu le samedi 8 juin 2024. Et le 25 décembre prochain, Jean-Michel Jarre sera au château.