Une complexité à aimer lorsqu’on vient des quartiers
Si Rim’K, Abdelkarim Brahmi-Benalla de son vrai nom, a reçu beaucoup d’amour de la part de ses parents, cela ne l’empêche pas d’avoir du mal à se dévoiler. “Rose noir” en est le parfait résumé. Le titre signifie déjà beaucoup : la rose représente l’amour et le noir les épines qui gâchent sa beauté. Sur ce morceau, il explique “ne pas avoir appris à aimer, car il vient de la cité”. Abdelkarim raconte alors que les cités cassent les codes de la rencontre classique entre hommes et femmes, où deux personnes lambda pourraient se croiser au détour d’un café ou dans l’ascenseur d’un grand immeuble parisien. “Dans les banlieues, les premières femmes que tu vois, ce sont les sœurs ou les cousines de tes potes.” L’artiste explicite ensuite : “C’est ce manque d’entraînement, associé à la dureté des quartiers qui fait qu’on a de la pudeur et qu’on ne dévoile pas nos sentiments facilement.” Aujourd’hui, Rim’K est marié “avec une femme qu’il aime” et papa d’un petit garçon mais tenait à aborder cette thématique pour rappeler qu’en couple, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir et que comme les roses, la couleur varie.
À voir aussi sur Konbini
Des collaborations axées sur la nouvelle scène musicale
Parler à cœur ouvert et raconter son quotidien, c’est ce que Rim’K a toujours fait. Être fidèle à soi-même est peut-être le secret de la pérennité ? Fidèle à sa réputation, l’artiste de 38 ans a tout de même voulu s’entourer de la nouvelle génération rap et a invité les rappeurs qui la représentait le mieux à ses yeux. On le retrouve ainsi à côté de SCH sur “rien de lavable”. “Il a apporté de la fraîcheur à mon album et je trouve que c’est un très bon artiste”, admet le tonton. Avec une démarche similaire, d’autres rappeurs figurent sur l’album comme S.Pri Noir, Sadek et AP. Pour lui, ce qui compte “c’est le talent et non les ventes de disques”.
La pression des ventes d’albums, Rim’K l’a connu et sait de quoi il parle. Entre le 113 et ses projets solo, il a jonglé entre les majors et l’indé avant de se poser vraiment et de créer son propre label, Frénésik. Abelkarim met en lumière l’obscurité des maisons de disques, jugées manipulatrices :
“L’industrie musicale est un milieu très opaque, et si tu ne connais pas le fonctionnement, c’est certain que tu peux te faire avoir. Combien d’artistes qu’on voit à la télé, aux multiples disques d’or se font arnaquer ? Ils signent de gros contrats et ne sont pas millionnaires pour autant.”
“Les maisons de disques délaissent le rap à la télé”
Être son propre patron, c’est pour lui la seule façon de mener à bien son business. Il explique être plus passé à la télé depuis qu’il gérait seul, “parce que les services de presse ne s’occupent pas du rap à la télé ou alors c’est dans un but précis : parler de banlieues ou tomber dans les clichés.”
Rim’K dénonce également un manque de solidarité et un formatage de la part des maisons de disques :
“On t’oblige toujours à travailler de la même façon et si ça ne leur convient pas, on te fait rendre les contrats. Et puis pour exemple, un employé à 19 heures, il sera chez lui à table. L’artiste ne compte pas ses heures, il peut travailler jusqu’au bout de la nuit.”
Pour lui, le compromis est d’être indépendant mais de signer avec une maison de disques pour la distribution. Dans son cas, c’est à Universal qu’il fait confiance et avec qui il collabore. Il s’inspire toutefois de ceux qui font tout en solo comme Booba, qui s’occupe également de la distribution de ses albums “car personne ne peut connaître ton travail mieux que toi-même”.
L’artiste a traversé les époques
Il a écouté beaucoup de musiques différentes. Pour l’anecdote, il a même une cassette des Princes de la ville, le premier album du 113. De la cassette, au vinyle, puis au disque et maintenant au streaming, Rim’K doit avoir la tête qui tourne et quelques rides qui se dessinent sur le visage. L’artiste rigole. “Oh le coup de vieux”, balance-t-il. “Mais la cassette c’était trop bien et pratique, en plus on pouvait réenregistrer par-dessus”, rajoute Rim’K.
Comme on dit, lorsque quelque chose disparaît, c’est souvent au profit de la naissance d’une autre. L’artiste s’adapte et vit au fil du temps. Il revient alors sur sa jeunesse, et un succès à gérer alors qu’il sortait à peine du foyer familial. À l’âge de 20 ans, il touchait déjà beaucoup d’argent et ne voyait pas l’intérêt de faire fructifier son argent. Aujourd’hui, il remercie ses parents et notamment son père pour l’avoir conseillé : “Il était formidable. Je lui suis très reconnaissant car mes placements immobiliers de l’époque sont fructueux à l’heure actuelle.”
Son amour pour l’Algérie et son projet avec la Mafia K’1 Fry
Ses choix d’autrefois lui permettent dorénavant de vivre sa vie confortablement et de faire de la musique “juste pour le kiff”. Entre “Chef de projet” et “Monster”, l’artiste s’est absenté de la scène musicale durant 3 ans afin d’accueillir la naissance de son fils et de partir se ressourcer dans son pays d’origine : l’Algérie. “Je répartis mon temps entre le bled et la France sur l’année. C’est très important pour moi de ne pas oublier d’où on vient et avoir la double nationalité est une réelle fierté à mes yeux”, confie Rim’K.
Prendre du temps pour soi et ses projets est devenu vital pour l’artiste. Il ne cache d’ailleurs pas son intérêt pour la comédie, un univers qu’il aimerait davantage conquérir : “c’est comme dans la musique, tu livres une part de toi. Et parfois les images n’ont pas besoin de mots”. Beaucoup s’attendent à un film sur la Mafia K’1 Fry, racontant leurs succès et leurs échecs. “On a une belle histoire et elle n’est pas terminée, c’est ça qui est bien”, explique l’artiste.
Pour conclure cette interview, Adbelkarim nous fait profiter d’un proverbe inventé par son pote Julian, plein de finesse : “Mieux vaut une sardine dans son assiette, qu’un requin dans son cul.” On n’a rien compris mais c’est marrant.
L’album Fantôme est sorti le 3 mars 2017. Tournée prévue à partir de septembre. Rim’K se produira à l’Olympia le 6 octobre 2017.