Lors du concours Miss France, personne n’est resté indifférent. Devant la cérémonie ? Peut-être. Mais pas devant la tenue régionale portée par la Miss Lorraine, représentant une table recouverte d’une nappe blanche, mettant en valeur le patrimoine culinaire de la région et sa riche gastronomie. Si elle a beaucoup fait réagir, on a essayé d’en savoir plus en posant quelques questions à Maël Charton, l’étudiant à l’ECSCP/IFM à l’origine de cette création peu commune, mais très assumée.
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Konbini | Salut, Maël, qui es-tu ?
Maël Charton | Je m’appelle Maël Charton, j’ai 26 ans, j’habite aujourd’hui à Paris où je suis créateur. Je me suis retrouvé à fabriquer la fameuse robe après avoir participé au concours lancé par la société Miss France pour les costumes régionaux.
Qu’est ce qui t’a inspiré ? Pourquoi la bouffe ?
J’ai fait plusieurs recherches sur la Lorraine, ce qui la caractérise, des personnages publics… J’ai découvert que Jean-Pierre Coffe était Lorrain et ça m’a donné envie de mettre à l’honneur le terroir lorrain ! La quiche, les bonbons vosgiens, les bergamotes et autres spécialités, le tout mis en scène comme une cheffe cuisinière qui présenterait ses plats sur la table de son restaurant. Les bonbons ainsi que les madeleines sont réels, mais la quiche et les mirabelles ont été réalisées entièrement à la main en pâte Fimo. D’ailleurs, tous les éléments du costume ont été entièrement réalisés à la main : gants en dentelle, bas en dentelle, toque…
Mais à la base, tu as un lien avec la Lorraine ?
Oui, je suis Lorrain de naissance, j’avais déjà représenté la Lorraine en 2017 pour le costume de Cloe Cirelli, sur le thème de Saint-Nicolas, pour lequel j’avais remporté le Prix national.
Ça s’est passé comment, la création de la robe ?
Le costume a nécessité trois grosses semaines de travail et je n’ai pu voir Angeline qu’une seule fois pour essayer la robe ! Le plus gros défi était de faire tenir cette table droite. J’ai utilisé des techniques inspirées du monde du cabaret avec un corset et des tiges en métal à l’intérieur de la robe ! C’était un défi de gravité !
D’ailleurs, pour toi, c’est quoi le secret d’une robe réussie de Miss France ?
Le secret, je ne sais pas s’il y en a vraiment un… Rester soi-même et être fier de son travail, c’est déjà bien. Que le costume corresponde bien à la Miss, Angeline est quelqu’un de mature qui a su comprendre le second degré du costume et elle l’a beaucoup aimé et l’a bien en mis valeur sur scène en jouant à fond le rôle ! Miss France est un superbe show, c’est vivant, coloré, ça bouge ! Donc amusons-nous, c’est un show familial et bon enfant. Ça ne sert à rien de prendre autant à cœur une chose qui ne va, au final, changer la vie de personne, à part celle du créateur justement. Mais si tous les détracteurs ont des meilleures idées, qu’ils n’hésitent pas à postuler au concours l’année prochaine.
Tu n’as pas pu passer à côté, la robe a fait réagir beaucoup de gens sur les réseaux, en bien et en mal. Tu as vécu ça comment ?
C’est le moins que l’on puisse dire ! Les premiers retours étaient surtout des mèmes, plutôt drôles je dois dire. Je suis le premier à avoir plein d’autodérision dans la vie et sur mon travail. Mais par la suite, des commentaires extrêmement violents sont apparus et j’ai été choqué par la violence des mots et la méchanceté gratuite des gens.
Les critiques sur mon travail ne m’atteignent pas vraiment, car je suis fier du travail fourni dans lequel j’ai mis tout mon cœur. Mais les attaques personnelles, les insultes et les quasi-menaces que j’ai pu recevoir en messages privés m’ont choqué. Nous sommes dans une société où le harcèlement est au cœur des débats, mais finalement les gens l’oublient et viennent déverser leur haine gratuitement. Je voudrais dire que derrière les écrans, il y a des vraies personnes et que les mots ont un poids. Il existe clairement des sujets beaucoup plus graves aujourd’hui que quelques morceaux de tissus qui ont défilé deux minutes à la télévision.
Je suis un jeune homme gay de 26 ans. Le harcèlement, j’ai déjà connu, mais pas à cette échelle et à une époque où les réseaux sociaux n’étaient pas aussi développés. Mais le moi d’il y a sept ans, jeune provincial avec des rêves plein la tête, aurait reçu cette vague de haine et n’aurait sûrement pas eu la force que j’ai aujourd’hui et aurait certainement renoncé à sa passion, voire pire face à une telle vague de haine, reçue par des gens que je ne connais même pas. Encore une fois, les mots ont un poids et c’est une personne humaine avec des sentiments qui les reçoit.
En revanche, j’ai eu énormément de commentaires positifs et de soutien de gens spécialisés dans la couture, le monde du spectacle, et d’artistes, notamment drag-queens qui m’ont fait chaud au cœur et me poussent à garder confiance en moi et mon travail. Je continue à prendre exemple sur mes idoles Lady Gaga et Jean Paul Gaultier (loin de moi l’idée de me comparer à leur grandeur) qui ont toujours voulu exprimer leur individualité créative, quitte à déplaire, en ne s’excusant jamais et en allant toujours de l’avant face aux critiques. Après tout, on a pu voir dans l’Histoire que beaucoup de projets ou d’artistes ont été décriés à l’époque pour être adulés aujourd’hui : Eiffel, Manet ou Cardin… Qui sait, peut-être que tout le monde portera la table dans 20 ou 30 ans (rires) !
Sinon, à part cette robe, on te souhaite quoi pour la suite ?
Comme vous l’avez compris, j’adore le monde du costume, du spectacle vivant et du cinéma donc je vais tenter d’explorer cette voie et j’espère un jour devenir costumier sur de gros films comme Cruella, Black Panther ou Dune.
Pour suivre Maël Charton, c’est par ici.