L’hyperpop, ce mouvement esthétique comme sonore, que certains attribuent à ELOI chez nous, à SOPHIE ailleurs, et au label PC Music chez d’autres. Vous l’avez sans doute déjà entendu, vous croyez certainement l’aimer, mais qui peut vraiment définir ce nouveau genre musical qui semble obséder tous les musicos ? Et existe-t-il vraiment, du moins comme on l’imagine ?
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En novembre dernier, de passage au festival bruxellois Fifty Lab, qui mise chaque année sur les nouveaux talents émergents qui vont bientôt faire du bruit, on a rencontré tous·tes les artistes programmé·e·s pour qui le terme “hyperpop” est devenu une étiquette inévitable, pour le meilleur et pour le pire, et on leur a demandé à quel point ils et elles se sentaient appartenir au mystérieux mouvement, devenu le mot fourre-tout préféré de l’industrie musicale et des médias — nous y compris, en témoigne ce post Instagram.
Hyperquoi ?
Vous trouverez autant de définitions de l’hyperpop qu’il y a d’oreilles pour l’écouter. Certains vous diront que c’est de la musique ultra-pitchée au rythme ultra-saccadé, d’autres vous diront que c’est une esthétique Y2K, et quelques autres préféreront croire que c’est cette nouvelle scène musicale qui écrit tout en minuscules. eugene, jeune Bruxellois habitué des scènes des Rêves Party (haut lieu d’émulation pour les nouveaux talents émergents et alternatifs), nous conseille de lire l’article “Hyperpop, maxicringe” de la journaliste Julie Ackerman, paru en 2023 dans la revue musicale Audimat, pour mieux comprendre de quoi il est question.
L’article détaille l’événement du genre et énumère ses grands pontifes, de la légende SOPHIE qui a introduit les sonorités extrêmes dans la pop, au label londonien PC Music, fondé par A.G. Cook en 2013, et considéré comme le berceau de l’hyperpop. Dans l’article, l’hyperpop est définie comme un retour à la pop commerciale la plus efficace, “dans un esprit expérimental qui [embrasse] les possibilités offertes par la technologie et la démocratisation des logiciels de création musicale, en poussant les curseurs à fond (accélération des tempos, manipulation vocale extrême avec des voix ultra-pitchées…).”
“Je n’estime pas que ce soit un terme qui m’appartienne et que je puisse revendiquer”
Pour eugene, il faut d’abord comprendre de quoi on parle lorsqu’on brandit le terme “hyperpop”. “À la base, le terme était utilisé pour parler d’une scène et de différentes communautés qui se sont construites en ligne, proches de la communauté LGBTQIA+”. En ce sens, l’artiste “n’estime pas que ce soit un terme qui [lui] appartienne et qu’[il] puisse revendiquer”.
Pour autant, c’est un terme qu’on lui attribue, tant dans le secteur musical que dans les médias, la faute à des codes esthétiques et sonores qui peuvent faire penser au genre originel. “Je pense que les médias, les labels et la plateforme de distribution l’utilisent beaucoup dans une optique de branding et que le public l’utilise pour se repérer dans une proposition musicale qui évolue beaucoup. Le terme est utilisé à toutes les sauces pour parler de choses parfois très différentes et dévie sûrement de ce qu’il désignait au départ.”
“Aucun artiste ne rentre dans une seule case”
Lorsqu’on lui demande si l’attribution du label “hyperpop” sur son projet la dérange, Zonmai nuance : “Oui et non. C’est juste que c’est un peu le nouveau mot qui remplace la new wave, un mot fourre-tout dans lequel on met un peu tout et n’importe quoi dedans, en espérant que ça colle.” Quand on lui demande de nous définir sa musique, le mot hyperpop ressort, certes, mais noyé dans une liste d’autres genres : “Je fais du rap-pop-hyperpop-chanson française avec des éléments de rage”.
L’artiste française de 22 ans, originaire de la côte basque et dont le projet est né sur Soundcloud, donne sa réponse avec un sourire dans la voix, laissant supposer que pour la nouvelle génération, le genre n’existe plus. “Les genres, ça t’oblige à te mettre dans une case. Alors qu’en vrai, tout le monde sait qu’aucun artiste ne rentre dans une seule case”, confie la chanteuse. “On est une jeune génération musicale, parfois on ne sait même pas définir notre musique, mais ce n’est plus vraiment un problème. On n’a pas besoin de comprendre ce qu’on fait pour le faire.”
“On confond peut-être l’hyperpop avec la nouvelle variété française”
Pour salome, qui a fait ses armes aux côtés d’ELOI notamment, le terme “hyperpop” qu’on lui attribue n’est pas tout à fait adapté. “D’un point de vue sémantique, je préfère parler de hard pop, de la même manière qu’on a pu parler de hard rock à un moment.” Pour autant, elle comprend le mot-parapluie “hyperpop” utilisé par les médias, qui ont dû répondre “au besoin de simplifier les choses en les catégorisant, tant des médias que du public”.
Plus loin dans la discussion, salome soulève un point intéressant : et si l’hyperpop était la nouvelle variété française qui ne disait pas son nom ? “En francophonie, on ne va pas se mentir, le terme ‘variété française’ est mort. Alors que j’ai l’impression que des artistes dits pop, hyperpop ou même rap viennent perturber la définition de variété française”, avance salome. “Mais la France est tellement conservatrice qu’on n’oserait jamais admettre que ces genres sont peut-être la nouvelle variété française. On confond peut-être un genre comme l’hyperpop avec la nouvelle variété française.”
“Il y a trop de nouveaux genres musicaux”
Selon egidius, producteur bruxellois qui mêle textures rêveuses et glitches modernes à ses compositions, c’est l’excès de genres qui nous a conduit·e·s à employer le terme “hyperpop” à tout-va : “La musique est devenue accessible pour beaucoup de gens dans le monde parce qu’on peut acheter un programme et commencer à faire de la musique pour moins de 300 euros, dans sa chambre. Tous ces nouveaux artistes veulent mettre une étiquette sur leur propre musique, et ça donne naissance à beaucoup de pseudo-styles de musique. Mais il y a trop de nouveaux genres musicaux, ça conduit les médias et le public à étiqueter tous ces microgenres d’hyperpop, pour simplifier.”
Pour autant, egidius souligne que l’appartenance (même erronée) au genre hyperpop à ses avantages, comme le fait de pouvoir être intégré à des playlists Spotify dédiées, ou à être booké par des festivals qui veulent suivre la nouvelle tendance hyperpop, qui commence à prendre dans les festivals occidentaux notamment.
Ne croyez donc plus votre Spotify lorsqu’il vous dit en fin d’année que vous êtes incollables en hyperpop française alors que vos playlists sont remplies d’ELOI, Irko, Luther ou Implacable, et tentez de vous détachez des genres musicaux qui, en 2024, n’ont jamais été aussi peu pertinents.