Ce mardi, Netflix annonçait vouloir atteindre l’objectif zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici la fin 2022. Un plan très ambitieux, à mettre en application dans un délai très court, et qui intervient dans la foulée des promesses vertes d’autres géants de la tech comme Apple, Facebook et Microsoft. Mais de quelles émissions parle-t-on au juste ? Et ces mesures sont-elles véritablement vérifiables ?
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102 millions de tonnes de gaz à effet de serre
Selon le rapport “L’Insoutenable usage de la vidéo en ligne” du think tank français The Shift Project paru l’an dernier, en 2018, 60 % des flux de données sont à imputer aux vidéos en ligne et auraient entraîné l’émission de 306 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles de la France en 2018.
Plusieurs “coupables” : les data centers, qui produisent 20 % de ces gaz à effet de serre, la fabrication des terminaux (ordinateurs, smartphones, tablettes et éléments de réseaux), qui produisent 50 % de ces émissions, et le fonctionnement de ces mêmes terminaux, responsable des 30 % restants, selon Jean-Marc Jancovici, un ingénieur français qui plaide pour la “sobriété numérique”.
Ce sont les plateformes de SVOD telles que Netflix ou Amazon Prime qui pollueraient le plus. Elles représenteraient 34 % de la vidéo en ligne, soit 20 % du flux total de données et 7 % du total des émissions des gaz à effet de serre dues au numérique, soit 102 millions de tonnes.
Et Netflix dans tout ça ?
À lui seul, Netflix utilise 13 % de la bande passante mondiale et consommerait davantage que la consommation annuelle d’électricité au Royaume-Uni, c’est-à-dire plus de 370 térawatt-heures (TWh) par an, toujours selon le rapport de The Shift Project.
Mais récemment, George Kamiya, coordinateur de projets dans les domaines du numérique, de l’énergie et de la mobilité à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), est revenu sur les conclusions de ce rapport qui, selon lui, ne prennent pas en compte l’amélioration de l’efficacité énergétique des Technologies de l’information et de la communication (TIC).
À la lumière de cette réévaluation, il estime que regarder une heure de vidéo en streaming sur Netflix consommerait 25 à 53 fois moins d’électricité (soit 0,12-0,24 kWh d’électricité par heure) que l’estimation réalisée par The Shift Project. Selon lui, une heure de streaming vidéo en 2019 équivaudrait à 36 g de CO2.
Habituellement plutôt frileux sur la communication de ses chiffres, Netflix a récemment révélé qu’une heure de streaming sur sa plateforme génère moins de 100 g de CO2, selon l’outil Dimpact, un calculateur qui permet aux industries du numérique d’évaluer leur empreinte carbone. Un chiffre approximatif, mais près de trois fois supérieur à celui avancé par George Kamiya.
La crainte du “greenwashing”
Une communication sous forme de premier pas avant l’annonce ce mardi du plan “Net Zero + Nature”, prévu pour réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre du géant du streaming, qui seraient selon lui de 1 100 000 tonnes. La moitié de son empreinte proviendrait de la production physique de ses programmes et 45 % des activités de l’entreprise, comme le fonctionnement des bureaux, des studios ou les achats de biens. Les 5 % restants proviendraient des fournisseurs d’hébergement pour le streaming de ses services.
Pour atteindre son objectif neutralité et réduire ses émissions directes et indirectes, le géant américain prévoit l’installation de panneaux solaires, le déploiement des énergies renouvelables dans ses infrastructures ou encore l’embauche d’équipes locales pour limiter les déplacements. Et pour limiter les émissions de ses fournisseurs d’hébergement, Netflix possède déjà son propre centre de données implanté dans différents pays et directement connecté aux réseaux des opérateurs et fournisseurs Internet pour limiter la distance parcourue par les données.
Cependant, ne sont donc pas prises en compte dans ce plan d’action les émissions dues au streaming des vidéos qui généreraient les 100 g de CO2 par heure précédemment cités. Pour les compenser, Netflix prévoit d’investir dans des projets en faveur de l’environnement, comme le projet Lightning Creek Ranch dans l’État de l’Oregon, qui œuvre pour la préservation de la plus grande prairie de graminées cespiteuses en Amérique du Nord, ou le projet Kasigau Corridor REDD+ au Kenya, qui vise à protéger des forêts en zone aride.
Presque en même temps que les annonces écologiques de Netflix, une étude de l’Energy and Climate Intelligence Unit (ECIU) et de l’université d’Oxford, publiée ce mardi 23 mars, pointait du doigt les nombreux engagements climatiques irréalisables pris par les entreprises.
Aujourd’hui, sur les 2 000 plus grandes entreprises cotées en Bourse, une sur cinq s’est engagée à neutraliser son empreinte carbone. Mais, selon les chercheurs, seulement 20 % des engagements répondent véritablement aux critères de base d’un plan zéro carbone crédible, comme définit par la campagne “Objectif zéro” de l’ONU.
Pour Thomas Hale de l’université d’Oxford, coauteur de l’étude, la compensation des émissions de gaz à effet de serre n’est pas suffisante et la “priorité absolue reste la réduction immédiate des émissions”. Des émissions qui, dans le cas d’entreprises du numérique et productrices de leurs propres programmes comme Netflix, sont malheureusement difficiles à quantifier.