C’est un retour mythologique au village natal que Lahem opère dans sa série Fracture de la modernité : l’odyssée du retour dans la ville natale. Présentée aux Rencontres d’Arles, cette œuvre relate le revenir du photographe qui explore la thématique de la ville depuis quinze ans. Ce retour et toutes les émotions qu’il charrie prennent différentes formes, de la photographie à l’installation. Dans sa Hometown Trilogy, Lahem se place en “nomade en suspens entre son village d’origine et la grande ville”, selon les mots de la commissaire d’exposition Joanna Fu.
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En revenant à Sibei, village niché dans les montagnes de la province de Jiangxi, dans le sud-est de la Chine, le photographe se confronte “aux fractures insoutenables de la modernité”. “Initialement destinée à disparaître, Sibei se mue en une essence immortelle grâce à cette recherche et à cette reconstruction. […] Cette série est un hommage à son village et, par extension, à de nombreuses autres villes natales qui sont en proie au même processus irréversible de disparition”, précise Fu. Les images de Lahem préservent de l’oubli ce lieu de sa mémoire. Sibei existera toujours sur ses négatifs, résistera au temps et au mouvement.
A boy who disappeared, 2015. (© Lahem)
De la documentation, nous passons à l’immortalisation, au sens de rendre éternel. La terre, l’identité, la transformation, la migration sont autant de thèmes parcourus dans l’exposition. Ce grand retour, Lahem l’assimile à “une douleur, pour laquelle on éprouve une grande tendresse, mais dont on finit toujours par vouloir se séparer”, reprenant les mots du poète indien-britannique V. S. Naipaul. Ces mots décrivent à merveille le sentiment ambivalent qu’un départ et un retour au village natal impliquent. C’est notre maison, on l’aime mais elle nous dévore.
La poésie des photographies de Lahem réside dans ces scènes émouvantes dépeintes : le grain, les champs défraîchis qui n’ont pas bougé d’un poil, ces maisons en construction, les images teintées de rouge, d’orange, ce serpent tenu par un villageois, la famille qu’on recroise, les gamins qui pleurent, les voisin·e·s qu’on marie, deux hommes dormant dans un lit étroit et ces corps en harmonie avec le paysage. Dans des tiroirs en bois, comme ceux qu’on tire chez une grand-mère à qui on devra bientôt dire adieu, des photos en noir et blanc, qui semblent appartenir à un autre temps, se donnent délicatement à nos regards curieux. Au centre, une valise ouverte, effleurant un voile blanc, accueille un parpaing. Comme pour témoigner du poids que signifie revenir.
© Lahem/Photo : Donnia Ghezlane-Lala/Konbini
A river that flows only in one direction, 2015. (© Lahem)
Biting stone, self portrait, 2013. (© Lahem)
A snake about to become food, 2016. (© Lahem)
First wedding, 2013. (© Lahem)
Love or midlife crisis, 2019. (© Lahem)
Wait for the wind, self portrait, 2018. (© Lahem)
Turtle, sand and dam, self portrait, 2018. (© Lahem)
Mom and Son, 2017. (© Lahem)
Neighbors in the vegetable garden, 2017. (© Lahem)
Worship ancestors, 2015. (© Lahem)
Watch a play, 2015. (© Lahem)
L’exposition “Fracture de la modernité : l’odyssée du retour dans la ville natale”, de Lahem, est à voir jusqu’au 29 septembre 2024 au Ground Control, lors des Rencontres d’Arles.
Konbini, partenaire des Rencontres d’Arles.