The Wonderful Story of Henry Sugar, c’est quoi ?
À peine Asteroid City dévoilé sur nos écrans, dans la foulée d’une présentation cannoise très bien reçue, Wes Anderson est déjà de retour, avec la première partie d’une série de collaborations avec Netflix. En effet, la plateforme a acquis en 2019 les droits de la Roald Dahl Story Company, qui gère le conséquent catalogue de l’auteur pour enfants culte – à qui l’on doit Charlie et la Chocolaterie, Matilda, James et la Grosse Pêche, Fantastique Maître Renard, et plus encore.
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L’une des résultantes de cet achat est l’adaptation de plusieurs petites histoires en courts-métrages, quatre en l’occurrence, par Wes Anderson. Le premier, The Wonderful Story of Henry Sugar, est sorti le 27 septembre dernier sur Netflix, trois mois après la sortie de son dernier long et vient de remporter l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation.
Trente-sept minutes durant, on suit l’histoire de Henry Sugar, contée par une version fictive de Roald Dahl lui-même (incarné par Ralph Fiennes), qui tombe sur un livre racontant l’histoire d’un homme capable de voir les yeux fermés. Henry, richissime homme s’ennuyant au quotidien, décide de suivre le même entraînement…
Et c’est bien ?
On est d’accord avec Pedro Almodóvar qui avait dit à Thierry Frémaux, juste avant la séance de Strange Way of Life au dernier Festival de Cannes, qu’il faudrait diffuser plus de courts de grands cinéastes. De manière générale, en dehors de quelques courts notables de ce dernier, de Yórgos Lánthimos ou de Luca Guadagnino, il est rare que des cinéastes déjà établis repassent par le petit format (en dehors de pubs ou de clips) – qui souvent a lancé leur carrière. Et c’est dommage.
Wes Anderson, qui lui aussi est passé par la case court (notamment avec Hotel Chevalier, film précédant The Darjeeling Limited, en 2007), est de ceux qui comprennent le médium, l’aiment et savent l’exploiter. Non pas qu’on en doutait (certains lui reprochaient déjà de faire des longs constitués de plusieurs courts, avec The French Dispatch en l’occurrence), mais cette Wonderful Story of Henry Sugar en est définitivement la preuve.
(© Netflix)
Bon, il faut dire que l’histoire de base est courte, donc logique qu’elle tienne en trente-sept minutes. Wes Anderson doit parfois comprimer ses dialogues, déballés, comme souvent chez lui, à la vitesse grand V – d’autant plus qu’il s’amuse à jouer avec l’aspect littéraire du texte, les personnages balançant leurs dialogues comme s’ils étaient le narrateur. La preuve avec le narrateur initial de l’histoire, qui n’est pas moins qu’une espèce de Roald Dahl incarné par Ralph Fiennes. Deux des nombreuses manières pour le cinéaste d’être le plus proche possible de l’histoire.
Car ce qui impressionne, c’est la capacité qu’a le cinéaste à s’approprier le texte tout en restant aussi proche de ce dernier. En effet, derrière cet écrin de réalisme se cache le film le plus inventif de son cinéaste. Peut-être que le fait d’avoir peu de temps lui a permis d’ancrer plus de folie. Peut-être surtout que le récit, dans le récit, dans le récit (et parfois même dans le récit), permet à son auteur de jouer sur la théâtralité.
Plus encore que dans Asteroid City, dont c’était le cœur névralgique, Anderson s’amuse ici à faire de longs plans (de trois à cinq minutes), où le décor se meut autour des personnages pour accompagner le récit. Les dix premières minutes ont fait se décrocher notre mâchoire de malice et d’ingénierie avec cette introduction d’autant de récits, de personnages et de décors avec une caméra qui ne semble qu’assez peu bouger. Du genre qu’une IA ne pourrait inventer…
Un style qui marie parfaitement le thème du récit, puisque Wes Anderson continue d’explorer des histoires de personnages essayant de trouver leur place, de comprendre un monde pas simple à aborder et dont le meilleur moyen d’évoluer passe par la transmission d’histoire.
De là à dire que ce court-métrage n’a rien d’anecdotique et s’inscrit parfaitement dans la filmographie de son auteur comme, on l’espère, cela devrait être le cas pour les trois prochains, il n’y a qu’un pas. Que l’on franchit.
On retient quoi ?
L’acteur qui tire son épingle du jeu : Benedict Cumberbatch, qu’on se plaît à retrouver dans un rôle loin de Marvel
La principale qualité : son inventivité et sa richesse
Le principal défaut : il faut aimer le style de l’auteur, sinon on risque d’y être hermétique – est-ce néanmoins un défaut ?
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : les précédents films de Wes Anderson
Ça aurait pu s’appeler : compliqué de changer le titre de la nouvelle initiale…
La quote pour résumer le film : “Si le film est à 100 % du pur Wes Anderson, il en reste son film le plus inventif et le plus fou.”