Au cours de cette 80e Mostra de Venise, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.
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Maestro, c’est quoi ?
Cinq ans après le triomphe de A Star Is Born, Bradley Cooper repasse pour la seconde fois derrière la caméra avec un nouveau film musical, Maestro, présenté en compétition officielle à la 80e Mostra de Venise. Cooper y tient également le rôle-titre de Leonard Bernstein, pianiste new-yorkais, compositeur éclectique de renom, chef d’orchestre passionné et ouvertement bisexuel.
Pour Netflix, Bradley Cooper a choisi d’en dresser le portrait — mais surtout le portrait du couple qu’il a formé avec l’actrice chilienne Felicia Montealegre — sur plusieurs décennies, de leur rencontre dans les années 1950 jusqu’à la mort de cette dernière des suites d’un cancer du sein en 1978. Incarnée par Carey Mulligan, c’est d’ailleurs elle, et seulement elle, que l’on voit, de dos, sur l’affiche du film.
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Et c’est bien ?
Très réfractaire au genre trop souvent soporifique du biopic musical, hermétique aux grandes transformations physiques taillées pour les Oscars et indifférent au talent d’acteur de Bradley Cooper, c’est avec un cruel manque de motivation que l’on s’est rendu à la projection très matinale du film. Et alors qu’on s’attendait à être bercé par un biopic ronronnant, classique et hagiographique, on a surtout été saisi par un très beau film sur le couple, sur ses compromis et ses compromissions.
À la différence de Michael Mann, qui a sélectionné l’année charnière de 1957 pour raconter sa version d’Enzo Ferrari, Bradley Cooper n’a pas voulu choisir et nous raconte la vie presque entière de Leonard Bernstein, de son premier succès en tant que jeune chef d’orchestre aux tout derniers cours qu’il dispensera. Le syndrome Wikipédia guettait donc ce film fleuve mais pourtant, il n’est pas.
Dans l’année 1957 d’Enzo Ferrari, Michael Mann mêle les thématiques du mariage, de l’infidélité, du business et des courses de voitures, sans véritable point de vue, délitant ainsi son matériau pourtant passionnant. Bradley Cooper étire quant à lui son récit dans le temps mais ne perd jamais de vue ce qui l’intéresse en premier lieu dans la vie de Bernstein : le couple, ses arrangements et comment les faire fonctionner au mieux dans la durée, malgré les épreuves.
Ce parti pris de l’ordre de l’ultra intime pourra décevoir étant donné l’immense carrière musicale du musicien mais il apporte à nos yeux un supplément d’âme qui manque souvent aux biopics. Et malgré l’importance relative de la musique dans le film, les scènes musicales où Bernstein conduit son orchestre sont véritablement virtuoses et leur ferveur engloutit le spectateur et suffit à emmener presque tout le film.
La bisexualité du compositeur est assumée et établie dès l’introduction du film et jamais elle ne sera vécue comme une disgrâce dans la sphère publique comme privée, ou ne nuira à sa notoriété, à sa carrière ni même à son mariage, bien que vécue plus amèrement par sa femme, et leur union demeurera basée sur l’amour réciproque et un soutien mutuel. Si on peut regretter le manque d’épaisseur psychologique du propos quant à la question de la bisexualité, sa normalisation fait également de Maestro un biopic “d’époque” assez inédit.
Si le genre du biopic basé sur des figures masculines (et donc encore majoritaire) nous lasse tant, c’est également pour son traitement souvent bâclé des personnages féminins, volontiers réduits à une simple fonction de soutien et à une personnalité unilatérale — Emily Blunt dans Oppenheimer, scientifique émérite que l’on ne voit qu’alcoolisée ou névrosée, Penélope Cruz dans Ferrari, également à la tête de l’entreprise Ferrari uniquement présentée en mère endeuillée ou épouse irascible, pour ne citer qu’elles.
Dans Maestro, Felicia Bernstein a moins d’impact sur la vie professionnelle de son mari, ayant elle-même sa carrière d’actrice à mener, mais Carey Mulligan est de tous les plans, de toutes les émotions et à un cheminement intérieur qui lui est propre, porté par une interprétation magnifiquement nuancée. Dommage qu’on ne l’ait pas autorisée à vieillir à l’écran comme son partenaire masculin, grimé pour sa part par des prothèses vieillissantes très convaincantes.
On retient quoi ?
L’actrice qui tire son épingle du jeu : Bradley Cooper sait être juste et évite le piège de la performance à Oscar mais c’est Carey Mulligan qui emporte le tout.
La principale qualité : L’alchimie entre Bradley Cooper et Carey Mulligan, de leur rencontre à leurs derniers moments.
Le principal défaut : Son classicisme malgré tout.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Marriage Story, Tick, Tick… Boom!, A Star Is Born.
Ça aurait pu s’appeler : Les Bernstein.
La quote pour résumer le film : “Maestro n’est pas le film que vous croyez.”