Au cours de cette 80e Mostra de Venise, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.
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Ferrari, c’est quoi ?
Michael Mann a beau être l’un des cinéastes les plus importants des années 1990-2000 (l’enchaînement sans faute Le Sixième Sens/Le Dernier des Mohicans/Heat/Révélations/Ali/Collatéral/Miami Vice : Deux Flics à Miami en vingt ans est vertigineux), il connaît, comme de nombreux réalisateurs, des difficultés pour faire certains films, dont ce Ferrari. Sans doute que le non-succès du pourtant très bon Hacker (son dernier film en date, en 2015) n’a pas aidé. Sauf que Mann avait en tête d’adapter cette histoire depuis les années 2000.
Vingt-trois ans plus tard, son Ferrari est enfin là, tout chaud, en compétition à la 80e Mostra de Venise. Après que Christian Bale et Hugh Jackman se sont battus pour le rôle phare, c’est finalement Adam Driver qui campe Enzo Ferrari à un moment crucial de sa carrière : quand, en 1957, l’ancien pilote devenu concepteur de voitures avait besoin de faire grandir son entreprise, devenue une marque à part entière, quitte à devoir séduire un investisseur externe (comme Ford), en gagnant une course mythique, lui qui essuie échec sur échec dans son écurie.
Le tout sur fond de drame conjugal, puisque bien que marié à Laura (Penélope Cruz), Enzo a une vie secrète avec Lina Lardi (Shailene Woodley) et leur fils caché, alors qu’il ne se remet toujours pas de la mort de son premier fils avec sa femme légitime.
Et c’est bien ?
Le film ne sortant en salle outre-Atlantique que fin décembre et chez nous sur Prime Video en 2024, nous allons essayer de ne pas trop divulgâcher la chose.
Michael Mann a un style propre. On lui reconnaît un univers graphique, une manière de composer l’image, d’utiliser de nouvelles technologies (toujours avec une utilité, pas juste pour être dans son temps), mais aussi une typologie de personnages. Un héros, seul face au monde, face à l’immensité d’un monde qu’il ne comprend plus forcément, avec une réelle méfiance des institutions et une attache au couple, quand bien même Mann souffre de son rapport “quasi liturgique au métier”, comme le décrit Jean-Baptiste Thoret.
En ce sens, Ferrari est un parfait film de Michael Mann. Son plus classique, sans nul doute. Un vrai biopic des plus traditionnels. Sauf que le plus classique des Michael Mann reste au-dessus de la mêlée.
D’abord visuellement, les plus puristes trouveront le film un peu trop timide. Ce serait omettre le fait que l’on retrouve les gros plans sur les visages qui occupent la moitié de l’écran qu’on ne lui connaît que trop bien. Et sans parler de nouvelles tentatives – il s’amuse avec des drones, avec des Dolly Drones sur une route jonchée d’arbres. Il pose sa caméra au sol pour un virage, essaie de varier les plans. Michael Mann a 80 ans et une fougue encore folle.
Certains le trouveront un peu trop timide venant de ce dernier, surtout sur l’action, mais ce serait rater l’essentiel : ce qui intéresse Mann, derrière la technique et la course, est le drame humain qui est le moteur de cette machinerie et ce qui en découlera. C’est ainsi que, et malgré une dernière course qui dure environ trente minutes, le cœur du film est ce triangle amoureux qui déchire le personnage, où il n’est pas question que d’honneur, mais d’amour. Amour des voitures, mais amour de l’autre surtout.
Ferrari n’est pas révolutionnaire. Il n’en a jamais eu la prétention. Par contre, il est un pur film de Michael Mann, de A à Z, qui réussit à impressionner tant par sa mise en scène léchée (parce qu’on a parlé de l’ingéniosité du cinéaste pour filmer les courses, mais le reste demeure une maestria complète) que par sa direction d’acteurs dingue – si Adam Driver a toutes ses chances de récupérer une pluie de nominations dans la saison des prix à venir, c’est peut-être Penélope Cruz en femme/partenaire jalouse qui est la plus forte – et son propos. Car qu’est-ce que l’innovation et la technique si elles se font au prix d’une famille qui se déchire et de vies humaines brisées ?
On vous l’a dit : du grand Michael Mann.
On retient quoi ?
L’actrice qui tire son épingle du jeu : peut-être plus qu’Adam Driver, c’est vraiment Penélope Cruz qui impressionne.
La principale qualité : l’écriture et la mise en scène.
Le principal défaut : peut-être un peu trop timide malgré tout.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Le Mans 66 de James Mangold et la filmographie de Michael Mann grosso modo.
Ça aurait pu s’appeler : Mille Miglia 57
La quote pour résumer le film : “S’il est le plus classique des films de Michael Mann, il demeure un parfait film de son auteur, qui réussit à impressionner par sa mise en scène, son écriture et son casting.”