Le Garçon et le Héron de Miyazaki (Wild Bunch) — Sortie le 1er novembre
Ça faisait dix ans que nous n’avions pas eu de nouvelles œuvres de la part de Miyazaki. Rien que pour ça, c’est un événement. Présenté comme étant son dernier film, avant qu’il n’annonce vouloir continuer à raconter des histoires, Le Garçon et le Héron était scruté de près par tous les fans de Ghibli, et les autres.
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Le récit de ce petit garçon débarquant dans la nouvelle maison de son père, des années après le décès de sa mère, alors qu’un héron semble lui indiquer un chemin vers un monde où il pourra la retrouver, n’est pas simple d’accès. Le film le plus expérimental de Miyazaki, très clairement. Indispensable, sublime, mais plus difficile à approcher.
L’enlèvement de Marco Bellocchio (Ad Vitam) — Sortie le 1er novembre
Aujourd’hui, parler de cinéastes italiens contemporains revient à évoquer Paolo Sorrentino, Nanni Moretti et Matteo Garrone. Il ne faudrait pas oublier Marco Bellocchio, immense cinéaste, habitué de Cannes, mais pas tout à fait identifié du grand public, dont les récentes œuvres sont pourtant parmi ce que l’Italie a pondu de plus beau ces dernières années.
Bellocchio a cette sublime manière d’explorer l’histoire de son pays à travers des drames, dont la forme colle au fond du récit évoqué. Après l’incroyable thriller de procès racontant le premier “traître” de la Cosa Nostra et la série folle sur l’enlèvement du président de la Démocratie chrétienne (parti centriste), Aldo Moro, Bellocchio revient avec un film historique, faussement classique, sur le kidnapping d’un enfant d’une famille juive, qui aurait été baptisé en secret et qui reviendrait au Vatican, donc, au moment où l’Italie est sur le point d’être unifiée. Fascinant.
Voleuses de Mélanie Laurent (Netflix) — Sortie le 1er novembre
On oublie trop facilement le parcours assez fou de Mélanie Laurent en tant que réalisatrice, évoquant bien plus facilement ses performances d’actrice outre-Atlantique ou dans certaines productions françaises. Avec Voleuses, ce nouveau film pour Netflix, la cinéaste en est pourtant à sa septième réalisation.
Une espèce de comédie d’action bourrin, jonchée de moments d’espionnage et de drame, avec une Adèle Exarchopoulos en grande forme. Un trio de braqueuses, pour un film d’une ambition encore trop rare en France.
La Planète sauvage de René Laloux (Tamasa) — Ressortie le 7 novembre
Il y a cinquante ans, un film d’animation français, un film de SF écolo et politique, surréaliste sur les bords, recevait un Prix du jury à Cannes. Depuis, la place de l’animation dans le paysage du cinéma francophone, ou à Cannes, est plus timide. Il faut bien comprendre l’impact immense de ce long-métrage (qui est un premier long, au passage (!)) et de ce cinéaste trop peu cité et reconnu, René Laloux.
À l’occasion de cet anniversaire, Capricci met les petits plats dans les grands avec la sortie d’un livre, de la BO en vinyle, d’un Blu-ray inédit, mais aussi et surtout d’un cycle Laloux au cinéma, avec ses trois longs-métrages (La Planète sauvage, donc, Les Maîtres du temps, qu’il a fait avec un certain Mœbius, et son dernier chef-d’œuvre, Gandahar). Indispensable, de bout en bout.
Simple comme Sylvain de Monia Chokri (Memento) — Sortie le 8 novembre
Dans son troisième film, la réalisatrice québécoise réinvente la rom-com option philo. Dans cette hilarante et cruelle variation sur l’amour, Sophia, professeure de philosophie à Montréal, vit en couple depuis dix ans avec Xavier, avec qui elle partage une véritable complicité intellectuelle à défaut de sexuelle. Lorsqu’elle va rencontrer Sylvain, le charpentier en charge des travaux de son chalet, le coup de foudre charnel sera immédiat, mais très rapidement soumis à des problématiques de lutte des classes.
Dans Simple comme Sylvain, sans cynisme aucun, Monia Chokri convoque le désir féminin et tout le lot de tromperies, tourments et questionnements qu’il peut charrier, raconté – une fois n’est pas coutume – par le prisme de la comédie. On y rit beaucoup, le sens du dialogue, de la répartie et du timing comique y est extrêmement acéré, la poésie du vocabulaire québécois toujours aussi efficace, tout en étant saisis par la puissance du désir et la cruauté de l’insatisfaction amoureuse racontées à l’écran.
Ça tourne à Séoul ! de Kim Jee-woon (Jokers) — Sortie le 8 novembre
Kim Jee-woon est un cinéaste rare. Pas rare dans le sens qu’il ne fait un film que tous les cinq ans (même si c’est un peu ça), mais rare parce que ses longs arrivent rarement jusqu’ici. Pourtant, de son premier long The Quiet Family à J’ai rencontré le Diable, en passant par Deux Sœurs ou encore A Bittersweet Life, son nom devrait être connu de tous. Ce n’est pas le cas. Heureusement, Cobweb, retitré ici Ça tourne à Séoul !, présenté au dernier Festival de Cannes, a trouvé une maison refuge chez Jokers.
Il s’agit d’un petit événement, de surcroît pour un film décontenançant de la part d’un auteur qu’on ne connaît que pour les thrillers, les films d’horreur et l’action pure. Ce serait omettre tout un pan de sa carrière dans la comédie, dont fait clairement partie ce film fou sur un réalisateur décidant de retourner intégralement son dernier long en deux jours seulement. Il se situe quelque part entre 8 1/2, Ne coupez pas ! et The Disaster Artist, avec une véritable réflexion sur la Corée des années 1970, la censure étatique, et autres. Entre déclaration d’amour au cinéma et brulot politique. C’est fort.
À noter qu’il ne faudra pas rater la rétrospective du cinéaste la semaine suivante.
La Passion de Dodin Bouffant de Trần Anh Hùng (Gaumont) — Sortie le 8 novembre
On ne devrait pas, en 2023, découvrir le nom de Trần Anh Hùng. C’est néanmoins tristement le constat que l’on peut faire, suite à la présentation à Cannes de son dernier long, où le commun des mortels ne connaissait pas ce cinéaste français d’origine vietnamienne pourtant assez remarquable – si vous n’avez pas vu son premier long, L’Odeur de la papaye verte, n’hésitez pas une seconde, c’est une merveille. On espère que l’incroyable La Passion de Dodin Bouffant changera la donne.
Injustement critiqué ou boudé parce qu’il aurait volé la place d’Anatomie d’une chute pour représenter la France aux Oscars (évidemment que si le film de Justine Triet n’a pas été sélectionné par choix politique, c’est un scandale, mais ça n’enlève rien au fait que La Passion de Dodin Bouffant est un candidat hyper sérieux), le film est pourtant une claque. Jamais la nourriture n’a été aussi bien filmée, jamais on a été autant happés, et aussi longtemps, par une simple recette. Binoche et Magimel sont magistraux.
Un vrai grand film.
Pierre feuille pistolet de Maciek Hamela (New Story) — Sortie le 8 novembre
Une voiture fait des allers-retours, de Chernikiv à Kyiv, de l’Ukraine à la frontière polonaise, pour transporter des personnes évacuées suite à l’invasion russe. À droite du chauffeur, une caméra, qui filme les passagers, ces gens qui ne se connaissent pas mais qui vivent tous la même chose et qui trouvent dans cette voiture un endroit de refuge et un lieu de confidence.
Bouleversant de bout en bout, sur les émotions diverses qui traversent chaque individu (du déni à la colère, du chagrin à l’espoir). Avec un procédé si simple mais qui fonctionne tellement bien. Difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux à plus d’une reprise.
The Killer de David Fincher (Netflix) — Sortie le 10 novembre
Avec cette adaptation assez libre des premiers tomes de la saga de BD française Le Tueur, dessinée par Luc Jacamon et écrite par Matz, David Fincher réalise son premier thriller en presque dix ans. Par un montage et un découpage très méticuleux façon lecture de bande dessinée, il déroule l’histoire et le cheminement mental d’un tueur à gage ultra-méthodique, voire toqué, qui va pour la première fois faillir à sa mission et ainsi perdre peu à peu son génie meurtrier.
Ici, les préparatifs comptent davantage que le passage à l’acte, et pour ce faire, David Fincher soustrait à son film tous les artifices possibles pour revenir à une fausse forme de sobriété. Par son commentaire sur notre époque, où les nouvelles technologies de notre monde moderne rendent tout possible, The Killer est un film glaçant (mais non dénué d’humour).
How to Have Sex de Molly Manning Walker (Condor) — Sortie le 15 novembre
C’était la claque du dernier Festival de Cannes. Pour son premier long-métrage, la réalisatrice britannique Molly Manning Walker a choisi de suivre un groupe de trois amies adolescentes en vacances dans une station balnéaire très fréquentée de la Méditerranée. L’objectif de la semaine : s’alcooliser au maximum et enfin avoir son premier rapport sexuel pour Tara (incroyable Mia McKenna-Bruce). Mais alors que les cuites, les soirées et les nuits blanches s’enchaînent, cette dernière va subir ces injonctions adolescentes qu’elle n’a finalement pas vraiment choisies.
Derrière la façade du teen movie fluo et bruyant façon Spring Breakers, Molly Manning Walker pousse la réflexion sur le consentement au degré supérieur dans un premier film saisissant. Film post-#MeToo pour certains, douloureux flash-back de la violence de la norme adolescente pour d’autres, How to Have Sex est le plus pertinent mais aussi le plus émouvant des teen movies contemporains.
Vincent doit mourir de Stéphan Castang (Capricci) — Sortie le 15 novembre
Production sortie sous le label Wild West, le nouveau label de cinéma de genre lancé en 2021 par les producteurs et distributeurs Vincent Maraval (Wild Bunch) et Thierry Lounas (Capricci), Vincent doit mourir s’est imposé comme la petite claque du cinéma de genre français du dernier Festival de Cannes à la Semaine de la critique.
Stéphan Castang y réunit un excellent duo du cinéma français totalement au diapason, Vimala Pons et Karim Leklou, où ce dernier, pourtant le plus bonhomme des acteurs hexagonaux, se réveille dans un monde dystopique dans lequel, par un simple regard, il déclenche un déferlement de violence. Un coup d’œil et on veut sa mort. Comment vivre avec cette menace ? Pourquoi tout cela lui arrive-t-il ? Comment échapper à cette malédiction ? Vincent doit mourir prend alors des airs de road-movie façon Sailor et Lula, où nos amoureux vont devoir fuir pour leur survie.
Little Girl Blue de Mona Achache (Tandem) — Sortie le 15 novembre
Il semble très compliqué d’expliquer ce qu’est Little Girl Blue. Est-ce un documentaire ? un faux documentaire ? un simili biopic ? Tout à la fois ? En tout cas, c’est un objet fascinant.
En se replongeant dans les archives de sa mère, la cinéaste Mona Achache essaie de comprendre cette femme qu’elle n’a pas connue autant que ce qu’elle voulait en faisant rejouer des scènes de sa vie à Marion Cotillard (impériale dans ce rôle), où parfois le quatrième mur se brise, où la reconstitution se mélange à la fiction et à la réalité. Un objet trop rare.
Avant que les flammes ne s’éteignent de Mehdi Fikri (Bac Films) — Sortie le 15 novembre
On ne pensait pas se prendre ça dans la tronche. Un film sur les violences policières, fictionnel mais qui ressemble à un documentaire, qui parle d’un destin qui ressemble à celui de la famille Traoré, tant sur le décès d’un frère que sur la voix d’une grande sœur, devenue la voix de toute une fratrie.
Le film est autant un film de performance (Camélia Jordana en tête de lice) qu’un film d’écriture, le parcours de chaque personnage étant à la fois émouvant et pertinent. La petite claque qu’on n’avait pas vue venir.
Gueules noires de Mathieu Turi (Alba Films) — Sortie le 15 novembre
Il est toujours plaisant de voir le cinéma d’horreur hexagonal assumer être dans de l’angoisse pure et non un film vaguement de genre. On ne dit pas ça pour dire du mal de certains de nos films, on en adore plein dans le lot, tout comme on aime un long-métrage qui assume ce qu’il peut.
Quand des miniers du nord de la France, en 1956, tombent sur une créature au fin fond d’une caverne, on a un film façon The Descent, généreux, cauchemardesque. Le réalisateur de Méandre remet ça, et c’est tout ce qu’on voulait.
Mars Express de Jérémie Périn (Gebeka) — Sortie le 22 novembre
L’animation pour adultes est rare, surtout en France. Déjà qu’il y a un mépris envers le genre de l’animation, que l’on cantonne à un truc à part, à côté du reste des productions – ce n’est pas pour rien qu’il n’y a eu que trois longs d’animation nommés à l’Oscar du meilleur film ever… Et encore, on parle de Disney. Pour ce qui est de l’animation plus mature, c’est encore un autre sujet.
Imaginez que la personne derrière l’adaptation de Lastman en série se soit chargée d’un projet de SF ambitieux, dingue, qui va autant piocher du côté de Satoshi Kon que d’Ugo Bienvenu. Un film futuriste, sur une enquête prenante, digne de Hollywood, ça ne peut être qu’un grand oui.
Napoléon de Ridley Scott (Sony) — Sortie le 22 novembre
Deux ans à peine après les sorties consécutives de Le Dernier Duel et House of Gucci, Ridley Scott, 85 ans, revient avec une nouvelle fresque épique de 2 heures et 30 minutes sur l’empereur français Napoléon, également génie de guerre, rebelle et tyran, et le rôle déterminant qu’a eu l’impératrice Joséphine de Beauharnais, incarnée par Vanessa Kirby, dans son ascension.
Plus de vingt ans après avoir revêtu le costume de l’infâme empereur Commode sous la caméra du même réalisateur, Joaquin Phoenix remet donc ça, avec tout le panache et l’ambivalence donc il est capable.
La Vénus d’argent de Héléna Klotz (Pyramide) — Sortie le 22 novembre
Pour incarner son personnage d’outsider de la finance, la réalisatrice est allée chercher la chanteuse Pomme, qui avait publiquement pris la parole au sujet de la misogynie dans le milieu de la musique et des difficultés rencontrées en tant que jeune femme pour y trouver sa place.
En miroir grossissant, la chanteuse y incarne donc Jeanne, 24 ans, qui vit dans une caserne de banlieue parisienne avec son père gendarme et qui a fait le pari de réussir sa vie dans le monde de la finance malgré le déterminisme social. Pour contourner la misogynie, elle s’est créé un personnage neutre, “comme les chiffres”, presque mangaesque, qui déambule dans cet univers urbain et bétonné. Cheveux courts et costume gris trop grand pour se fondre dans le paysage des tours de la Défense le jour, blouson en cuir rouge au volant de sa moto la nuit, Jeanne trace son chemin dans cet environnement hostile, tandis que Pomme prend sereinement sa place au cinéma.
Guerre et Paix de Sergueï Bondarchuk (Potemkine) — Ressortie le 22 novembre
Plusieurs cinéastes se sont attaqués au mastodonte de Tolstoï. Si l’un des films les plus célèbres est celui de King Vidor, porté par Audrey Hepburn et Henry Fonda, la plus grande, la plus folle des versions n’est pas hollywoodienne. Elle est soviétique, et elle détient un paquet de records – film le plus cher de l’histoire de l’URSS (9 millions), d’un peu moins de sept heures en quatre parties, une bataille avec plus de 12 000 figurants (et non 120 000, comme la rumeur le raconte).
Mais au-delà des records, Guerre et Paix est un monument du cinéma. Un monstre d’écriture, de structure narrative, d’une beauté à tomber par terre, d’une précision implacable, d’un lyrisme fou. Il faut du courage pour se lancer, mais le chemin vaut toutes les durées de la terre.
Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré (Gaumont) — Sortie le 29 novembre
Après un passage très réussi du côté du petit écran avec Le Monde de demain, la minisérie sur NTM qu’elle a cocréée pour Arte, Katell Quillévéré opère un virage à 180° avec une grande épopée romantique, inspirée de la vie de sa grand-mère, présentée dans la section non compétitive Cannes Première.
Elle réunit en couple fictionnel Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste, qui interprètent respectivement une femme ayant été tondue après la Seconde Guerre mondiale pour avoir vécu une aventure avec un soldat allemand dont elle est tombée enceinte et un étudiant riche, charmeur, boiteux et insaisissable, qui vont tenter de se réparer mutuellement en acceptant leurs zones d’ombre respectives.
Le Temps d’aimer est une réflexion vibrante sur le couple qui traverse les époques grâce à son art de l’éclipse pour interroger la fidélité, la longévité, les compromis, la parentalité et la bisexualité.
Perfect Days de Wim Wenders (Haut et Court) — Sortie le 29 novembre
Pour son grand retour à la fiction, Wim Wenders a posé ses caméras à Tokyo pour y filmer le quotidien de Hirayama (Koji Yakusho, Prix d’interprétation masculine), un homme d’une cinquantaine d’années qui travaille à l’entretien des toilettes publiques de la capitale nippone et s’adonne à cette tâche avec soin, méticulosité, application et, ainsi, dignité. Il vit seul sans pour autant éviter le contact avec l’autre ; sa vie est simple mais entièrement tournée vers la recherche de la beauté dans cette routine quotidienne très bien huilée.
Si Hirayama demeure un invisible de ces grandes villes anonymes, Wim Wenders évite tout misérabilisme, préférant nous proposer un nouveau film urbain, poétique et pudique, tout en déambulation et en contemplation, sa marque de fabrique. Perfect Days est ainsi un véritable feel good movie sous forme de petit éloge de la simplicité, sur fond de littérature, de rock et de photographie, extrêmement satisfaisante à contempler.